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lundi 23 octobre 2023

Dictature mentale 7

Palestine : 

Par delà bien et mal 2/3*



De nouveau, aujourd'hui, l’Histoire bégaie dangereusement au Moyen-Orient ainsi que le notait, déjà en 2001, Bernard Ravenel dans ses « propos impopulaires ». Aussi est-il temps, ainsi qu’il le disait lui-même, de « repartir d'Hannah Arendt » (1) pour enrayer le terrible engrenage vers des abysses de l’innommable, et ce avec son idée d'une «Palestine binationale» 
 Renouer avec Hannah Arendt 
Rappelons que l’auteur d’Auschwitz et Jérusalem (2) proposait l'établissement d'un État binational avec Jérusalem en capitale commune. (3) Un tel État Israël-Palestine ne serait-il pas à revendiquer par les justes des deux protagonistes ? Que serait donc une telle binationalité  sinon la preuve tangible de leur sincérité à vouloir la paix et à croire au vivre-ensemble, à une démocratie véritable ? 
Ne serait-ce pas la solution à ce jour introuvable pour une paix dont les va-t'en guerre des deux côtés ne veulent pas ? Ni, de même, les dirigeants des États arabes pour qui elle serait un mauvais exemple pour leurs peuples qu'ils privent de leurs droits citoyens, les gavant de populisme taillé sur mesure sur le drame palestinien.
Pourtant, il est bien temps que cesse cette « succession de guerres, de morts, d'assassinats de Juifs et de Palestiniens seulement coupables, le plus souvent, d'être juifs ou palestiniens » ainsi que le note Ravenel, et ce « depuis 1948, date de naissance de l'État d'Israël, État reconnu au peuple de la Shoah, une reconnaissance juste, légitime moralement et donc politiquement ». 
Comme toute solution pour la paix a jusqu'ici échoué, avec la faillite expérimentée notamment des deux États, il serait sensé et judicieux de revenir au bon sens de l'État démocratique unique binational. Ce serait d'autant plus impératif au moment même où le principe démocratique est lui-même menacé de disparaître en un Israël plus que jamais sur le point de basculer dans les formes de gouvernement de règle autour de lui.  
Cela permettra aussi de revenir à la légalité internationale en la fécondant par le génie juif et arabe, désormais constructeur et guère plus destructeur, attelé à réinventer le monde en un moment où tout y change. C'est que les structures archaïques y sont devenues obsolètes, ne devant plus tarder de laisser place à ce qu'inventera un tel génie duel enfin réconcilié. Celui de la matière grise sémitique gorgée des lumières d'Orient au moment où celles d'Occident clignotent et s'éteignent les unes après les autres.  
C'est bien évidemment en tablant sur les pans les plus éclairés et humanistes des sociétés, israélienne surtout, mais également arabes musulmanes, pour avoir la moindre chance de succès. Or, le malheur a voulu que la première victime de l’assaut du Hamas fut la part républicaine d’Israël, la laïque et humaniste Tel-Aviv, épicentre des contestations monstres contre les projets antidémocratiques du gouvernement. Ce qui a donné l’occasion d’en tirer profit à la part la plus intégristes des religieux au pouvoir, cet Israël traditionaliste concentré à Jérusalem, promoteur des projets de lois racistes et antidémocratiques en cours, fleurant bon le plus désuet des nationalismes, celui que disséqua et répudia justement la conscience vive juive que fut H. Arendt.
Partant de l'exemple des Balkans où la balkanisation incarna une perverse et criminelle tendance à une « partition ethnique » similaire à celle induite par la logique de guerre permanente dans elle est la cause et l'effet, Arendt a eu raison de mettre en garde contre une telle issue fatale. Aussi a-t-elle eu le courage de proposer et d'appeler à une fédération régionale avec Jérusalem en capitale commune du nouvel État binational. Cela nous a toujours semblé être la seule alternative crédible, adoubée par anticipation par une conscience juive crédible, de nature à faire sortir de l'impasse actuelle, oubliettes d'une paix de braves. 
Revenir à la légalité internationale
En nos temps de fausseté et de totale confusion des valeurs, c’est de paroles de bon sens et de courage de la vérité dont on a besoin ; or, c'est quand tout semble perdu que le salut renaît. Aussi, les drames actuels contribueront certainement chez une majorité d’Israéliens à oser enfin réclamer - comme l’ose Ofer Bronchtein, ancien conseiller de Yitzhak Rabin - « voir naître un État palestinien libre… voir la dignité palestinienne retrouvée… ne... plus voir des Palestiniens humiliés par des colons extrémistes… (avoir) une paix entre les Israéliens et les Palestiniens ».
