Le sexe naturel, y compris en islam, n'est pas hétéro mais bi !
Lors de la journée de lutte contre l'homophobie, le 17 mai dernier, malgré les appels répétés et incessants de la société civile, ni les autorités ni les médias officiels n'ont daigné parler du crime homophobe mondialement dénoncé.
Pourtant, la confusion des valeurs est à son comble en Tunisie aujourd'hui. On a ainsi vu des commerces, dont l'obligation est de servir tout le monde, oser enfreindre la loi en affichant une interdiction d'entrer aux homosexuels.
Comble de l'absurde, on a vu aussi des pages sur Internet de ceux qui sont censés servir les citoyens sans distinction aucune, à savoir les forces de sécurité, apporter leur appui à ce genre de comportement condamnable.
N'est-il pas venu le temps de sortir d'une telle mascarade axiologique en rappelant une nouvelle fois ici la vérité sur ce qu'on ne devrait qualifier que d'homosensualité, l'homosexualité ne pouvant être réduite au sexe, étant d'abord et avant tout des sentiments parmi les plus nobles, ceux de l'amour et de l'affection.
La vérité sur l'homosensualité
Afin d'échapper à toute stigmatisation, on pourrait même parler plutôt d'érosensualité, néologisme que je propose pour ne plus stigmatiser sexuellement ce qui relève de la sensualité.
Or, notre peuple est sensuel dans l'âme; on le voit à sa convivialité et à sa gestuelle. Ainsi, ce qui relèverait de l'homosexualité en Occident n'est que d'innocents coudoiements et de la simple convivialité maghrébine, et même méditerranéenne, où le toucher est une manifestation d'amitié avant d'être de sexualité. Même le sexe, d'ailleurs, est d'abord sensuel, chez nous, dans la pure tradition des Mille et une nuits.
Au vrai, le terme homosexualité est une création tardive — datant du 17e siècle — de l'Occident dans sa manie de tout catégoriser et de distinguer les choses; Auguste Comte parlait de réduction à l'un (reductio ad unum). C'est ce qui a permis, certes, sa modernité, mais cela fut au risque de faire tordre le cou à la vérité historique et sociologique.
Car avant le 17e siècle, le sexe normal et naturel dans le monde, y compris occidental, était un sexe qui ne distingue pas entre homo et hétéro; c'est un sexe total, holiste disent les sociologues. Ce fut ainsi le cas dans toutes les civilisations humaines, à commencer par celle de la Grèce où le rapport entre l'Éraste et l'Éromène est bien connu.
Il en est allé de même en islam qui, contrairement au judaïsme et au christianisme, n'a jamais interdit le sexe entre gens de même sexe. C'est une interprétation judéo-chrétienne (les fameuses israilyet) qui a imposé le bannissement de l'homosexualité en islam de la part de jurisconsultes dont l'imaginaire était judaïque ainsi que l'a amplement démontré Ibn Khaldoun.
C'est là une vérité qui ne fait plus de doute : il n'y a pas d'homosexualité en islam, il n'y a qu'un sexe total, admettant tous types de sexe, car dans la nature, le sexe normal est bien la bisexualité, l'homosexualité y étant parfaitement répandue et ordinaire.
Ce n'est que la pastorale chrétienne qui a fait d'un sexe naturel un crime; Foucault en a assez parlé. Or, cette tradition judéo-chrétienne a été abandonnée en Occident grâce aux acquis de la démocratie. Et nous continuons en Tunisie, en terre d'islam, à user d'une loi coloniale issue du christianisme, religion du colonisateur !
Rappelons ici que l'homophobie en France n'a été abolie qu'en 1982 à la suite de l'arrivée des socialistes au pouvoir et à la proposition courageuse du ministre de la Justice, Robert Badinter, qui a réussi à obtenir de l'Assemblée Nationale la dépénalisation de l'homosexualité avec l'abrogation de l'article 332-1 du Code pénal, héritage de Vichy dont notre article 230 du Code pénal est le reflet.
Rappelons aussi que l'homosexualité qui était considérée comme une maladie par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a été finalement retirée de la liste des maladies mentales en 1991.
Plus d'homophobie dans la Tunisie musulmane!
