Mon manifeste d'amour au peuple 2/3
 




Mon manifeste d'amour au peuple 3/3


I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








Accès direct à l'ensemble des articles منفذ مباشر إلى مجموع المقالات
(Voir ci-bas انظر بالأسفل)
Site optimisé pour Chrome

vendredi 20 octobre 2023

Dictature mentale 5

 Palestine : 

Par delà bien et mal 1/3*


Ce n'est qu'au début du Crépuscule que la chouette de Minerve prend son envol, assurait Hegel dans sa Préface des Principes de la philosophie du droit. En effet, l'analyse philosophique est toujours en décalage avec l’histoire en cours d'écriture. C'est ainsi que se veut notre réflexion, point en analyse historico-politique, plutôt investigation sociologique en contribution à la prima phïlosophia, comme Walter Benjamin qualifie son travail. (1) Mais étant inspirée par la « voix du cœur qui seul au cœur arrive » qu’est la poésie selon Éluard, elle se revendique, mieux encore, n'être que paraphilosophie telle que pratiquée par ce philosophe « à l'état sauvage »  comme a pu être qualifié le génial Edgar Morin. 

À partir de l’actualité la plus récente du Proche-Orient, elle est une scrutation  téléologique de la complexité de cette région du monde, au sens étymologique du mot « complexus » signifiant : « ce qui est tissé ensemble ». Et ce en vue de sensibiliser au fait que tout y est catégorisations cloisonnées, manichéennes, invitant au dépassement de la pensée unique unilatérale illibérale. 

Nous le ferons en une trilogie partant du triste réel (1re partie) pour aboutir à un meilleur espoir d'avenir (3e partie) après avoir rappelé la seule solution qui devrait l'édifier d'après nous et aussi une éminente et lucide voix juive (2e partie). C'est que notre pensée est voulue constructive, non destructrice, quitte à être iconoclaste ou à choquer. Et notre conviction est que le crépuscule de la chouette de Hegel est plutôt lever que coucher du soleil, lequel ne se couche ni ne se lève au demeurant, étant toujours à briller. À son image ne doit-elle pas être cultivée la libre pensée ?  

Terrorisme, terrorismes

Dans une poésie intitulée « Philosophie du sacré serpent », le plus célèbre poète tunisien Abou AlKassim Chebbi écrit le 20 août 1934 : 

Il n'est de justice que par équivalence des forces

La terreur étant de la terreur le juge (2)

Aujourd'hui, une telle cruelle vérité garde toute sa validité, hélas ! Nous vérifions cette terreur en son sens étymologique qu'est le terrorisme rythmant l'actualité venue du Proche-Orient avec le déchaînement inouï de violences inhumaines et de haines diaboliques de part et d’autre, confinant à des crimes contre l’humanité. Or, cela se fait au vu et au su d’une communauté internationale s’agitant bien plus que n’agissant, soutenant une partie contre l’autre, dénonçant et justifiant d’identiques turpitudes au final, sans tenir compte ni de leurs causes ni de leurs effets.

On se concentre ainsi sur une part du problème, le terrorisme des uns sans se soucier de son entièreté, là où se situe sa cause, et on relativise la réplique pourtant aussi terroriste de la victime du jour, occultant le statut à l'origine de victime du terroriste du jour. Or, la notion du terrorisme est protéiforme, n'ayant pas que des manifestations physiques, étant aussi et surtout mentales, agissant en douce sur l'inconscient tant individuel que collectif. 

De plus, en temps de guerre, cette notion est à manier avec moult précautions, car susceptible non seulement de révéler les turpitudes des uns, mais aussi de cacher celles des autres à la faveur de dérives éthiques médiatiques. Ainsi est-il à valoriser l'attitude de la BBC excluant ce terme du vocabulaire de ses journalistes au nom de la responsabilité sémantique lors de l'évocation de conflits aussi complexes que celui du Proche-Orient. 