Si, en criminologie, la question pertinente reste de savoir à qui profite le crime, en politique, elle serait de savoir à quoi servirait le crime, quel qu’il soit, d’agression ou de réaction à une agression immédiate ou médiate, du moment qu’il emporte rupture de la paix, finalité politique majeure. Car un crime - utilisé ici en son sens étymologique latin de criminis - n’est que l’accusation portée contre quelqu’un ou contre une situation qu’il a générée et qu’on dénonce, qu’on ne veut plus accepter ou, à tout le moins, dont on rappelle la nécessité de lui trouver une juste solution.
C’est le cas de la dernière entreprise belliqueuse palestinienne contre Israël, que d’aucuns qualifient d’agression terroriste et d’autres de défense contre une agression non moins terroriste, et même bien plus grave étant l’oeuvre d’un État fort, abusant de sa force. Objectivement, les deux attitudes sont légitimes, mais les deux ne manquent pas de verser dans l’excès qui est invariablement source d’excès encore plus graves, fous mêmes. Or, à qui doit-on demander d’être sage, ne pas céder à la folie de l’excès et à son engrenage sinon au plus fort ? En l’occurrence, c'est l’agressé actuellement, l’État d’Israël s'étant vite mué en agresseur au nom des légitimes représailles. Quid alors des représailles pour l'injuste occupation d'une terre juridiquement reconnue palestinienne ?
Que voit-on, cependant ? On vole au secours de l'agressé du jour, ce qui est normal et même légitime, mais sans oser lui rappeler la cause de ce qu’il subit,  puisqu'il refuse la légalité internationale : l’agression continue et illégale imposée à ceux osant l’agresser aujourd’hui. Et l'on ne se soucie que de faire une comptabilité macabre des innocentes victimes des deux bords, bien qu'elles soient les mêmes et ce dans n’importe quelle guerre. Bien pis ! On se laisse aller à la même haine dénoncée chez l’adversaire traité de terroriste alors qu’il ne faisait que défendre sa cause estimée juste. 
Au lieu de donner l’exemple de la sagesse, d’éviter de commettre les mêmes atrocités de ceux qu’on accuse de barbarie, on s’y lance bille en  tête, traitant l’adversaire d’animaux. Comme si l’animal ne méritait pas un comportement humain ; du moins de la part de qui n'a pas perdu encore toute son humanité !
C’est la triste réalité de ce qui se passe en Palestine depuis le 7 octobre et qui ne saurait se réduire à un acte de pur terrorisme sauf à verser dans le dogmatisme le plus obtus. Ce qui ne serait qu'un manichéisme machiavélique contraire à ce qu’impose la situation afin de ne pas perdre l’espoir d’échapper à l’engrenage de la terreur entretenue de part et d’autre, et agir lucidement pour aboutir un jour à une paix digne qui ne peut qu’être fatale.
Allemands et Français, Japonais et Américains ou encore juifs et chrétiens ne se sont-ils pas passés d’une haine supposée inexpugnable à une amitié sinon fraternelle du moins à toute épreuve ? Pourquoi n’en irait-il pas de même entre juifs israéliens et Arabes musulmans alors que leur histoire ne se réduit pas à l’animosité que les intégristes, de part et d’autre, ne cessent d'entretenir. Comme si, du temps de l’Holocauste et avant, le musulman n’avait pas l'occasion d'être le meilleur soutien du juif dans ses malheurs bien plus que le chrétien, indéfectible allié aujourd'hui !
N’est-il pas temps de cesser de jouer au plus fou alors qu'on est le plus fort, censé devoir donner le bon exemple ? À défaut, le rôle des partenaires d'un tel fort plus fou que le fou, telle la France gaullienne et aussi chiraquienne qui a eu  l’honneur de l’incarner un jour, n'est-il pas de proposer une médiation sans soutenir une partie, ainsi qu'elle le fait de manière inconditionnelle pour Israël ? 
Assurément, c'est le rôle des pays arabes aussi ayant eu le courage de normaliser leurs relations avec l’ennemi d’hier, la paix nécessitant la réunion de toutes les parties. Mais reconnaître Israël c’est aussi lui rappeler, à la communauté internationale aussi, qu'elle est une puissance occupante selon l’ONU. Or, leurs accords référant à la Bible n'ont rien prévu pour les Palestiniens, Israël ayant juste cherché à se refaire une virginité parmi les pays arabes, voulant que le statu quo soit un mode durable de règlement du conflit : ce volcan prêt à l'éruption.
