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mardi 17 mars 2015

Nouvelles Lumières 5

Caïd Essbesi : le nouveau temps de Bourguiba 



Les visionnaires ne meurent jamais ! Leur esprit reste vivant et revient accomplir ce qu’il n’a pu achever durant la courte vie allouée aux humains ; et il le fait avec des continuateurs de leur œuvre, leur réincarnation vivante.
C’est le cas aujourd’hui dans la Tunisie postrévolutionnaire, acte II, avec le président Caïd Essebsi, continuateur de l’oeuvre de son mentor. Essebsi à Carthage ne fait qu’inaugurer le nouveau temps de Bourguiba.

L’instant éternel tunisien 

On ne fait que rendre toujours hommage à Bourguiba, car l'histoire est un éternel recommencement, avec ses hauts et ses bas, mais aussi ses moments d'éternité. 
L’instant éternel tunisien a été celui de l'oeuvre bourguibiste à la tête du nouvel État. Sa lucidité et son génie, bien en avance sur son temps, lui ont permis de mettre les fondations d'un État appelé non seulement à durer, mais aussi à survivre à toutes les vicissitudes marquant toute création humaine qui, par définition, demeure imparfaite.
Or, il y avait bien du divin dans la fondation ex nihilo par Bourguiba d’une nation sui generis transcendant les démons tribaux, faisant de la petite Tunisie quelque chose de grand, éternel même dans son  essence, ce génie tunisien dont il a été l'incarnation vivante.
Maîtresse de sa destinée, la Tunisie l'a toujours été, même dans les plus terribles moments que l'histoire fait subir aux oeuvres humaines pour en éprouver la solidité. Et c'est l'esprit de Bourguiba qui a toujours inspiré cette durée dans la durée, une éternité toujours renouvelée.

Un phénix renaissant

Aussi, même quand il est arrivé à notre pays de plier sous les coups d'une destinée contraire, il n’a jamais baissé pavillon, l'esprit absent de Bourguiba revenant souffler encore plus fort, comme un phénix renaissant. 
De tels moments n'ont pas manqué dans la destinée de la Tunisie et ne manqueront pas. Ainsi que l'a dit un autre grand homme, le général de Gaulle, le caractère, humain ou d'un ensemble comme une nation, attire à jamais les difficultés et les problèmes qui viennent défier l'édifice et finir par en consacrer mérite et distinction.
L'oeuvre de Bourguiba fut finalement la Tunisie qui a invariablement démontré avoir sa propre envergure ; celle-ci a été de tout temps et demeure inversement proportionnelle à sa taille; elle a même tendance, de plus en plus, à être doublement et triplement une telle grandeur.

La sclérose d’un système

Des moments difficiles, de ceux qui ne tuent point, mais renforcent et redonnent encore plus de vie, la Tunisie en a connu déjà en 1972 avec la maladie de Bourguiba, par laquelle tout le système qu’il a mis en place n’a plus trouvé personne de son envergure pour veiller à sa santé.
C'était un système trop ambitieux pour l'époque, promouvant l'être humain, notamment décliné au féminin, tablant sur sa matière grise malgré le peu des moyens du pays. Aussi, la destinée de ce dernier, nonobstant ses indéniables réussites dans tous les domaines qui comptent, c.-à-d. de la raison en marche, pâtit de la maladie de son génial concepteur.
Ce dernier, pour être l'homme exceptionnel de l'histoire, n'était pas moins soumis à la condition humaine et ses vicissitudes. La Tunisie préférait lier sa destinée à celle de son génial géniteur du fait d'un paternalisme certes excessif, mais somme toute compréhensible, car plongeant ses racines loin dans l'inconscient collectif. 
Or, devenue patente avec la maladie de Bourguiba, aggravée par le ratage de l'expérience coopérative, la crise du système appelait déjà une réforme qui ne venait pas. Elle devait pourtant avoir lieu afin de tenir compte de ce qu'imposait la réussite même de Bourguiba dans son pari de modernisation du pays à laquelle il a bien appelé en 1970, faisant même de sa nécessité le salut de la Tunisie. 
Il eut la lucidité, en effet, de diagnostiquer le mal, désignant la concentration du pouvoir, mettant en garde que l'édifice ne s'écroule du seul fait de l'absence d'un seul — lui-même — malgré ou à cause de tout son poids. Nul, dans son esprit et sa philosophie, ne devait être irremplaçable en Tunisie !

