Coup du peuple, an VII : L'heure de vérité pour l'islam politique (Première partie)
La supposée révolution tunisienne, qui a été plutôt un coup du peuple, entame sa septième année; c'est un âge de raison en islam pour honorer sa foi.
Aussi, comme c'est l'islam politique qui a dominé et domine la Tunisie depuis 2011, il importe que cet an 7 de la révolution virtuelle de la Tunisie soit celui de l'heure de vérité qu'impose un tel âge !
Cela commande qu'on arrête d'utiliser la langue de bois usée jusqu'à la corde, dépourvue surtout de tout sens pour un peuple devenu adulte, afind de parler enfin vrai et éthiquement.
Ce qui implique de tenir, pour le moins, un discours de vérité sur un certain nombre de sujets sensibles dont nous évoquons ici quelques-uns des plus symboliques.
1. Tenir compte d'une maturité éveillée à la dignité
D'abord donc, il est impératif de reconnaître qu'il n'y a jamais eu de révolution au sens habituel du terme, mais ce coup du peuple dont j'ai parlé dès le début. (1) Oser donc le reconnaître, c'est faire acte de sincérité tout en évitant le ridicule, car tout a été dit depuis bien longtemps, et non seulement de manière implicite, (2) mais bien explicite avec tous les détails historiques.
Comment, en effet, oser parler de révolution alors que le régime supposé déchu est toujours en place à travers ses lois ? A-t-on vu l'arsenal législatif répressif de la dictature aboli ? Il est même en passe d'être aggravé ainsi qu'on le voit avec la scélérate loi 52 sur les drogues dont le projet de loi prétendant l'abolir ne fait qu'aggraver les méfaits. (3)
En cette matière comme en d'autres, la seule façon honnête, juste et crédible d'agir est de tenir compte de la maturité du peuple enfin éveillé à sa dignité et de garantir les libertés fondamentales des gens. S'agissant la loi 52, il s'agit bien évidemment d'oser décréter la dépénalisation totale de la consommation comme le préconise tous les experts sérieux, dont ceux de l'ONU. (4)
Au vrai, ce qui s'est passé en Tunisie en 2011 a été une orchestration de la part du capitalisme sauvage, nouvel impérialisme de nos temps postmodernes, sur fond d'effervescence populaire incessante, sociale et politique, et un rejet patent de la dictature.
On n'a donc fait qu'instrumentaliser la quête des droits et des libertés du peuple, se servant da la complicité active, objective et subjective, de certaines élites tunisiennes, et à leur tête les islamistes. Ce ne fut toutefois nullement un coup d'État, son moteur principal ayant été une volonté populaire réelle et évidente, la faim des droits légitimes devant signer fatalement la fin de la dictature, car nulle dictature ne peut survivre à l'éveil à la dignité.
Et ce fut ce fameux coup du peuple dont la preuve est, outre ce qui a été déjà noté, le fait que le peuple n'a toujours pas eu satisfaction de ses exigences avérées. Car sa jeunesse est toujours brimée ainsi que l'illustre l'exemple précité de la consommation du cannabis ou encore ses droits légitimes méconnus à une libre vie privée et à un sexe libéré dès la majorité.
2. Ne pas être l'arrière-boutique du néo-libéralisme
Il importe, ensuite, de reconnaître que l'islam supposé modéré ne l'est qu'à la surface pour tromper un Occident guère aveugle, mais complice, car un tel islam est faux, étant aussi sauvage que son soutien capitaliste.
L'islam politique en Tunisie ne cesse de simuler et dissimuler, instrumentalisant les supposés démocrates, dans le pays et hors du pays, se servant dans leurs rangs de prête-noms et même de ces complices que je qualifie de salafistes profanes.
L'atout des islamistes tunisiens est d'avoir disposé du soutien occidental, américain surtout, cherchant à faire de la Tunisie une arrière-boutique du néo-libéralisme dépourvu ou voulant se dépourvoir d'éthique. (5)
Leur complicité avérée dans les ambitions occidentales au Proche Orient ne sont plus un secret pour personne. N'ont-ils pas encouragé, ne serait-ce qu'en paroles, les jeunes Tunisiens à aller faire le coup de feu en Syrie, ce qui explique leur nombre élevé?
Par ailleurs, quelle attitude nos islamistes au pouvoir ont-ils eue dans la chute de Kadhafi ? Ne doit-on pas faire toute la lumière sur de telles zones d'ombres dans l'intérêt bien compris de la patrie ?
3. Éviter d'instaurer une dictature double
Enfin, nul ne peut douter aujourd'hui que le peuple tunisien, s'il a semblé choisir le parti islamiste lors des premières élections dites libres dans le pays, il l'a plutôt fait par défaut, croyant élire des gens honnêtes quitte à être incompétents, car la compétence s'apprend, pas l'honnêteté ! L'éthique espérée chez eux ne devait surtout pas être absente, car on les pensait encore incapables de tromper le peuple du fait des préceptes moraux de la religion affichée en référent.