Nonobstant, la voie de la paix juste et durable est bien tracée depuis longtemps ; il suffit de le rappeler, d’y agir. Les signataires des accords d'Abraham, mais aussi d’autres songeant à suivre leur exemple, se résoudraient-ils à le faire, ainsi qu'ils le prétendent ? Bien mieux, d’autres pays comme la Tunisie tentée de criminaliser la normalisation, oserait-elle faire volte-face et renouer avec  le legs de Bourguiba appelant à une reconnaissance d’Israël afin de mieux défendre le droit palestinien. Ce qui impose une démarche de reconnaissance assise sur la légalité internationale bonifiée, passant du schéma de deux États jumeaux monozygotes, égaux en droits et en souveraineté, à celui d'un État binational.
Du plus fou au plus éthique
On l’a dit, ce qui se passe est moins un conflit de civilisation que de dogmatisme politique et d'extrémisme religieux des deux côtés. Si à l'actualité tragique au Proche-Orient s'est ajoutée, en France, un nouveau drame commis au nom de l'islam, celui de second martyre d'enseignant, cela ne doit ni être généralisé à toute la communauté, malgré ses brebis galeuses demeurant minoritaires, ni faire oublier que le bel exemple n’y a pas été absent, comme celui réputé de Saladin lors de la conquête de Jérusalem - justement - en un temps où l'humanisme était bien moins à la mode que de nos jours. 
Cela invalide ce qui serait idiosyncrasie terroriste chez les Arabes alors que ce n’est que le produit de la misère actuelle, politique et morale. Peut-on attendre un même comportement, éthique surtout, d’un crève-la-faim et d'un repu ? Par contre, il est de la plus grande éthique d’exiger du plus fort de ne pas se comporter à la manière du plus faible réduit aux extrémités, les reproduire à son tour. (4) Car il dispose largement de ce «minimum de bien-être (nécessaire) pour pouvoir pratiquer la vertu» ainsi que le notait avec justesse Saint Thomas d’Aquin.
De même, on ne peut tenir responsables les peuples Arabes musulmans de l'absence de démocratie sur leurs terres quand cela leur est imposé par l'ordre international injuste qui leur impose des dictateurs ne se maintenant au pouvoir qu'en exploitant au mieux leurs misères, tournant à leur avantage propre la soif populaire inextinguible de dignité.
D'ailleurs, il est indubitable que la démocratie est une réalité fort fragile qui peut se révéler, lorsqu'elle est trouée d'illégalités flagrantes, n'être qu'une simple illusion. C'est le réel actuel de la démocratie en Israël quoique bénéficiant encore du label d'être l'exception en terre de dictatures. Elle est en passe de ne plus l'être avec les mesures récentes prises par le gouvernement Netanyahu, le plus à droite de son histoire, comprenant des éléments notoirement racistes, des radicaux du sionisme religieux héritiers idéologiques de l’organisation raciste du rabbin Meir Kahane. 
Ainsi, après avoir semé le chaos alentour, le gouvernement Netanyahu divise-t-il activement son pays avec sa réforme judiciaire fort contestée, changeant radicalement la nature du régime, rejetée même par les milieux les moins réactionnaires du pays ; ce qui est à l'honneur du peuple d'Israël. (5) N'en doutons pas, tôt ou tard, il sera rendu coupable d'avoir réalisé le plus colossal échec sur ce qui compte le plus en Israël : la sécurité nationale. Déjà, hors même les milieux progressistes de gauche, on n’y hésite plus à étiqueter son gouvernement du pire qu'Israël a jamais eu depuis la fondation de l'État en 1948.
Entre-temps, à la faveur de ce qui se passe, la colonisation et les drames de l’occupation auront probablement cessé d'être l’angle mort de la contestation juridique des milieux progressistes, d'autant que cette question n'est pas le moindre problème existentiel du commun des Israéliens. Signe qui ne trompe pas déjà : cette qualification de «terrorisme nationaliste» des attaques antipalestiniennes des colons par un communiqué conjoint de la police et du Shin Beth (renseignement intérieur) (6). 
C'est que ce pays, qui revendique l'honneur d'être la seule démocratie dans la région, semble s'appliquer à s'aligner sur ses voisins musulmans, donnant une importance centrale à la religion dans la vie politique. C'est le cas avec la loi adoptée au Knesset en juillet 2018 définissant le pays comme l’État-nation du peuple juif, un texte discriminant les citoyens non juifs et que la Cour suprême a entériné au risque de valider les soupçons d'apartheid pratiqué dans le pays. (7) 
La Cour fera-t-elle de même pour un texte aussi scandaleux sur lequel elle est appelée à se prononcer prochainement : une loi constitutionnelle mettant en cause les fondements du régime en limitant les pouvoirs de cette plus haute instance judiciaire du pays par le retrait de la possibilité qu'elle a encore de juger selon le principe de « raisonnabilité ». Cela viole, en effet, le texte fondateur de l'État proclamé le 14 mai 1948 par Ben Gourion et que le gouvernement Netanyahou ose juger obsolète. (8)  