Le plus cruel à y relever, comme c'est le cas aujourd'hui, est l’absence de parole juste dans l'analyse avec justesse de la situation, sans nulle amnésie du droit international ni des valeurs universelles, démocratiques et humaines. Pourtant, plus que jamais une parole de vérité s'impose où le juste, nonobstant son appartenance culturelle et politique, veille toujours à se tenir au-dessus de la mêlée des antagonismes idéologiques et des conflits récurrents que génère l'inévitable loi sociologique de l'odeur de la meute. D'autant qu'elle est plus que vivace chez les plus extrémistes des protagonistes sous les mythes du « peuple élu de Dieu » des uns et de la « meilleure communauté de l'univers» des autres. 

Cela induit souvent un ralliement inconditionné et inconditionnel aux siens ou à ceux avec lesquels on a des atomes crochus selon une logique anthropologique expérimentée quoiqu'illogique. On le vérifie avec l'essentiel de la communauté occidentale volant au secours de la victime des plus récentes horreurs, même si elles ne sont historiquement pas initiales, nonobstant surtout le fait que cette victime est la plus forte des parties en conflit. Ce qui fausse la justesse de ne voir sur le champ des horreurs que l'agresseur en premier, alors que sa qualité de victime évidente du plus fort est avérée et d'autant que ce dernier ne se comporte pas moins en aussi fou que celui attesté être le plus fous de tous. 

Y a-t-il donc unique terroriste ? En taisant la cause du mal, ne réagissant que sur l’effet, on ignore délibérément la vraie nature de cette terreur, se complaisant dans une attitude passive, sinon négative, entretenant l'injustice d'un statu quo n'ayant que trop duré. Surtout que, pour tous, il continuera forcément à être régulièrement une source intarissable des pires tragédies issues d'actes terroristes et des réactions qui le sont tout autant.

En de telles heures dramatiques, tout libre penseur sensible au malheur des uns et des autres, imbu en plus des vraies valeurs libérales, libertaires mêmes, ne peut se complaire à dénoncer les uns, encenser les autres, mais plutôt avoir le courage de la vérité, honorant la devise d’Albert Londres dans Terre d’ébène : « Notre métier n’est pas de faire plaisir non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie ».

Métaphores du cafard, de l'odeur de la meute

Outre l'allégorie de l'odeur de la meute caractérisant si bien le comportement animalier et l'humain lorsqu'il perd de vue les valeurs humanistes universelles, il est cette parabole du cafard dont j'use volontiers à caractériser l'enlisement  spontané dans le mal chez l’homme. À la vue de cet insecte qui ne pique ni ne mort, son réflexe premier n'est-il pas de le tuer même s’il n'infeste point son espace de vie, ne semblant constituer ni menace immédiate ni médiate ? Au-delà des lois de l’hygiène l’imposant, un tel comportement, surtout s'il est systématique, est caractéristique d'une insensibilité aux lois de l’humanisme. D'où une interrogation sur l'étendue de ce dernier, notamment lorsqu'il est revendiqué, ses limites aussi quand le cafard symbolise l’autre, le différent, incarnant un danger potentiel forcément en puissance. La logique du bouc émissaire n'est ainsi pas loin. (3)

C’est à cela qu’on est confronté avec l’animosité quasi ontologique animant juifs et musulmans. Des références religieuses s’ajoutant aux faits historiques ont permis de fabriquer, sans nulle légitimité, une arme de destruction instantanée des moindres valeurs humanistes. Or, elles violent celles portées par les Écritures sacrées des uns et des autres qu'on instrumentalise, consciemment ou inconsciemment, mais avec bonne conscience, à une culture systématique de la haine meurtrière de son prochain.  

Pourtant, il n'y a pas longtemps encore, les juifs étaient la victime expiatoire des chrétiens, et le sont encore de certains de leurs intégristes. Mais juifs et chrétiens sont désormais réconciliés pour l’essentiel et le nouvel objet damnateur de leur rite piaculaire est le musulman, nouveau bouc émissaire de la haine de l'étranger, malgré sa symbolique christique régulièrement rappelée par le pape.     