Car le peuple tunisien est nourri de spiritualité; et s'il tient à son identité islamique, c'est en tant que culture et non point comme culte; ce que les islamistes et leurs soutiens n'ont pas compris. C'est bien pour cela que le peuple, dans sa majorité, renie de plus en plus le parti islamiste, ainsi qu'il a commencé à le faire lors de la dernière élection.
Assurément, il continuera ainsi au vu des turpitudes continues de ce parti qui n'hésite pas à user de tromperies, comme tout autre parti, et ce au nom d'une pratique antique de la politique. Effectivement, les masses croient désormais à leur révolution — qui est donc d'abord mentale — et elles n'accepteront pas que l'on passe d'une dictature unique à une double dictature, celle de la morale intégriste qui est bien plus grave que la première, attentant à l'âme tunisienne, hédoniste et libertaire.
4. Relativiser l'opération électorale
On voit d'ailleurs à quoi s'appliquent les partis : à légitimer leur mainmise sur les différents rouages de l'État par le biais des élections qui ne sont point, en pays pauvre, l'outil démocratique qu'ils ne sont d'ailleurs plus même en pays riche. Manifestement, l'opération électorale n'est plus aussi crédible qu'on la disait, surtout en l'absence d'État de droit et des libertés et des droits nullement garantis.
Le système électoral en un État, comme l'est encore la Tunisie, aboutit tout simplement à donner licence aux abus à une minorité au nom d'une majorité n'ayant nullement droit au chapitre. Ce n'est qu'une abusive altération de l'esprit de la démocratie devenue une pure affaire des démons de la politique, une démoncratie (ou daimoncrtaie).
Encore si le scrutin électoral était juste ! Or, ce qu'on a choisi est le moins valable car, en Tunisie, eu égard aux spécificités de sa société, c'est le scrutin uninominal qui devait être retenu, tout en étant amélioré par une obligation à imposer à l'élu d'un contrat de mission à passer avec l'électeur emportant la possibilité de désaveu s'il s'en écarte.
5. Pas d'élections locales avant la réforme législative
Pour cela, les vrais démocrates en Tunisie doivent arrêter de vouloir précipiter les élections municipales et locales. Celles-ci auraient dû d'ailleurs avoir lieu avant les élections nationales : législatives et présidentielle; c'est à quoi j'ai appelé maintes fois. (6)
Maintenant, elles n'auraient aucun intérêt pour le pays, sinon de consolider la mainmise des oligarchies partisanes sur le pouvoir local après l'avoir fait au niveau central. Et ce sera la totale double dictature !
Au préalable donc, il faut absolument réaliser la réforme impérative de la législation scélérate de la dictature. C'est dans le cadre des libertés et des droits consacrés par la Constitution que doivent se dérouler les municipales pour être honnêtes et éthiques et non dans la situation actuelle de non-droit.
C'est ce que doivent comprendre les élites du pays, particulièrement islamistes, qui ont bénéficié d'un coup de chance miraculeux, sinon elles ne seraient jamais arrivées au pouvoir en Tunisie.
Or, la situation dans le monde a changé depuis leur arrivée aux commandes dans le cadre de la politique occidentale tendant à redessiner la géostratégie mondiale. Une donne nouvelle est désormais effective et le soutien occidental dans son alliance capitalislamiste sauvage n'est plus la même, l'islam politique — cet islam actuellement sans foi ni loi — devenant encombrant.
6. Tenir compte de la nouvelle donne internationale
L'islam intégriste fait même office de boulet désormais pour le capitalsime sauvage du fait de son dogmatisme par trop néfaste. Car les monstres auxquels il donne naissance fatalement se retournent aujourd'hui contre les sociétés occidentales, menaçant leurs propres intérêts non seulement à long terme, mais aussi à moyen et court termes.
Il y a donc nouvelle donne sur la scène internationale dont l'arrivée du nouveau président américain est l'illustration parfaite. Le capitalisme mondial, nouvelle incarnation de son impérialisme, a échoué en jouant la carte du plus sauvage que lui, l'islamisme. Il en arrive de plus en plus à penser qu'il a avantage, afin de mieux servir ses intérêts stratégiques, d'opter pour le seul vrai islam compatible avec le libéralisme, mais assagi et donc éthique, à savoir l'islam soufi.
C'est certainement ce à quoi il faut s'attendre tôt ou tard de la part du géant américain à commencer par la fin de son alliance privilégiée avec cet antéislam qu'est le wahhabisme. Et ce sera enfin l'heure de vérité pour l'islam politique, surtout en Tunisie !
Aussi, ou l'islam tunisien évolue vers plus de libertés en tout, surtout dans la vie privée des gens, ou il disparaîtra fatalement de la scène publique. Et une telle évolution suppose et impose la nécessaire réforme législative, particulièrement au niveau des sujets sensibles de nature à permettre l'impérative réforme des mentalités encore sclérosées, chez les élites surtout bien en décalage avec la mentalité populaire.
NOTES :
(1)
(2)
(3)
(4)
(5)
(6)
Publié sur Al Huffington Post