Un départ avec panache de la politique

Malgré le mot d’ordre lancé donc par Bourguiba pour une démocratisation tous azimuts en 1971, ceux qui faisaient auprès de lui la politique à l'antique, s'accrochant à leurs intérêts, firent échouer, avant même son enclenchement, le nouveau cours politique qui avait tout pour être prometteur. Bourguiba, affaibli, laissa faire, craignant autrement une crise plus grave paralysant le pays. 
Béji Caïd Essebsi était alors ambassadeur de Tunisie à Paris ; il ne pouvait ni approuver une telle issue ni y participer, aussi a-t-il préféré manifester sa réprobation en présentant au chef de l'État sa démission de ses fonctions diplomatiques. Il était convaincu — et Bourguiba l'a confirmé par la suite — que l'on avait à dessein exagéré une improbable crise du régime pour obtenir le maintien d'un statu quo qui n’était déjà que la crise même du régime. 
L'état d'affaiblissement de Bourguiba l'a fait agir contre sa propre nature, n'osant pas pour la première fois de sa vie aller au-devant de l'avenir, combien même il était plein de défis. Or, le vrai Bourguiba est celui qui avance toujours, quitte à le faire par petits pas ou à défier la destinée ; jamais il ne reculait ni n’acceptait de faire du sur-place.
Malgré ce désaccord public et le retrait subséquent de la politique, Caïd Essbesi n’a pas manqué de dire ce qu’il croyait être nécessaire pour son pays, à savoir que l'oeuvre de Bourguiba était assez novatrice et suffisamment solide pour mériter que la génération éclairée à laquelle elle a donné naissance reprenne son flambeau et continue — en le renouvelant — le travail de Bourguiba ; c'est la loi de la vie.
C'était même être fidèle au bourguibisme que de donner à son régime, forcément bâti sur sa personne, ayant été érigé à partir de rien, un prolongement pluraliste, indépendamment de la personnalité de Bourguiba, tous les Tunisiens étant des Bourguiba — dans l'esprit pour le moins. En effet, il n’existe personne en Tunisie qui ne lui devait pas quelque chose, y compris parmi ceux qui le combattaient pour une raison ou une autre. Pour cela, les réalisations bourguibiennes pouvaient et devaient durer nonobstant l’obédience du pouvoir.

