Le terrorisme se nourrit de notre confusion des valeurs
Alors que de nouvelles horreurs terroristes impliquent, de près ou de loin, nos jeunes nationaux, il n'est plus possible de continuer à se taire ou faire semblant de l'ignorer : un terrorisme mental se niche dans la tête de nombre de nos élites, et il faut le soigner d'urgence.
Comment, en effet, se limiter à dénoncer les actes criminels de nos jeunes, pas nécessairement désaxés, quand ceux qui sont censés donner l'exemple confondent avec une fausse naïveté ce qui relève du crime et ce qui est question d'honneur ?
Certaines élites donnent le mauvais exemple
Comment s'étonner que les jeunes, forcément influencés par les aînés, versent dans le terrorisme quand ces derniers, ayant des postes en vue ou de responsabilité qui plus est, osent assimiler le terroriste à un héros ?
Quand on fait exemple d'un tueur, comme d'aucuns l'ont osé pour le crime de Turquie, on ne peut s'étonner que notre jeunesse se transforme de plus en plus en des munitions pour la haine, semant partout la terreur !
Souvenons-nous ! Hier, mais aujourd'hui encore, des acteurs politiques et des penseurs, philosophes mêmes, osaient et osent proclamer, au nom d'un jihad pourtant clos, vouloir et devoir guerroyer en Syrie ou même, pour certains, chez DAECH.
D'autres ont bien facilité le voyage au bout de la nuit de nombre de nos jeunes, trompés par de telles diableries qui se présentent en chants de sirènes ensorceleurs.
N'a-t-on pas vu aussi un imam et une avocate donner raison aux criminels de DAECH, justifiant non seulement leurs crimes, mais appelant à adopter leurs pratiques, tel ce traitement barbare infligé aux innocents gays ?
Pour cela, il n'y a pas à s'étonner qu'un journal de la place en arrive à faire le titre de sa "une" avec cette terrible question : si le terroriste de Turquie était un héros ou un criminel ? Il n'a fait que traduire à quel point atteint la confusion des valeurs dans nombre de nos têtes supposées bien faites.
Terrible confusion axiologique
Au vrai, on nage en pleine et ahurissante confusion des valeurs dont n'ont honte de faire vil commerce les corsaires et flibustiers modernes de la politique politicienne. Aussi se révèlent-ils n'être que des démons de la politique, ne croyant nullement en la démocratie en tant que nécessaire vivre-ensemble paisible, mais bien plutôt comme une aire où se joue un ballet de démons, une daimoncratie.
Est-il possible de tolérer encore un tel confusionnisme, trempant la religion en un sale bourbier pour des dividendes bassement terrestres ?
En islam, la guerre armée, jihad mineur, est clos depuis la consolidation de l'État d'islam. Par conséquent, il n'y a plus aujourd'hui que le jihad majeur, soit l'effort sur soi, pour donner cet exemple que le prophète est venu parfaire. Il faut le dire et le répéter.
Prétendre le contraire, user de la foi pour apporter un soutien à des causes politiques, l'instrumentaliser ainsi honteusement, c'est tout autant semer le mal partout que faire du tort à l'islam transformé, comme on le voit chez les criminels de DAECH, en une industrie de haine et de mort alors qu'il est d'abord amour et vie.
C'est que l'islam authentique est d'abord cette justice qui se manifeste bien dans l'impératif de se fier au droit. Que la légalité ne soit pas appliquée, comme en Palestine par exemple, n'autorise nullement à bafouer la religion pour se faire justice, car ainsi on perd son droit. Il importe de donner l'exemple en appelant au retour au droit et à son triomphe nécessaire.
Oser l'impératif éthique
Servir notre religion devenue une arme de destruction massive impose donc qu'on la préserve contre le détournement dont elle fait l'objet aussi bien par des ignorants notoires que par de fieffés profiteurs. C'est ainsi aussi qu'on lutte mieux contre le terrorisme qui abuse de cette foi.
Pour cela, on a moins besoin des proclamations habituelles dont l'effet concret est inversement proportionnel à leur grandiloquence. On a plutôt besoin de quelques initiatives au symbolisme dévastateur et qui ne nécessitent déjà beaucoup de courage à être prises, car en parler relève même du tabou !
