Tunisie-Union Européenne : Pour le visa biométrique de circulation !
Qui peut le plus peut le moins, dit le proverbe. Et l'Union européenne ne peut pas ne pas accorder à la Tunisie que ce qu'elle a octroyé à la Turquie, surtout que la Tunisie ne demande rien de bien impossible : non point la disparition du visa, mais sa transformation en visa de circulation.
Or, l'UE vient d'accorder à la Turquie une exception majeure, osant contredire son dogme officiel en ne faisant plus de la levée du visa un tabou. Aussi a-t-elle accepté de ne plus exiger de visa des ressortissants turcs. Pourtant, l'Europe continue de prétendre, dans le cadre des négociations actuelles avec la Tunisie, que la demande de notre pays d'exempter les ressortissants Tunisiens du visa actuel devenu inique est hors de question, supposé rester tabou !
Un droit et non une faveur
Plus que jamais, continuer aujourd'hui à tenir un tel langage, ce serait de la part de l'Union européenne faire preuve de manque d'éthique et surtout de s'adonner à une pratique inamicale des deux poids deux mesures qui jure de manière flagrante avec la qualité des rapports tuniso-européens.
Certes, les diplomates européens vont toujours dire, pour essayer de sauver la face, que la Turquie est candidate à l'Union européenne et qu'elle fait partie géographiquement de l'Europe par une partie de son territoire.
User d'un tel argument serait grossier et même insultant pour l'intelligence des Tunisiens, car il ne tient plus tout simplement sauf pour les ignares. Qui donc douterait de nos jours que la géographie est plus que jamais devenue une géostratégie ? Et l'Union européenne pourrait-elle prétendre être autre chose que des valeurs, notamment l'unité dans la diversité ? La devise de l'Europe n'est-elle plus In varietate concordia, ce qui suppose la solidarité entre démocraties ?
De plus, en matière de respect de telles valeurs, la Tunisie a désormais une bien bonne longueur d'avance sur la Turquie. Bien mieux ! les avancées tunisiennes en termes de démocratie — qui sont réelles — sont désormais tributaires de l'effort exceptionnel que demande aujourd'hui à l'Europe le ministre tunisien des Affaires étrangères, un effort qui soit à la hauteur de l'exception Tunisie.
D'ailleurs, des voix autorisées en Europe même ont appelé l'Union a proposer l'adhésion de la Tunisie, affirmant que notre pays la mérite bien mieux que la Turquie, étant déjà informellement intégré à l'Europe sur tous les plans. Au demeurant, les négociations actuelles pour un accord de libre-échange n'en sont que la preuve éclatante, même si l'Europe tient — ce qui est totalement aberrant — à cantonner l'accord au domaine purement commercial.
Il est bien temps pour la Tunisie de faire de la libre circulation humaine le préalable indispensable à l'accord ALECA et, pour l'Union Européenne, de convenir de la validité d'une telle exigence tunisienne. Surtout que la Tunisie — et nous le rappelons volontiers — ne demande nullement la disparition du visa actuel, tout juste sa transformation en visa biométrique de circulation afin de le conformer aussi bien à l'éthique qu'au droit international.
Par conséquent, il est inadmissible juridiquement que l'on continue à prélever les empreintes digitales des ressortissants tunisiens sans compensation sérieuse. Et elle le sera dans la délivrance du visa gratuitement et pour une durée minimale d'un an pour circuler librement et sans tracasseries inutiles entre la Tunisie et l'Europe.
Un visa biométrique rationalisé
Cela se traduira par une simple opération technique transparente et sans changement de la spécificité sécuritaire du visa. Elle consiste en la transformation du visa touristique, qui est la norme actuellement, en visa de circulation, catégorie qui existe bel et bien, mais à laquelle on n'a recours que de manière exceptionnelle et pour des catégories privilégiées.
Or, la Tunisie révolutionnaire a démontré que tous les Tunisiens sont aujourd'hui des citoyens privilégiés, ayant prouvé leur maturité; ce qui les fait mériter un traitement non pas de faveur, mais bel et bien un droit qui soit à la hauteur de leurs mérites.
Certes, d'aucuns diraient du côté de l'Union européenne que si elle consent à la légitime demande tunisienne, elle serait obligée de tenir compte dans ses relations extérieures de demandes similaires des autres pays; ce qu'elle ne pourrait satisfaire dans l'immédiat. Nos responsables pourraient tailler en pièces un tel supposé argument en rétorquant que l'Europe n'aurait qu'à répondre aux États se réclamant de l'exemple de la Tunisie de le reproduire en réalisant d'abord ce qu'a fait et brillamment réussit la Tunisie. Or, ce n'a pas bien peu, il nous faut en convenir et enfin le valoriser !
Ainsi qu'on le constate, il n'y a donc plus pour nos négociateurs d'ALECA qu'à être — et à bon droit – intransigeants, faisant de la libre circulation humaine un préalable au libre-échange. Et pour peu qu'ils savent être intraitables, forts de leur bon droit, ils ne pourront qu'avoir gain de cause. En un mot, il leur suffira de proposer, et en ne variant pas sur leur position, la transformation d'ALECA en ALECCA : Accord de Libres Échange et Circulation Complet et Approfondi.
C'est avec la libre circulation humaine qu'un tel accord sera véritablement complet et approfondi, passant même de l'accord léonin qu'il est actuellement, dénoncé par la société civile, en un accord juste, digne de gentlemen dans le cadre d'un partenariat équilibré, non seulement donnant-donnant, mais aussi et surtout gagnant-gagnant.
En effet, l'Union européenne n'aura rien à perdre avec la fatale libre circulation des Tunisiens, le visa actuel restant en l'état tout en étant juste rationalisé, dépouillé de ses aspects injustes.
Par contre, l'Europe aura tout à gagner, puisque les jeunes Tunisiens, avec la possibilité qui leur est interdite aujourd'hui de voyager et de voir du pays, seront forcément détournés demain des chemins de traverse qui les attire actuellement par désespoir.
Ils retrouveront alors l'espoir de vivre paisiblement leur vie et de renouer avec la possibilité de réaliser leurs rêves, mettant à exécution les innombrables projets, plus ingénieux les uns que les autres, trottant dans la tête de la plupart d'entre eux et qu'ils ne peuvent concrétiser actuellement. Car l'ingéniosité a besoin de libre circulation, la même que celle qu'impose le commerce. Peut-on, en effet, prévoir la libre circulation pour les marchandises et les richesses matérielles et la refuser à leurs créateurs, les humains?
Est-il temps donc de faire le requiem pour le visa actuel ? Tout porte à le croire chez les chercheurs et observatuers des rapports tuniso-européens ! La transformation du visa touristique en visa biométrique de circulation est fatale; il suffit à la Tunisie de l'exiger ! Aussi, la question n'est pas si on va passer à la libre circulation pour les Tunisiens, mais quand on le concrétisera et dans quelles conditions ?