Un retour en fanfare à la politique

Voilà ce qu’était la Tunisie d’hier. Et il est utile de s’attarder sur le passé quand l’histoire balbutie, car la Tunisie d’aujourd’hui en est issue, lui étant redevable de beaucoup, avec son meilleur et le peu de moins bon qui n’en a que souligné la valeur, comme une exception confirmant la règle. Aussi, la Tunisie d'aujourd'hui est-elle appelée à être la quintessence de ce passé ; c’est à quoi le continuateur de Bourguiba qu’est Caïd Essebsi doit veiller particulièrement.
Si, quarante ans après s’être éloigné des affaires, il a décidé de revenir sur la scène politique, d’abord en 2011 juste après la Révolution, et ensuite en 2014, c’était en combattant, pour une bataille pour la préservation des acquis modernistes et pour leur consolidation.
Il a commencé par sauvegarder le processus démocratique en réussissant les premières élections pluralistes, libres et honnêtes du pays. Peu importait pour son gouvernement l’issue de ces élections, puisque son ambition était éthique, à savoir la réussite d’une véritable première dans le pays, consacrant un choix libre et honnête.
Ensuite, après l’évolution négative du pays, se révélant de nature à lui faire perdre à la fois les acquis de l’héritage de Bourguiba et ceux de la Révolution, il a décidé de ne pas s’éloigner de la politique en se mettant de nouveau au service du pays, répondant à son appel, créant Nidaa Tounes. On retrouve donc les mêmes raisons qui l’ont poussé à la démission en 1972 : ce qui l’a amené à la rupture avec un système qui se sclérosait l’a déterminé à revenir pour empêcher qu’une telle sclérose ne devienne définitive.
Car celle-ci au lieu de se résorber s’est exacerbée au point de non-retour en se doublant d'un blocage institutionnel aggravé par une corruption généralisée dépassant toutes les limites — si jamais il peut y avoir une limite à l’intolérable. 
Dans l’esprit de Caïd Essebsi, les premières élections libres du pays, pour la réussite desquelles son gouvernement s’est investi à fond, devaient permettre à la Tunisie de profiter de ses nombreux atouts, bonifiés par l’élan de la Révolution. Elles avaient pour mission de permettre au nouveau régime librement élu de répondre aux défis du temps tout en s'adaptant, réussissant grâce à ses compétences avérées, fleuron de l’œuvre de Bourguiba, la satisfaction des attentes populaires de plus en plus légitimes et pressantes, notamment de la part d’une jeunesse mature et logiquement exigeante.
Il y a avait tant de choses à faire en matière d'éducation, de qualité d'emploi et de la vie et des libertés publiques et privées; surtout, de permettre à un peuple conscient de ses droits la jouissance de valeurs humaines que la nouvelle démocratie ne pouvait plus ignorer. 
En prenant l’initiative, en 2012, de fonder  Nidaa Tounes, le nouveau Bourguiba avait pour ambition de répondre à l’appel de détresse lui parvenant des profondeurs de la Tunisie. Son but était loin de revenir à la politique pour de simples retrouvailles avec un art qu’il a assez connu et pratiqué pour en savoir et redouter les obligations et les contraintes, tout autant d’ailleurs que les sacrifices qu’il impose. 
C’était bien en termes de sacrifices qu’il a agi, car il était impératif de créer dans le pays l'équilibre qui manquait cruellement sur une scène politique phagocytée par un parti dominateur qui, non seulement manquait de l’expérience politique et diplomatique nécessaire, mais était encore miné par un dogmatisme suranné animant une prétention démesurée de vouloir incarner la Tunisie, en la réduisant à une idéologie  obsolète et totalitaire.
Pour but premier, Caïd Essebsi avait pour obligation de faire bénéficier son pays de sa longue expérience à son service, aidant ainsi la classe politique à mieux orienter le débat de la démocratie naissante vers les seuls sujets qui devaient compter, n’intéressant que les problèmes du présent et les défis d’avenir. C’étaient les véritables problèmes des Tunisiens qui n’étaient pas dupes pour être gavés, comme ils l’ont été, de faux sujets, des questions tranchées depuis longtemps par Bourguiba, telles ces questions d’identité, de religion ou d’idéologie politique. 
Effectivement, le leader visionnaire que la Tunisie a eu la chance d’avoir assez tôt su, en une sorte de discours de la méthode politique, faire les bons choix dès les premières années de l'indépendance. Ainsi, a-t-il doté la Tunisie de fondations pérennes avec, particulièrement, la consécration de la liberté de la femme, la généralisation de l'enseignement, la promotion de la jeunesse et une politique étrangère sage tout en restant inventive, car parfaitement équilibrée, cultivant l'amitié et la coopération avec toutes les nations sans exception, mais avec un tact tout tunisien. 

 
Voilà ce qui a amené le continuateur de l’œuvre bourguibienne à la décision de prendre part à l’élection présidentielle, moins par choix donc que par obligation. Le diagnostic était  sans appel : le pays devait être aidé par les plus talentueux de ses enfants à dépasser la terrible crise engendrée par la piètre gestion de novices en politique dont l’action a été parasitée par la démagogie de certains, qui a vicié le débat politique depuis la révolution. 
Dans la classe politique, riche pourtant, il manquait quelqu’un ayant assez d’envergure pour mettre en pièces les ambitions d’aventuriers ne lésinant pas sur les moyens pour tromper, abuser la bonne foi d’un peuple dont la bonté le faisait prompt à donner sa confiance à qui était en mesure d’écouter sa détresse sans distinguer nécessairement l’honnête du malhonnête. 
Il fallait un discours éthique et sincère outre une expérience avérée tout en étant désintéressée, n’ayant en vue que l’intérêt du pays. Seule une telle « poléthique » était de nature à assurer la sauvegarde des atouts se perdant de notre Tunisie, réduisant la grande oeuvre de Bourguiba à une peau de chagrin.

