Quel ramadan cette année, authentique ou d'ostentation?
Le mois de ramadan tombe cette année en début d'été, ce qui veut dire en pleine saison touristique. Se pose donc la question de la compatibilité des signes extérieurs de piété qui sont devenus la règle dans notre pays et le nécessaire respect des libertés de chacun de ne pas jeûner et surtout de consommer de l’alcool, notamment pour les touristes.
Retrouvailles avec la pureté islamique
Cette question se pose avec d’autant plus d'acuité que l’état économique du pays est catastrophique, nécessitant que le secteur touristique joue son rôle à plein régime afin d'aider à redresser la situation.
Il faut dire que l’affectation actuelle en matière de respect du mois de jeûne est récente et que le pays était un modèle de tolérance du temps de Bourguiba, reconnaissant la liberté de chacun de jeûner ou non. En cela, Bourguiba était bien plus respectueux de la religion que nos islamistes qui n’en ont retenu que l’apparence, oubliant le fond.
Car l’islam est d’abord respectueux de la volonté libre de chacun de jeûner ou de ne pas jeûner. Ainsi, il n’est nulle obligation absolue en islam de faire le ramadan. D'ailleurs, les motifs de ne pas jeûner sont nombreux, comme le simple fait de voyager ou de donner à manger aux pauvres, ce à quoi recouraient — et c'est attesté — certains de nos plus illustres ancêtres.
Au vrai, s’il y a infraction à cet important élément de la profession de foi islamique, elle ne regarde que le croyant et son créateur, le musulman n’ayant de comptes à rendre qu’à Dieu, contrairement à ce que professent les intégristes. Ceux-ci se trompent de religion, puisqu'il n'est pas d'église en islam; ils s’érigent ainsi en déités sur terre jugeant à la place de Dieu et plus sévèrement que lui !
Rappelons, par ailleurs, que le jeûne ne vient, comme fondement de l’islam, qu’en quatrième rang, bien après la prière et l’aumône légale. Or, combien parmi ceux qui affectent ostensiblement de jeûner prient ou s’acquittent de l’aumône prescrite, bien plus importants comme fondements ?
Il ne s’agit bien évidemment pas ici que d'enjeux touristiques, même s’ils sont importants. Mais comme il y va du sort de notre pays, sa religion ne peut qu’encourager tous les sacrifices en autant de preuves tangibles de patriotisme. C’est aussi un défi à nos consciences de croyants, car il est temps de parler et de vivre notre religion autrement, en étant plus respectueux de son authenticité.
Il n’est pas permis, en islam pur, d’imposer à autrui un comportement extérieur affecté en matière de foi qui doit rester libre pour être sincère, conditions islamiques cardinales. La piété en islam ne s’embarrasse pas de formes artificielles; elle est d’abord et avant tout une affaire de conscience. S’il est d’ailleurs quelque chose que réprouve notre foi, c’est bien l'ostentation.
S'agissant de l'alcool sur la consommation duquel se focalisent les passions, il nous faut enfin lire correctement notre religion. Il n’y est nullement question d’interdiction de boisson alcoolique; c’est l’ivresse qui est prohibée, plus particulièrement pour faire la prière. Je le démontre preuves à l’appui dans cet article : L'islam n'interdit pas l'alcool, plutôt l'ivresse !
Pour un Printemps islamique
Il est temps d’être véridiques dans notre pratique de l’islam et de sortir des sentiers battus de la tradition des jurisconsultes qui nous ont légué un droit musulman marqué par leur temps, qui n’est plus adapté ni à notre époque ni à une saine exégèse du Coran et de la Sunna. La seule correcte fut celle des soufis à laquelle il importe de revenir.
Il nous faut instaurer au plus vite cette « ambiance particulière » à laquelle appelle Madame la ministre du Tourisme en renouant dans notre pays avec une religion respectueuse des libertés de chacun, celui qui prie et qui fait le jeune, celui qui ne prie pas et fait le ramadan et celui qui ne prie pas et ne jeûne point.
On est dans un pays islamique qui doit être conforme dans son respect des prescriptions de sa religion aussi bien à sa lettre qu’a son esprit; or ils magnifient une foi libre, nullement viciée par l’hypocrisie de certains.
La ministre dit travailler d’ores et déjà sur des programmes appelés à concilier les mœurs populaires et l'industrie du tourisme. Qu’elle me permette de lui signaler que la morale du peuple, les véritables mœurs tunisiennes sont loin de l’idée dont se font certains officiels et élites déconnectés des réalités de la Tunisie profonde.
La société tunisienne n'est pas pudibonde ou constipée en matière de morale religieuse; elle vit sa religion sans complexes, dans le respect total des libertés de chacun. C’est ce qui distingue l’islam institué, celui d’une minorité, et l’islam populaire qui est le vrai islam. Or, celui-ci est marqué par une spiritualité à la fois voluptueuse et sensuelle qu'éthique et sincère.
Qu’on ne défigure donc plus notre belle foi en faisant du prochain ramadan la vraie fête qu’il est, non plus une orgie alimentaire, mais plutôt un festoiement d'une foi libre et libertaire, conforme en cela à l’esprit révolutionnaire de l’islam. En prime, c'est être patriote; ce qui ne gâche rien !
Aujourd'hui, il n'est plus un secret pour personne que le Printemps arabe fut largement préparé et mis en œuvre par l'Occident, même s'il n'a pas su se concrétiser sans la volonté populaire agissant en centralité souterraine. Il est temps que cette dernière démontre qu'elle est un enracinement dynamique en reprenant les ingrédients du Printemps arabe pour un printemps qui soit islamique.
Pour un tel printemps islamique, nulle influence extérieure ne saurait venir se substituer la volonté populaire ou t suppléer; car il s'agira de retrouver l'authenticité islamique révolutionnaire en notre foi dégagée de l'influence judéo-chrétienne. Or, on pourra s'y atteler dès ce ramadan en Tunisie ! Ce sera alors le second temps de la révolution du jasmin, une réplique du coup du peuple pour un islam enfin de paix.
Publié sur Al Huffington Post
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http://www.huffpostmaghreb.com/farhat-othman/quel-ramadan-cette-annee-_b_5356870.html
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