Tout cela a été amplement dit et rappelé. Des articles et des livres sérieux y ont été consacrés, dont le Huff Post a rendu compte en temps utile.*
Alors, jusqu'à quand continuer à faire fi de la nature et de le constitution, le droit à vivre ainsi que l'a voulu Dieu figurant parmi les acquis consacrés par la loi suprême dans notre pays ? Bien mieux, jusqu'à quand continuer à violer notre religion au nom de la tradition judéo-chrétienne ?
Jusqu'à quand doit-on encore rappeler qu'il n'y a dans le Coran que du récit interprété par les jurisconsultes selon leur inconscient judéo-chrétien ? Notons ici que l'histoire même des gens de Lot a été réinterprétée de manière scientifique et ne suffit plus à justifier l'injustifiable : une condamnation par le Coran de ce peuple qui n'aurait jamais constitué un peuple s'il n'était qu'homosexuel. **
De plus, il est attesté que la Sunna prophétique authentique ne traite pas de cette nature humaine; ainsi, aucun hadith en l'objet n'est rapporté par Boukhari et Mouslem; est-ce normal pour ce qu'on considère être la pire des turpitudes ?
On voit à que point atteint notre violation de notre religion qui a reconnu parfaitement naturelle, et ce bien avant la science, les rapports entre gens de mêmes sexes relevant de leur nature ainsi que voulue par Dieu. Jusqu'à quand donc continuer en Tunisie à violer l'islam, la Constitution et les droits humains ?
Un test pour Ennahdha après son congrès
Au lendemain du congrès du parti islamiste qui est supposé le transformer en parti civil, voici donc un test à réussir pour attester de la réalité de ce changement.
Pour prouver avoir évolué dans le sens de la démocratie, que les dirigeants du parti Ennahdha déclarent donc solennellement l'abolition de l'homophobie en Tunisie démocratique, l'acceptation du différent absolu qu'est l'homosensuel étant la base du vivre-ensemble en démocratie. Ainsi honoreront-ils notre religion humaniste correctement interprétée et notre constitution restée lettre morte sur de larges pans des droits de l'Homme !
De la sorte, ils montreront aussi la voie aux pays arabes et islamiques qui sont bien obligés d'éliminer de leur législation et/ou de leurs traditions cette tare homophobe d'un autre temps qui n'est digne ni de l'islam ni du régime démocratique auquel ils prétendent.
Car, répétons-le, l'acceptation du différent, quel qu'il soit, est une valeur cardinale de toute foi; et elle est au cœur de la démocratie qui se définit par le respect du droit au vivre-ensemble paisible de tous les membres d'une société nonobstant leur mode de vie et leurs mœurs.
Ce sera là le premier test à réussir par le parti islamiste supposé avoir évolué et qui en aura d'autres à réussir assurément, comme le projet de loi sur l'égalité successorale ou le projet gouvernemental sur les drogues devant être amendé pour une totale dépénalisation du cannabis, cette drogue douce bien moins nocive que le tabac.
Je rappelle que le texte consensuel reproduit ici à l'intention du parti islamiste a déjà été proposé, dans sa version arabe, au bureau des initiatives législatives d'Ennahdha à l'ARP***. Qu'il le propose officiellement afin de confirmer son nouvel esprit démocratique !
Alors, le parti Ennahdha a-t-il vraiment changé ? On le verra dans la suite qu'il réservera à ce texte. S'il le parraine, il démontrera sa capacité à s'opposer à la minorité d'ignorants haineux du genre humain qui n'ont pas leur place en Tunisie et sa volonté à ce que notre pays soit à jamais une terre de tolérance et d'humanisme.
PROJET DE LOI
Abolition de l'homophobie
Attendu que l’homophobie est contraire aux droits de l'Homme et au vivre-ensemble paisible, à la base de la démocratie,
Attendu que l’orientation sexuelle relève de la vie privée que respectent et l’État de droit tunisien et l’islam,
Attendu que l’article 230 du Code pénal viole la religion musulmane qui n’est pas homophobe étant respectueuse de la vie privée de ses fidèles qu’elle protège ;
L’ARP décide :
Article unique
La vie privée étant respectée et protégée en Tunisie, l’article 230 est aboli.
NOTES
*** Textedu projet de loi en arabe adressé au groupe Ennahdha au parlement (avec un autre texte sur l'égalité successorale)
NOTA
* Texte écrit avant le 17 mai repris et actualisé après le 10e congrès du parti islamiste en Tunisie
Publié sur Al Huffington Post