La Tunisie de demain

Il fallait bien payer de sa personne afin de stopper la dérive irrépressible du pays vers le chaos ; cela nécessitait de réveiller la conscience populaire assoupie et de soutenir les bonnes volontés qui ne manquaient pas dans la classe politique, quoique ne disposant pas de l’expérience suffisante pour contrer les menées machiavéliques de tous ceux qui en voulaient à notre patrie chérie. 
Remettre la Tunisie au travail et préparer la relève par de talentueux jeunes patriotes enthousiastes étaient donc le cœur de cible de la stratégie du Bourguiba réincarné et de son ambition. Ce pari étant réussi, il est enfin possible à Caïd Essebsi de s'attaquer aux dossiers fondamentaux comme l’enracinement du processus démocratique, la redynamisation de la diplomatie, la réforme de l'éducation et de l’arsenal juridique obsolètes, la lutte contre le chômage, la mobilisation de l'investissement et l’intégration des zones intérieures dans le processus de développement. 
Au moment où son parti renoue avec le péché mignon des Tunisiens, ces guéguerres aussi terribles que risibles inspirées par ce que Bourguiba appelait « démon berbère », un tel rappel de pans passés et présents de l'histoire tunisienne était indispensable. Il éclaire le futur de notre pays. 
Si les raisons du retour à la politique de Caïd Essebsi ont été exactement les mêmes que celles de son départ, c’est que la Tunisie sera aussi ce qu’en a fait Bourguiba. Plus que jamais, son œuvre est actuelle ! 
La conviction des élites au pouvoir doit être totale en la pérennité du legs de Bourguiba et dans la vivacité et la richesse des générations qu’il a contribué à faire naître et qui lui sont redevables d'être ce qu'elles sont : matures, intelligentes et brillant internationalement. Or, nombre de compétences issues de l’œuvre de Bourguiba, dans nos administrations et hors d’elles, ne sont pas encore employées !
Pourtant, c’est par leur œuvre sans bruit, humble et désintéressée, qu’a été assurée la survie du bourguibisme dans les esprits malgré la longue disette d’une dictature usurpant son héritage, ne le prolongeant que nominalement tout en le vidant de son essence, en faisant même oublier tout le prix auprès des nouvelles générations. 
C’est ce qui a amené nos jeunes, dont la vitalité débordante était asphyxiée par un système moribond et des lois scélérates, à chercher un sens à leur vie ailleurs, sur les champs de bataille, alors qu'il leur suffisait de connaître Bourguiba et la part rayonnante de son oeuvre pour y trouver le sens quêté, qu'elles n’ont plus. 
En Tunisie, le génie incarné par Bourguiba, le meilleur de la Tunisie, a été trop longtemps mis sous le boisseau. La révolution a été une occasion pour renouer avec lui, mais une inévitable nouvelle expérience d'épreuves a retardé l'inéluctable. Il fallait retrouver l'esprit perdu de Bourguiba dans les errements d’une politique quelque peu dévoyée pour redonner vie à la Tunisie, la faire revivre.
Proche de Bourguiba, mais étant resté par le passé — et devant le rester encore  aujourd’hui — distant des faux disciples ayant entouré le grand homme, finissant par détourner à leur profit son oeuvre, Caïd Essebsi est appelé aujourd’hui à faire renaître la saga de Bourguiba, lui redonner vie en Tunisie. 
Or, l'oeuvre bourguibienne restera inachevée si elle ne s'épiphanise pas sans lui dans une pluralité démocratique, étant consubstantielle du pays, incarnant sa modernité. La Tunisie a été, est et restera moderne — postmoderne même désormais — ou elle n'est plus.      
Ainsi, l’histoire se refait toujours, mais jamais identique à ce qu'elle était, se renouvelant sans cesse tout en demeurant authentique. Et l'authenticité tunisienne, Nouvelle Tunisie, n’est que la fidélité à Bourguiba !