Aussi étonnant que cela puisse paraître, en ce Maroc se voulant démocratique et moderne, on continue à censurer. Et quoi donc ? La science ? Ne donne-t-on pas ainsi une bien belle illustration d'esprit rétrograde ?
Une bévue non reconnue
En effet, les autorités marocaines ont interdit la distribution au Royaume du dernier numéro du magazine de référence en matière d'information scientifique qu'est Sciences et Avenir, un hors-série consacré à Dieu et la science.
Au lieu de réparer cette manifeste bévue de ses services et rétablir la liberté de presse ainsi bafouée, M. Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication, la justifie.* Comment donc?
Il invoque la présence de deux miniatures dans le dossier qui représentent le prophète comme cause de la censure. Or, il s'agit de miniatures extraites d'un ouvrage sérieux sur la vie du prophète, commandées par des autorités musulmanes, en l'occurrence le sultan ottoman Mourad III au XVIe siècle.
Et M. El Khalfi de citer l'article 29 du Code de la presse autorisant l'interdiction de journaux et de périodiques au prétexte de porter atteinte à la religion islamique.
Ainsi, ne contestant pas la bévue de ses services assimilant à une soi-disant atteinte à la religion islamique une pure information conforme à l'islam, le ministre la confirme violant manifestement les principes basiques de l'islam qui sont la liberté d'expression et la tolérance.
Une interdiction contraire à l'islam
Certes, le ministre précise qu'il ne s'agit pas d'interdiction, mais de non-distribution, ce qui n'est qu'une argutie qui n'a pas de sens eu égard au résultat final. Et c'est un propos que la morale islamique à laquelle il se réfère n'approuve pas puisque seule compte en islam la finalité de l'acte.
Bien plus grave, en s'appuyant sur la morale islamique, le ministre de la Communication ne l'honore pas, car il n'est nulle interdiction en islam de représenter le prophète. C'est ce qui a donné ces deux miniatures et tant d'autres.
D'ailleurs, il suffit de revenir aux ouvrages les plus sérieux de notre riche tradition littéraire, y compris les livres religieux, pour y lire dans le plus infime détail des descriptions du prophète. Certaines sont même plus expressives qu'une photo. Et cela en un temps où la photographie n'existait pas.
Il faut dire qu'on était à une époque de civilisation islamique et non de décadence comme aujourd'hui, ce qui a amené des pratiques obscurantistes auxquelles se rattache l'interdiction de Sciences et Avenir. Cela a généré surtout des lois qui sont la feuille de vigne derrière laquelle se réfugient nos responsables, tel l'article auquel se réfère le ministre.
Ce qui est encore plus choquant dans l'attitude des autorités, c'est de prétendre être libérales en spécifiant que le magazine peut être distribué sur le territoire marocain à la condition de retirer les deux dessins incriminés.
Il serait donc temps que les autorités musulmanes dans nos pays cessent de justifier ses décisions liberticides et antidémocratiques en se réclamant de la religion, car l'islam est bien innocent de ce qu'on lui attribue.
L'islam est une foi de libertés, libertaire même; et il est temps que le Maroc renoue avec les fondements de l'islam authentique ainsi bafoués par une interprétation qui ne correspond pas à la marocanité qui est toute tolérance.