Au reste, l’Europe relève à peine d'une telle haine à son degré maximum avec l’Holocauste et les crimes d'un régime nazi démocratiquement élu. Si elle a réussi à la dépasser, c'est au fort prix d’une hécatombe mondiale dont la cause directe fut bien le réflexe anthropologique de l'odeur de la meute allié à la parabole du cafard. Faudra-t-il une autre hécatombe mondiale pour sortir de ce que d’aucuns nomment à tort conflit de civilisations et qui n’est que la morbide manifestation d’antagonismes idéologiques incarnant cette banalité du mal qu'est le refus du différent, celui n'ayant pas l'odeur des siens ? Jusqu'à quand donc oublier les paroles divines d'humanisme et de fraternité, similaires au Coran et dans la Bible ? (4) 

N'est-il pas inadmissible que, tout en se réclamant des sages anciens et des saintes Écritures, l'on voie ceux qui doivent donner l'exemple du fait de leurs responsabilités publiques éminentes se laisser aller aux plus bas instincts en l’humain réduit à son étymologie d’humus ? Tel ce ministre juif traitant en animal son prochain, oubliant l’enseignement du sage rabbin Hillel affirmant : « Si je ne suis pas pour moi, qui le sera ? Mais si je ne suis que pour moi, que suis-je ? ». 

Être tant pour soi que pour l'autre n'est hélas pas donné à tous ; cela relève d’un humanisme qui sait être intégral. Ce qui se travaille aussi bien sur le plan personnel que dans les médias au vu de leur impact sur les mentalités alors qu'ils sont souvent loin d'être assez éthiques pour incarner l'infothique (selon mon néologisme) plus que jamais de rigueur.      

Infothique et humanisme intégral

Les excès, les approximations dans l'information, sans parler des faussetés, sont désormais légion, bien loin de ce que devrait être une information crédible. Par exemple, en évoquant le terrorisme du Hamas, taisant sa cause, occultant la réalité de la prison à ciel ouvert où il agit et surtout le soutien financier dont il dispose de ses ennemis mêmes. Car le gouvernement Netanyahu, dans sa hantise de consolider la colonisation israélienne, l'a toujours soutenu afin de fragiliser l’Autorité palestinienne et contrer le moindre effort pour une paix qui soit enfin juste pour tous. 

De même, pourquoi, en France, encourager l’extrême-droitisation du débat au point que sont assimilés à une dérive antisémite tant le fait de relever que des Palestiniens sont aussi assassinés que le constat que la politique israélienne est coloniale, et même de juste vouloir espérer enfin la paix ? Tout comme l'Union européenne et la communauté internationale plus généralement, ne doit-elle pas cesser de s’agiter et agir à bon escient ? 

Ainsi, au lieu de s'aligner sur une partie, adopter la stratégie des deux poids deux mesures, oser dire plutôt le vrai : que les deux parties sont, dans le même temps, coupables et innocentes, leurs turpitudes étant à la fois cause et effet des drames atroces, actuels mais aussi passés. Or, ils sont aussi programmés à venir si la conscience humaine ne finit pas par s’éveiller et, sans plus tarder, agir pour ce que le tout denier drame implique en impératif catégorique, vital même. 

Quel est-il ? Vouloir enfin l'instauration de cette paix introuvable que les plus intégristes des deux parties refusent, soit la justice et l’équité pour un peuple spolié de son droit à vivre sur sa terre, droit aussi pertinent, sûr et défendable que celui de qui s’y trouve en occupant illégalement et en sauvage des terres qui ne lui ont pas été reconnues par son acte international de naissance. 

Ce qui relève aussi de la responsabilité de la communauté internationale et que les médias se doivent de rappeler afin que tout un chacun fasse montre de ce que je qualifie d’humanisme intégral en lieu et place de son amnésie actuelle. C'est ainsi qu'il sera possible d'estimer en juste de voix et de voie ce qui se passe en cette boîte de Pandore qu'est devenue la prison à ciel ouvert qu’est la bande de Gaza sous blocus depuis 16 ans. 

Telle amnésie collective est maladive, symptomatique d'une totale désorientation axiologique, une sorte d’Alzheimer politique (5) pour le soin duquel, en humaniste intégral, je préconise la bécopolitique. Tout comme pour la soi-disant maladie d'Alzheimer, catégorisation créée par l’industrie pharmaceutique, pour laquelle j'avais préconisé en traitement efficace et sans risques : la bécothérapie, protocole de soins axés sur les bisous, la tendresse de tout instant. (6) Cette politique des bisous, en éminente manifestation d'une action politique éthique (poléthique selon mon autre néologisme), serait une sincère action publique éthique, une médication du coeur relevant d’un ordo amoris universalis auquel je ne cesserai d'appeler pour espérer aller vers un monde meilleur, un monde d'humanité, une mondianité. (7) 

Comment y prétendre, communier dans ces valeurs, surtout si l'on se revendique démocrate, quand on fait du droit à la légitime défense un permis de tuer indistinctement, une manière détournée de consommer une vengeance latente, haine ancestrale ? Croire et agir pour un humanisme intégral c’est être contre tous les crimes, tant terroristes que ceux relevant d’une réaction injustifiée contre un droit spolié justifié. 

