Que le gouvernement lève l'interdit frappant Shams !
L'examen de l'opposition de l'association Shams à l'interdiction d'exercer a été renvoyé pour une seconde fois; c'est le 26 courant que se prononcera finalement le juge sur le droit à militer de cette vaillante association qui symbolise la démocratie naissante en Tunisie.
Ces renvois récurrents sont symptomatiques de l'imbroglio dans lequel s'est retrouvé le gouvernement après avoir cédé aux pressions des plus excités des politiciens homophobes sur la scène politique en décidant l'interdiction, même s'il à commencé par la limiter à un mois. Car cette initiative, si elle marque une hésitation de sa part, ne représente pas moins l'étape initiale de la procédure d'interdiction définitive.
C'est toutefois mal connaître les subtilités de la politique en Tunisie en croyant le sort de Shams scellé comme en nourrissent l'espoir les dogmatiques religieux les plus haineux. Le gouvernement est, en effet, soumis à de vives pressions opposées à celles des homophobes pour se désister de son initiative et reconnaître le droit de Shams à exister, et ce pour le salut bien compris de la Tunisie.
Un état des lieux contrasté
Le gouvernement est d'abord soumis à la forte pression des lobbys homophobes qui le poussent à interdire une association dont le seul tort n'est pourtant que d'agir pour l'amour et non la haine. Leur argumentation est fallacieuse : l'atteinte à la religion et aux bonnes moeurs. Nous y reviendrons.
Dans le même temps, il subit la pression légaliste de ceux qui le poussent à respecter l'État de droit et les obligations imposées par la constitution et par les engagements internationaux du pays, outre les valeurs démocratiques et humanistes.
Ces derniers sont minoritaires sur la scène publique. En effet, les premiers sont bien plus actifs, et s'ils se recrutent surtout dans le camp islamiste, ils sont aussi fortement représentés dans le camp supposé moderniste qui est soit traditionaliste soit feint de l'être par calcul politique et au nom du mythe du conservatisme de la société.
Malgré cela, les abolitionnistes ont l'avantage de compter sur l'appui des partenaires occidentaux de la Tunisie. Or, c'est un atout et un handicap à la fois, car cela les amène à faire un excès pernicieux de laïcisme.
C'est qu'il est avéré qu'on ne peut abolir l'homophobie en Tunisie sans démontrer que l'islam n'est pas homophobe. Et cela a été bel et bien prouvé. Pourtant les militants anti-homophobie n'osent pas faire état de cet argument massue ni l'utiliser dans leur combat, se privant d'une arme fatale contre l'homophobie
Un texte assuré d'être voté
Bin pis ! Les militants refusent de parrainer le projet de loi rappelé ci-après qui est susceptible de rallier une majorité de voix en sa faveur à l'Assemblée des Représentants du peuple s'il parvenait à y être présenté. Et on sait que dix députés suffisent pour cela; ce qui ne peut manquer dans les rangs des démocrates. Faut-il les convaincre que le texte est en mesure d'être voté. Ce qui est parfaitement le cas !
Car le chef du parti islamiste, plus grande force parlementaire du moment et parti discipliné, s'est déjà prononcé pour l'abolition de la base légale de l'homophobie, l'article 230 du Code pénal.
Bien mieux, des indiscrétions diplomatiques fiables le disent prêt à appuyer un projet de loi dans l'esprit de celui rappelé ci-après s'il réussissait à être proposé à l'ARP. Il semble qu'il se serait même gaussé qu'il y ait des démocrates capables d'avoir le cran de le proposer !
Ce sont de telles initiatives de la part de M. Ghannouchi qui expliquent, d'ailleurs, l'agitation des homophobes ayant eu pour but d'impressionner en cherchant à contrarier une issue qu'ils savent désormais fatale. Outre des émissions de haine radiotélévisées, leurs tentatives d'intimidation se sont manifestées par l'exigence de l'interdiction de Shams et par le jugement moyenâgeux de Kairouan qui sera rejugé en février.
Or, si on peut comprendre un tel déchaînement haineux de la part des homophobes, se sentant acculés dans leurs derniers retranchements, on ne comprend point l'inertie des militants abolitionnistes ni leur dogmatisme laïciste. C'est à se demander s'ils militent contre l'islam ou pour l'abolition de l'homophobie, car ils se présentent en complices objectifs des intégristes religieux, les aidant au maintien du statu quo illégal.