Certes, on peut croire suffisants les actes classiques, et ils peuvent l'être en temps normal, tels ceux qu'on vient d'annoncer. Ils sont assurément importants, mais d'un effet nettement moindre que ce que je vais énoncer, avec aussi des conséquences ne donnant fruit qu'après le nécessaire toilettage mental du terrorisme théorique qui y niche. Ce véritable terreau des horreurs que nous vivons et auxquelles on continuera d'avoir affaire tant qu'on n'aura pas traité le mal à la racine.
Il est un impératif catégorique dont on ne peut plus faire l'économie et qui est d'ordre éthique ayant trait à notre lecture de l'islam. Aussi importe-t-il de faire, au plus vite, et le plus solennellement, certains rappels indispensables d'ordre théologique, accompagnés ou suivis de mesures législatives incontournables ne devant plus tarder.
Mesures d'antiterrorisme mental
Les mesures qui suivent sont de mon point de vue psychosociologique le meilleur antidote contre le terrorisme mental et, pour le moins, le révélateur de celui qui est bien implanté dans certaines têtes.
Que non seulement le Mufti de la République, mais aussi les chefs politiques, notamment ceux qui prétendent parler au nom de l'islam, osent donc rappeler ceci :
1. la clôture du jihad en islam. Les combattants pour la liberté ne peuvent plus se prévaloir de la religion, foi de paix, sauf à se révéler des imposteurs, car il n'y a pas de guerre sainte en islam. (1)
2. la nécessité de vivre en islam pour qui veut servir sa foi, non de mourir, et ce par l'administration du meilleur exemple. En effet, la notion du martyre telle qu'on continue à la développer chez nous n'a rien d'islamique, car son vrai et unique sens en islam est bien le témoignage. Ce qui nécessite de vivre, jamais de faire le kamikaze. (2)
3. l'impératif d'agir au plus vite et de la manière la plus concrète sur les sujets sensibles qui alimentent la confusion des valeurs dont nous souffrons et ce par la seule voie aussi rapide qu'incontournable qui soit en un État de droit : la voie législative. Les lois à la haute valeur symbolique qui suivent doivent être au plus vite adoptées pour aider à toiletter les mentalités ou à démasquer les terroristes occultes parmi nous.
Il s'agit de l'égalité successorale, (3) car elle fonde toutes les violences faites aux femmes et qu'on entend éliminer sans s'attaquer à leur source. Il s'agit aussi du droit à la liberté privée en abrogeant les interdits législatifs notoires qu'ils soient relatifs au sexe entre majeurs consentants (4) ou à celui de la consommation ou du commerce d'alcool. (5) Et, bien évidemment, il y a également le différent absolu qu'est le gay qui doit être rétabli dans sa dignité et son honneur par l'abolition de l'homophobie en Tunisie. (6)
Ce sont en apparence des questions mineures, relevant même pour certains du n'importe quoi, mais c'est alors ce presque rien du philosophe qui est susceptible de changer tout en s'attaquant radicalement à la racine du mal : l'argutie religieuse du rejet du différent et du refus de l'accepter tel qu'il est.
Ces mesures doivent aussi être complétées par d'autres telle celle en mesure de permettre la sortie de l'impasse actuelle de la cause palestinienne et qui ne sert que les intérêts d'Israël tout en polluant terriblement les esprits. (7)
En continuant à n'appeler Israël qu'entité et à ignorer la fatalité de la paix par le nécessaire retour à la légalité internationale du partage, c'est non seulement nier son statut d'État, comme on le fait, mais c'est dans le même temps renier celui, déjà contestée par lui, de l'État palestinien, frère jumeau de l'État hébreu. Or, reconnaître l'un implique forcément de reconnaître l'autre et nier l'un c'est bien nier son jumeau monozygote. Par notre attitude à l'égard d'Israël on ne fait donc que servir la politique injuste de l'État juif.
Ce sont là quelques pistes auxquelles on aurait bien tort de ne pas penser et de les activer, car notre salut nolens volens est bien dans de telles initiatives parlant bien mieux et plus efficacement à l'imaginaire populaire et à l'inconscient collectif. (8)
NOTES :
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