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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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jeudi 22 janvier 2015

I-slam pol-éthique 8

Quelle réforme pour l'islam ?


Un article publié ici fait état de l'appel d'intellectuels du monde musulman pour une « révolution » en islam.(1)
Si le diagnostic de la situation de l'islam est juste, la médication risque de se révéler inefficace.
Protocole inapproprié pour une réforme nécessaire
Le protocole des soins n'est qu'une reprise de ce qui a permis la rénovation des deux autres religions monothéistes. Or, il n' y a aucune ressemblance entre les trois déclinaisons de la tradition d'Abraham. Et nos intellectuels se réclament d'une laïcité et d'une modernité, toutes deux en crise.
On agréé leur affirmation que la religion doit relever de la sphère privée; cela ne commande pas nécessairement une laïcité qui n'est même plus légitime en Occident, se relégitimant à la faveur de la démocratie, de l'État de droit ?
Nos intellectuels ont bien raison d'affirmer que  « la citoyenneté, l’égalité, la liberté de conscience, l’État de droit et les droits humains sont des antidotes indispensables ». Ils ont toutefois tort de croire que cela est le produit magique de la laïcité. 
Il est à noter que l'appel à réformer l'islam n'a pas attendu le drame de Charlie Hebdo. Pour ma part, je milite pour un islam postmoderne que je qualifie i-slam, pour le distinguer de la tradition actuelle marquée par l'esprit judéo-chrétien.(2)  
Diagnostic mitigé d'une crise avérée
Si nos modernistes proposent un protocole inapproprié, ils ne font pas moins un diagnostic mitigé de la crise de l'islam.
C'est le cas quand ils affirment la nécessité de « reconnaître et affirmer l’historicité et l’inapplicabilité d’un certain nombre de textes que contient la tradition musulmane » jugés dépassés et inadaptés. Ce faisant, ils dénoncent l'obsolescence des arsenaux juridiques en se focalisent sur la religion au lieu de mettre à l'index sa lecture erronée. Ils le reconnaissent d'ailleurs en appelant à  « une véritable réforme du champ religieux de chaque pays et au-delà du champ religieux, d’une mise à niveau des législations »
Leur proposition est judicieuse de revoir « programmes scolaires et discours des médias publics ainsi que les prêches des mosquées » afin d'être « conformes aux idéaux universels de la liberté de conscience et des droits individuels. »  La pertinence de ce constat est toutefois viciée par une attitude judicative, presque moralisatrice, induisant que si les lois sont mauvaises, c'est du fait de la religion qui les inspire; ce qui est erroné et contreproductif. 
Dénonçant « le corpus de textes violents qui figure dans la Tradition, comme dans toutes les religions », ils appellent avec raison à ce qu'il soit « désactivé »; mais ils le font par une attitude véhémente, d'office antireligieuse, ce qui enlève du crédit à leur démarche en alignant l'islam sur une histoire anticléricale qui n'est pas la sienne. 
La révolution, c'est le retour à ce qui est premier
Si la nécessité d'une réforme de l'islam s'impose, elle ne peut être menée que de l'intérieur, selon les outils qui lui sont propres, non en calquant l'expérience obsolète d'autrui. 
D'ailleurs, le mot révolution veut dire étymologiquement le retour(3) revenant à l'essence, à ce qui est premier, ce qui fut à l'origine. La vraie révolution est donc des retrouvailles avec la matrice; et en terre arabe musulmane, c'est le coran qui est bien plus qu'un simple culte, étant une culture. Or, le propre d'une culture est d'être vivante, d'évoluer en revenant à ses sources, pratiquant une sorte d'invagination de sens.          
La laïcité n'est pas la solution
N'étant pas une simple foi, l'islam est aussi une politique. Aussi, la séparation du religieux et du profane n'a pas cours en islam où l'imbrication du spirituel et du temporel est totale. Toutefois, cela ne veut pas dire confusion, s'agissant d'une unité multiple, l'Unitas multiplex des anciens qui relève d'une pensée complexe. 
