Cette réforme juridique qu'impose l'attentat du Bardo
Qui ne l'a pas remarqué ? Les pétards dans les rues refont de temps en temps leur apparition. Certains n'hésitent pas à y voir un signal politique, une menace même. Cela viendrait de la part de certaines forces islamistes signalant leurs lignes rouges, manifestant leur capacité intacte de nuisance.
C'est ce que pensent certains observateurs, nationaux comme internationaux, à l'instar de l'ancien patron de la DGSE française, Alain Chouet qui, dans une interview accordée à Marianne, accuse même le parti Ennahdha d'être impliqué dans l'attentat du Bardo.
La dernière visite en Tunisie du ministre français de l'Intérieur ne serait d'ailleurs pas sans quelque relation avec un tel constat. Cela expliquerait aussi la montée au créneau sur les plateaux de télévision des ténors du parti islamiste pour se défendre de toute velléité terroriste.
Ennahdha derrière l'attentat du Bardo ?
C'est ce que laisse entendre l'ancien patron de la DGSE pour qui le drame du Bardo n'est que « le prolongement de la stratégie politique d'Ennahdha, un prolongement terroriste qui consiste à couper le pays du reste du monde. »
Il rappelle à ce propos que cela ne fait que relever de « la stratégie permanente des Frères musulmans partout où ils ont agi : couper les ponts avec le monde extérieur dans un objectif de prendre le pouvoir sans que personne ne puisse intervenir. »
Pour Alain Chouet, il est évident que « les islamistes, s’ils perdaient pied en politique, reviendraient à leur bonne vieille stratégie de violence et de terrorisme. »
Il assure que « les Occidentaux qui ont fait le pari d’un islamisme politique "modéré" ont joué un jeu très dangereux, car la quasi-totalité des Tunisiens salafistes est issue des Frères musulmans, c’est-à-dire la mouvance d’Ennahda. »
Il est même très sévère, affirmant qu'Ennahdha « a largement profité de l'enfumage assez classique dans les mouvements fascistes visant à montrer qu’il y avait les bons islamistes et les mauvais, mais dans les faits, ils roulent dans le même wagon ».
Et il conclut qu'il n’y a pas « d’islamiste hard ou soft, l’islamisme étant un bloc homogène et Ennahdha est l’archétype de cette nébuleuse islamiste. »
Engager la réforme juridique emblématique
Analysant la situation particulière de la Tunisie et les difficultés pour le parti islamiste de s'y imposer, M. Chouet note qu'elle est «l’un des rares pays arabes où il y a une "société civile" : un important tissu associatif, un mouvement syndical structuré et une vraie classe moyenne laïque. » C'est ce qui a fait échouer le projet d'Ennahdha dont les dirigeants, avant de quitter le pouvoir, ont voté tout un train de lois fiscales qui visaient à neutraliser et ruiner la classe moyenne.
De tels propos ne peuvent que mettre l'accent sur la nécessité absolument urgente pour les autorités au pouvoir de mettre le parti Ennahdha au pied du mur, et ce de manière élégante, mais sérieuse et déterminée, en le sommant de clarifier ses positions.
Cela ne peut se faire qu'avec la mise en oeuvre au plus tôt du caractère civil et démocratique de l'État en commençant par les lois qui sont susceptibles de pousser Ennahdha dans ses derniers retranchements.
De telles lois sensibles supposant l'égalité citoyenne et l'acceptation d'autrui dans sa différence absolue sont en mesure de dévoiler s’il est un jeu malsain de la part d’Ennahdha, car elles portent sur des matières à tort supposées relever de l'islam et de sa morale. Et elles sont assez emblématiques de l'existence ou non d'une réelle volonté démocratique chez le parti islamiste.
On ne peut donc plus tarder dans l'engament de la réforme juridique consistant dans l'abolition des lois scélérates, notamment celles qui restreignant les libertés privatives, car elles fondent les abus des autorités, alimentant une défiance croissante à l’égard e l’État et rendant les jeunes particulièrement influençables par le discours de haine de certains manipulateurs intégristes.
On peut en citer ici la législation sur les stupéfiants, les lois homophobes, d'inégalité successorale et de restriction des libertés des moeurs, toutes les libertés, y compris dans les relations conjugales.
C'est avec un tel train de réformes juridiques que le parti islamiste sera sommé de faire le choix entre le vivre-ensemble démocratique qui suppose une lecture renouvelée de l'islam ou l'attachement à une interprétation obsolète de notre religion, intégriste qui plus est.
Si Ennahdha n'approuve pas de telles lois qui ont la faveur de la majorité du peuple dont le conservatisme n'est qu'un mythe forgé par des élites déconnectées des réalités populaires, alors il fera tomber le masque sur son vrai visage, celui d'un Daech pasteurisé.
Faut-il toutefois que nos élites dites modernistes osent se décider à engager une telle réforme; y sont-elles prêtes ? Le modernisme et la sécularité dont elles se réclament ne seraient-ils pas de leur part qu’une pure façade, un dogmatisme laïque ?
Publié sur Al Huffington Post
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http://www.huffpostmaghreb.com/farhat-othman/cette-reforme-juridique-q_b_6951428.html
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