Comment honorer les droits de l'Homme en Tunisie ?
Comme tous les pays du monde, la Tunisie célèbre le 10 décembre les droits de l'Homme. Mais au lieu de le faire en toute franchise, on se complait dans l'hypocrisie et le simulacre.
En effet, comment célébrer honnêtement les droits humains quand notre législation est une vivante négation éhontée de tels droits ? Faut-il rappeler qu'elle est pour l'essentiel la même dont a usé le régime déchu pour asseoir sa dictature honnie ?
Oser un discours éthique et de vérité
Si on veut réellement célébrer en ce jour les droits de l'Homme, on se doit d'être éthique en osant tenir un discours de vérité !
Par exemple, on pourrait annoncer solennellement l'engagement sans plus tarder et aussitôt le futur gouvernement remanié des réformes fort symboliques aux retombées immenses sur l'imaginaire populaire qui est à la base du comportement de tout un chacun, et destinées à y faire sauter les blocages empêchant un saut qualitatif vers le nécessaire vivre-ensemble démocratique.
La première de ces vérités, et la plus urgente au vu de la guerre que livre la Tunisie au terrorisme, serait de pointer la cause généralement tue sinon niée d'une telle criminalité, à savoir cette fausse aura religieuse dont on entoure le recours à la violence par les particuliers, qu'on appelle jihad.
La vérité et le courage aujourd'hui commandent de ne plus hésiter à soutenir le plus fortement qu'il n'y a de jihad licite en islam que maximal, celui qu'on livre à soi, le croyant se devant de donner l'exemple par un comportement irréprochable en tout point de vue.
Si on ne condamne pas le recours à la violence par les particuliers comme une pure déviation vers la criminalité, on ne fait qu'encourager ipso facto la contestation de la légalité et de la légitimité de l'État seul habilité à l'usage de la force dont il a le monopole dans un régime de droit et une société de libertés et de droits.
Faut-il, bien évidemment, que la législation de cet État soit juste, en congruence avec les attentes populaires ! D'où le train de mesures à prendre toutes affaires cessantes en Tunisie pour rendre notre législation liberticide en conformité à la constitution et aux standards humanistes internationaux.
Oser abolir les lois scélérates en vigueur
Il n'est inconnu pour personne, surtout pas les politiques, que la législation en vigueur, avec à sa tête le Code pénal datant du protectorat, est contraire aux droits et libertés désormais consacrés par la constitution.
Or, celle-ci rend nulles de nullité absolue les différentes lois qui y dérogent du fait qu'elle est la norme juridique supérieure en droit interne. Aussi, logiquement et en bon droit, de telles lois ne devaient plus être appliquées et d'office par les juges, même en l'absence de lois de substitution. La magistrature s'y refusant, les autorités doivent assumer leurs responsabilités en suspendant officiellement leur application par un acte législatif, réglementaire et même simplement par une circulaire ministérielle.
Il s'agit notamment des textes notoirement attentatoires aux libertés privées comme ceux régissant la consommation et le commerce d'alcool, la consommation du cannabis l'homophobie ou l'inégalité successorale.
Rappelons que des projets de loi issus de la société civile ont été déjà proposés, dont notamment sur les trois dernières questions du cannabis*, de l'homophobie** et de l'inégalité successorale***; aussi, on s'étonne qu'à défaut des autorités réticentes, car déconnectées des réalités, les associations concernées ne s'en soient pas saisies pour en faire leur cheval de bataille et forcer la sortie du gouvernement de son inertie mortifère.
Ce serait une belle façon de leur part de les proposer en cette journée du 10 décembre pour célébrer éthiquement et sincèrement les droits de l'Homme tout en suscitant le débat incontournable et qui sera forcément salutaire pour la cause humaniste en Tunisie.
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Publié sur Al Huffington Post