Si l'islam est un tout, le divin y étant humain, donc social, et le divin social, comme disait Durkheim, c'est qu'il a de l'homme une conception bien perçue par les soufis de l'homme uni, expression imparfaitement traduite par homme parfait, en qui le spirituel et le matériel se marient harmonieusement, réservant la foi à l'intimité soustraite à la vie dans la cité.
Pour cela, la conception occidentale de la laïcité ne peut servir en terre d'islam d'outil à la nécessaire réforme, sauf si on la prend en son sens étymologique, « laicus » signifiant « du peuple ». Or, dans nos pays, ce qui est du peuple, c'est la forte imprégnation spirituelle. 
Par ailleurs, en Occident,  laïcité est en crise, la caractéristique du peuple (« laicus » ou encore « laos ») y devenant « laïcisme », produisant un « esprit prêtre » aussi intolérant et fanatique que la religion qu'il combat. Car il le fait au nom d'une autre religion, civile et laïcarde, où l'esprit religieux intégriste se mue en « fanatisme athée » aussi dangereux. 
De la modernité à la postmodernité
La laïcité est un vestige d'une époque qui est en train de se fermer, celle de la modernité. D'ailleurs, le terme « époque » signifie parenthèse; celle de l'époque moderne, ouverte avec les Lumières, se referme dans les obscurités des excès d'inhumanité du matérialisme moderne. 
Un changement de paradigme est en cours, la matrice occidentale de la modernité, désormais stérile, étant en déclin depuis longtemps comme annoncé par Spengler. Le paradigme en gestation, ouvrant une nouvelle parenthèse, est la postmodernité.
C'est une ère de sens débridés, un âge des foules marqué par une soif de spiritualité et d'une rationalité autre, ne dédaignant plus ce qui relève de l'imaginaire qui, avec l'inconscient, structure l'humain. Ce dernier, après l'échec de l'illusion prométhéenne, redécouvre sa condition animale et sa nature à base de cet humus formant son étymologie. 
La postmodernité est donc l'époque des communions émotionnelles, le règne d'Éros que la  contrariété de ses caractéristiques émotionnelles et sensuelles transforme en Thanatos, l'émotionnel n'étant que la psychologie humaine à l'origine de l'ambiance où l'on baigne à notre corps défendant. D'où les horreurs quand les dionysies virent en sanglantes bacchanales.
Aussi, il importe d'être attentif à autrui, à sa faim de spiritualité et à tout ce qui semblerait insignifiant, surtout à ce que Debray nommait « sacral », au « prix des choses sans prix », comme disait Duvignaud. 
L'islam sera postmoderne ou ne sera plus
Dans l'accélération de l'histoire et le retour du religieux, on a le choix entre la religiosité et le spirituel; la première option nous a donné Daech; la seconde appelle le retour à l'islam des origines, celui des soufis.
Ce sera l'islam de notre époque, un islam postmoderne, oecuménique et pluraliste, imposant l'effort constant et maximal, l'effort minimal étant terminé comme l'émigration, la hijra.
Cet islam est une rénovation de ses préceptes au nom de sa philosophie propre, mise au point par ses savants les plus visionnaires qui, indiquant la nécessité continue de l'interprétation, la basent non sur le texte, mais sur ses visées et son esprit. Une telle réforme incessante doit culminer à chaque début de siècle en conformité avec une tradition établie. 
Avec de tels outils organiques, il est parfaitement conforme à l'islam, par exemple, de décréter anti-islamique la prohibition de l'apostasie(4), le comportement homophobe(5) ou l'inégalité successorale entre les sexes.(6)    
Et la réforme de l'islam aura une chance d'aboutir, se faisant au nom de la foi, en étant respectueuse de sa prétention d'être universelle et rationnelle en tant que sceau de la révélation.


NOTES :
(2) Sur l'i-slam, cf. mon article : Dites bonjour à l'i-slam en Tunisie! — Sur la tradition judéo-chrétienne en islam, cf. : Le fondamentalisme islamique est une création judéo-chrétienne
(3) Du latin chrétien revolutio : retour. 
(4) cf. ma série d'articles ici : L'apostasie est licite en islam, en voici la preuve 
(5) cf. ma série d'articles ici : L'islam n'est pas homophobe, en voici la  preuve ! 
Publié sur Al Huffington Post
Le site a fermé, le lien fonctionnel était :
http://www.huffpostmaghreb.com/farhat-othman/quelle-reforme-pour-lisla_b_6519702.html