Ce qui ne laisse d’étonner, c’est l’alignement européen quasi inconditionnel en faveur du pays le plus fort qui évolue à pas soutenus contre la démocratie. Sait-on que la Hongrie, régulièrement critiquée par l’UE, a inspiré le projet de loi du ministre des Communications pour museler l'information ? Or, les médias ne parlent point de la dérive en Israël vers l'autoritarisme, préférant le sensationnel  de cette comptabilité morbide qui se limite à hiérarchiser les morts ! 

NOTES :

(1) Lettre à Adorno du  20 mai  1935, cf. « Walter Benjamin,  Gesammelte Schriften »,  texte de  R. Tiedeman et H.Schweppenhâuser,  Frankfurt  am  Main,  1972, vol. V, p.1115.

(2) Cf. mon opéra bilingue Tunisie Re-belle, Bruxelles, éditions Le Courrier du Maghreb et de l'Orient, 2016, p. 59 en français et 55 pour le texte arabe  : https://www.amazon.com/Tunisie-Re-belle-Nouvelle-sc%C3%A8nes-French/dp/2930855061

Le poète y emploie le terme terrorisme dans le vers en arabe. Cet opéra fait l’objet d’une version mise à jour augmentée de cinq scènes et est proposé en deux livres séparés.

(3) Cf. Stéphane Vinolo, «  Différer le mal : la logique du bouc émissaire », Dans Sens-Dessous 2011/2 (N° 9), pp 56 – 66.

(4) Par exemple : «  C’est pourquoi Nous édictâmes, à l’intention des Fils d’Israël, que tuer une âme non coupable du meurtre d’une autre âme ou de dégât sur la terre, c’est comme d’avoir tué l’humanité entière ; et que faire vivre une âme c’est comme de faire vivre l’humanité entière. » (La Table, 32, trad. J. Berque) —  « L’étranger qui réside avec vous sera pour vous comme un compatriote et tu l’aimeras comme toi-même, car vous avez été étrangers au pays d’Égypte » (Lévitique 19,34). 

(5) Cf. mon essai : Alzheimer au quotidien. Soigner une soi-disant maladie, Paris, L'Harmattan, 2020.

(6) Cf. mon essai : Guérir l'Alzheimer ! Manifeste hors poncifs, Paris, L'Harmattan, 2012.  

(7) Cf. ma trilogie L'Exception Tunisie, notamment T 3 : Postdémocratie : De la Daimoncratie à la Démoarchie, Tunis, Arabesques, 2018.  

Illustration :

Toile de Neta Harari Navon, peintre israélienne : « Explosive Madness », 2011. 


* Cette tribune garde la date à laquelle elle devait être publiée, ayant été proposée, comme à l'habitude, à certains médias. 

Or, la parole de vérité exige encore et toujours le courage d'aller au-delà des inter-dits, en faire non pas ce qui est interdit, mais ce qui est inexprimé entre les dits de nos propos, surtout dans le métier de l'information devant être régi par ce que je nomme Infothique, l'info éthique. 

Et ce n'est rien d'autre que, tout simplement, le contexte et le sous-texte, ce qui existe bel et bien, mais qu'on préfère, pour une raison ou une autre, taire, occulter ou nier ; même en se pensant ou se présentant indépendant d'esprit, objectif de pensée.

Ce que je comprends sans l'approuver, étant adepte du courage de la vérité : la Parrêsia de la philosophie grecque (transcrite souvent par parrhêsia et parrhèsia), que l’on traduit habituellement par « franc-parler ». N'est-ce pas, en arabe : كلمة السواء ? 

Ce que je pratique dans le cadre d'un 
humanisme intégral pour une politique éthique, ma poléthique !