Une obligation de l'État de droit
Par une telle attitude, ils font état d'amateurisme coupable, oubliant que la situation politique du pays issue de la Révolution nécessite le consensus entre les ennemis d'hier, appelés à gouverner ensemble. Les politiciens des différents bords, notamment les deux plus grands partis, se doivent de rechercher l'entente entre eux d'abord et ensuite avec le peuple, même si le contraire était plus judicieux pour eux.
Et comme les deux partis majoritaires partent du faux double constat que la société est conservatrice et que l'islam serait homophobe, ils se retiennent d'abolir cette tare qui défigure l'État de droit qu'on veut pour la Tunisie.
Or, le gouvernement commence à réaliser de plus en plus que l'abolition de l'homophobie est désormais une obligation en Tunisie. D'abord au nom de l'État de droit respectueux de tous ses citoyens en conformité avec la constitution. Ensuite, du fait que la preuve a été déjà faite que l'islam n'a jamais été homophobe et que la société est bien plus libertaire qu'on ne le croit.
En effet, si le Tunisien du peuple semble en apparence homophobe, ce n'est qu'un pur faux-semblant qu'impose le milieu de contraintes légales et la violence morale de certains milieux. Dans sa vie quotidienne, le Tunisien est bien tolérant, ayant une vision du sexe totale, ne distinguant ni les pratiques hétérosexuelles ni homosexuelles, dans une parfaite bisexualité inavouée et que manifeste sa sensualité sous sa débordante convivialité.
La raison d'une telle cachotterie que d'aucuns ont tort de qualifier d'hypocrisie est bien évidemment le regard inquisiteur du pouvoir qui use et abuse de lois injustes héritées pour la plupart de la colonisation. C'est le cas de l'article 230, pur produit de la pastorale chrétienne exportée en terre d'islam.
Shams doit continuer son militantisme
Tout cela pour dire que l'abolition de l'homophobie anticonstitutionnelle et anti-islamique est fatale en Tunisie. Des voix justes auraient ainsi convaincu le gouvernement qu'il n'a aucun intérêt d'attenter à l'existence d'une association comme Shams, mais plutôt de se mettre dans le sens de l'histoire.
Car même si le projet de loi présenté ci-après est voté, une fois présenté à l'ARP, il faudra bien que les associations agissent activement pour l'expliquer et aider à ce que les mentalités les plus rétrogrades changent vite, d'autant plus qu'elles cultivent un terrorisme mental des plus dangereux. Certes, il s'agit de groupes minoritaires, plus souvent trompés que convaincus, mais elles ont la particularité d'être violentes et doivent être sorties par l'argument juste et la preuve tangible de leur effroyable erreur faisant du tort à l'État de droit et à leur foi islamique nullement homophobe.
Ensuite, on doit savoir que Shams, comme d'autres associations, milite contre toutes les exclusions, l'homophobie n'en étant que la plus emblématique, cette part visible de l'iceberg du rejet de l'autre différent. Or, de telles exclusions sont encore trop nombreuses en Tunisie.
Enfin, c'est bien pour l'amour que Shams milite en premier; or, la culture d'un tel sentiment est la première pierre de l'édifice du vivre-ensemble paisible. Surtout à un moment aussi délicat de l'histoire du pays où se multiplient, comme des champignons, des associations qui n'ont que la haine et l'exclusion pour motif d'existence et qui continuent pourtant à prospérer et agir impunément grâce à des aides étrangères à peine occultes.
Aussi, il serait criminel pour le salut de notre pays d'interdire une association qui a l'honneur et le mérite d'agir activement pour contrecarrer une telle dérive terroriste. Le terrorisme étant surtout mental, interdire aujourd'hui Shams, c'est ni plus ni moins encourager le terrorisme dans le pays, car ce serait opter pour l'instinct de la mort contre l'instinct de la vie. Et le sexe — même si l'homosensualité (homosexualité) ne s'y réduit pas, étant d'abord une nature et des sentiments — est la vie !
On croit nos dirigeants assez intelligents et dignes pour faire le bon choix en optant plutôt pour Éros et non pour Thanatos. Le verdict qui tombera ce 26 janvier le dira.
Projet de loi
pour
l'abolition de l'homophobie
Attendu que l’homophobie est contraire aux droits de l'Homme et au vivre-ensemble paisible, à la base de la démocratie,
Attendu que l’orientation sexuelle relève de la vie privée que respectent et l’État de droit tunisien et l’islam,
Attendu que l’article 230 du Code pénal viole la religion musulmane qui n’est pas homophobe étant respectueuse de la vie privée de ses fidèles qu’elle protège ;
L’ARP décide :
La vie privée étant respectée et protégée en Tunisie, l’article 230 est aboli.
Publié sur Al Huffington Post