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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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vendredi 26 février 2016

Apostolat postmoderne 2

Être pour ou contre Kamel Daoud?



Je n'ai pas hésité, quand il le fallait, apporter mon appui à Kamel Daoud;* aujourd'hui, je ne le ferai pas, sans être contre lui.

Il nous faut sortir de la banalité de la pensée qui veut que l'on soit nécessairement pour ou contre; on peut être en divergent accord avec quelqu'un ou en convergent désaccord. La pensée complexe contradictorielle postmoderne le mande.

Une terrible confusion des valeurs

Je ne reviendrai pas sur ce qui, en l'auteur, commande  de le soutenir. On ne peut lutter contre l'obscurantisme et l'intégrisme mental sans soutenir ceux qui s'y opposent.

Cependant, peut-on se permettre de verser dans la confusion des valeurs, et au motif de combattre le fanatisme religieux, accepter et nourrir même un fanatisme laïciste? Ce n'est qu'un même terrorisme mental, les deux se valant; bien mieux, sustentant des excès l'un de l'autre !
  
Peut-on, comme se l'est permis Daoud, commenter des événements relevant somme toute de la banalité d'une misère sexuelle qui est bien loin d'avoir des spécificités ethniques ou culturelles, en faisant le stigmate d'une religion, d'une culture, innocentes de ce qu'on leur attribue qui plus est ?

N'est-ce pas les rapports de forces déséquilibrés dans le monde et la condition de damnés de la terre des gens du Sud de la planète qui produit ce que dénonce Daoud, l'attribuant injustement et bien à tort à une religion qui fut révolutionnaire en la matière. Elle fut même en avance sur son temps et sur l'Occident des valeurs duquel notre auteur se réclame, l'islam n'ayant jamais été ni pudibond ni homophobe, par exemple, et dont l'Occident judéo-chrétien a même dénoncé, un certain temps, la sensualité assumée !

N'est-ce pas la tradition judaïque et la pastorale  chrétienne qui ont été à l'origine de la misère sexuelle humaine avant que les acquis de la révolution industrielle ne viennent changer la donne ? Et cela n'advint-il pas à la faveur d'une démocratie obtenue grâce au pillage des richesses du Sud et à la colonisation non seulement de ses pays, mais aussi et surtout des mentalités de ses habitants, les élites surtout  instrumentalisées à assurer la continuation de la mainmise de l'Occident sur le monde?

N'est-ce pas d'une telle colonisation mentale et totale confusion axiologique que relève M. Daoud en n'étant pas en mesure de distinguer ce qui est attribuable à la foi islamique violée par les siens encore plus que par ses ennemis et surtout par une classe dirigeante en place avec ou grâce à l'Occident dans la plupart des cas?

L'apostolat de la pensée libre

M. Daoud qu'on croyait militer pour les valeurs annonce sa retraite; cela prouve bien qu'il n'écrivait pas pour militer, dire le vrai, mais pour être lu ou épater, car le vrai militantisme  relève de l'apostolat dans le désert, nécessaire pour annoncer finalement le changement devenu impératif.

Aussi, s'il était sincère — et je veux le croire —, je l'invite à continuer à écrire, militer, mais en faisant montre d'un minimum de lucidité, ne pas se laisser aveugler par l'écume des apparences en allant en leur creux.

Qu'il réalise que la crise que traverse le monde n'est pas seulement celle de l'islam, mais que c'est une crise axiologique généralisée ! Qu'elle implique non pas qu'on fasse bouc émissaire d'une foi qui sut être une modernité avant la  modernité (je la qualifie de rétromodernité), mais qu'on agisse pour un monde plus humain, devenu un immeuble planétaire, nécessitant de voir modifiés les rapports internationaux éculés pour une mondianité. 
                 
S'il y a bien des fantasmes dont il faut se débarrasser, que l'intellectuel se devant d'être organique y aidera, c'est bien de démontrer que les fantasmes ne se retrouvent pas qu'à Cologne et non seulement du côté des damnés de la terre, mais aussi et surtout de cette caste qui entend continuer à régenter le monde en manipulant les esprits à son seul profit, au service de ses intérêts égoïstes.

Un tel monde est fini, sa fin manifeste même une faim pour un nouveau monde, plus que jamais impératif en cette ère des foules qu'est notre postmodernité. 

Que notre intellectuel ne soit pas trop prompt à battre la coulpe des  siens au nom de nouveaux maîtres à penser, guère plus innocents que les machiavéliques commerçants de la religion contre lesquels il croit guerroyer. Déjà, les uns et les autres sont pour le moins des complices objectifs; et un vrai penseur ne peut être la voix de son maître, car il est son propre maître. 

En un temps où l'islamophobie est devenue une obsession, tout autant que sont devenues commerce lucratif les différentes phobies, notamment celle de l'autre qui n'est que soi-même, la pensée passionnée doit donner l'exemple qu'elle est libre de toute peur, raisonnée ou non raisonnée, de la moindre aversion pour son prochain, quelques soient ses turpitudes, étant instinctivement la culture de l'altérité. 

Il n'est pas sensé non plus pour Daoud, après avoir profité du "jeu de vagues et des médias", de s'en éloigner; car la meilleure façon de "restaurer en soi la confiance et la quiétude", c'est d'être à l'écoute de son monde, surtout en train de délirer. C'est ainsi qu'on peut espérer apporter un tant soit peu de sagesse, la touche de justesse qui manque an ce monde devenu fou à lier.

D'une telle justesse a semblé manquer Kamel Daoud depuis son fameux billet de Cologne. Que l'antique Colonia-Agrippina soit donc pour lui synonyme d'un réveil salutaire de conscience empêchant son talent de s'en aller en eau de boudin, se révélant plutôt une eau de Cologne ! Qu'il continue à militer en étant juste de voix et de voie !    




Publié sur Al Huffington Post