La femme, le mâle et le mal
Nos sociétés patriarcales, particulièrement dans notre monde arabe musulman, célèbrent le mâle et dévalorisent la femme; or, la féminité est en tout humain uni et équilibré, en parfaite maîtrise de son être.
Nier la part féminine en l'homme, c'est célébrer non pas tant le mâle que le mal ! Qu'il me soit permis de le rappeler encore au lendemain de la journée internationale des droits de la femme.
Le mâle et ses fausses interprétations
On a coutume de croire machiste dans l'âme nos sociétés arabes, alors qu'elles ne le sont que du fait d'une aliénation sur la tradition patriarcale qui ne leur est pas spécifique.
Celle-ci est aujourd'hui renforcée par un arsenal juridique obsolète qui bétonne une telle mentalité au nom du sacré. On sait déjà depuis Ibn Khaldoun, ce que Marx n'a fait que confirmer à sa manière, l'intérêt d'user de la religion pour contrôler les esprits.
Or, nos sociétés n'ont jamais été dans leurs traditions populaires informelles antiféministes; mais cela demeure dans la crypte sociale, confiné au plus intime, ne devant pas contrarier le conformisme logique bénéficiant qui plus est du magistère d'un texte religieux instrumentalisé et du bras séculier au service des intérêts masculins.
Le sexe féminin, dans sa dimension humaine et aussi sexuelle est ainsi sacrifié à une domination machiste et sexuelle de l'homme érigé en politique phallique prétendant gommer toute féminité en l'homme et dans la société pourchassée comme faiblesse, vilipendée comme tare.
Or, le sexe masculin n'a pas eu de tout temps une telle destinée négative qui fait d mâle aujourd'hui une culture du mal.
Dans les sociétés antiques, on avait même des dieux ithyphalliques dont le pénis en érection symbolisait moins la toute-puissance du mâle que la fécondité qui implique forcément la femme. C'est la vraie complémentarité entre les deux sexes, l'homme emportant en lui une part nécessaire de féminin sans laquelle sa masculinité est bien stérile.
Le pénis en érection était d'ailleurs porté lors des bacchanales, ces fêtes antiques essentielles pour le maintien du lien social malgré leurs débordements; et on sait l'importance de l'élément féminin lors de ces fêtes, les fameuses bacchantes.
Dans les sociétés primitives, en Afrique, en Amérique du Sud et en Australie, nous avons encore, de nos jours, un tel esprit avec l'étui pénien. Or, cette gaine à la fois ornementale et de protection portée par les hommes réfère moins un statut supérieur de l'homme qu'il ne symbolise la toute importance du sexe dans ses sociétés aussi bien pour leur conservation que pour leur cohésion, le sexe y devant rester une pratique acceptée, assumée et encouragée sans fausses pudeurs ni tabous.
Le sexe, dimension humaine essentielle
C'est ce que nos sociétés ont oublié dans leur structuration officielle calquée sur un esprit occidental marqué par sa tradition judéo-chrétienne diabolisant le sexe. En effet, en islam premier, celui des origines, il n'est aucun anathème jeté sur le sexe, celui-ci devant faire partie intrinsèque de la vie équilibrée au point qu'il est bien prévu au paradis en jouissance éminente des croyants sous forme de houris et d'éphèbes.
Abdelwahab Boudhiba, dans la sexualité en islam (éd. PUF 1975) l'avait d'ailleurs bien dit en précisant que la vision en l’islam du couple est fondée sur « l’harmonie préétablie et préméditée des sexes ». Ce qui suppose une complémentarité foncière du masculin et du féminin.
Toutefois, et ce qui a manqué à son analyse, qui demeure malgré tout une référence en la matière, c'est que le but d'une telle complémentarité est plus la jouissance et le plaisir que ce qu'il l'a laissé entendre, à savoir la procréation et la perpétuation de la race humaine.
C'est une extrapolation des exégètes qui a permis de considérer le sexe comme une pratique mal vue, risquant de verser dans l’anarchie et le déséquilibre, alors que l’harmonie naturelle en dépend.
Il s'agissait ici d'une pure conception judéo-chrétienne, étrangère à l'esprit pur de l'islam qui a été d'ailleurs rejetée par l'Occident, mais qui demeure préservée jalousement chez nous.
De fait, elle a servi des autorités, d'abord étrangères, celles de l'impérialisme occidental, puis national, afin d'assurer leur mainmise sur la société en l'émasculant dans ce qui fait pourtant sa vigueur, le sexe pleinement assumé.
C'est une telle dévalorisation du sexe et, concomitamment de la femme, partenaire majoritairement obligé pour toute pratique sexuelle, qui a fait le lit de l'intégrisme islamiste, la plupart de nos salafistes étant, psychologiquement des névrosés sexuels.
Aussi, lutter sérieusement contre l'intégrisme, c'est aussi abolir toutes les lois prétendument moralisatrices, car elles sont déjà contraires à l'islam et servant le mâle à travers le machisme et la réification de la loi du mâle.
La Tunisie sera femme ou ne sera plus !
Or, qui dit sexe, ne peut pas s'empêcher de dire femme et droits de la femme. Car la femme, outre d'être une part essentielle dans notre société, est le prétexte qu'on avance pour justifier le maintien de nos lois pudibondes.
Elle est vue d'abord en mère, matrice reproductrice d'abord; et elle est vue en fille et en soeur, à protéger particulièrement, car symbolisant l'honneur de la famille. Ce qui est vrai, mais notoirement réducteur, car la femme est autrement bien plus riche en potentialités humaines.
Elle est d'abord une citoyenne qui a tous les droits du mâle, dont une parfaite égalité avec lui, y compris en termes de parts successorales. Elle est aussi chair et sang et a des émotions, et elle a droit de les vivre comme c'est reconnu pour les garçons surtout que l'évolution du temps l'impose et le permet.
Il n'est aucun risque de libéraliser nos moeurs; tout le risque est de continuer à ignorer les changements de notre société qui est bien en avance sur sa législation rétrograde et obsolète qui doit être au plus tôt abolie.
La Tunisie sera femme, parfaitement l'égale de l'homme, en tout, y compris dans la pratique du sexe et les droits en découlant. Sinon, on pourra souhaiter déjà la bienvenue à Daech, cette négation de notre belle religion, tolérante et libertaire même. La Tunisie tolérante, ouverte à l’altérité, où il fait bon vivre aura alors disparu.
Il faut le comprendre surtout que notre époque est celle des communions émotionnelles et l'éthique islamique est esthétique, c'est-à-dire sensitive et sensible, tenant compte de l'émotionnel dans l'humain. Or, qui dit émotion, dit forcément femme !
Que vive donc la femme tunisienne, déjà libérée et toujours libre en une Tunisie faisant réellement modèle !
Publié sur Al Huffington Post
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http://www.huffpostmaghreb.com/farhat-othman/la-femme-le-male-et-le-ma_b_6846670.html
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