NOTES 
(1) Cf. Bernard Ravenel, « La paix improbable. Propos impopulaires. » Confluences Méditerranée, 2001/2 (n° 37, pp. 165-177.) 
(2) Hannah Arendt, « Auschwitz et Jérusalem », Collection Agora Deux temps, 1991.
(3) Pour une définition d’un tel État, voir Bassma Kodmani-Darwish, « Israël, une réaction à la recherche d'elle-même », Confluences Méditerranée, n°26, été 1988, p.96. Voir aussi Michel Warschavski, « Israël-Palestine : le défi binational », Éditions textuel, 2001.
http://lecourrierdumaghrebetdelorient.info/focus/palestine-la-paix-des-braves-du-plus-fou-a-lethique/
(5) Ce que j'ai salué sur Contrepoints : « La fierté démocratique du peuple d'Israël »
https://www.contrepoints.org/2023/03/31/453498-la-fierte-democratique-du-peuple-disrael
(6) Rapporté par Charles Enderlin dans son article sur le Monde diplomatique d'octobre 2023 : « Fronde historique en Israël », p. 12.
(7) Lire « Israël devient une « ethnocratie », Le Monde diplomatique, septembre 2018.
(8) Cf. article précité de C. Enderlin.

Illustration
Toile de Neta Harari Navon, peintre israélienne : « I had an Animal in Me », 2011. 
 


* Cette tribune garde la date à laquelle elle devait être publiée, ayant été proposée, comme à l'habitude, à certains médias. 

Or, la parole de vérité exige encore et toujours le courage d'aller au-delà des inter-dits, en faire non pas ce qui est interdit, mais ce qui est inexprimé entre les dits de nos propos, surtout dans le métier de l'information devant être régi par ce que je nomme Infothique, l'info éthique. 

Et ce n'est rien d'autre que, tout simplement, le contexte et le sous-texte, ce qui existe bel et bien, mais qu'on préfère, pour une raison ou une autre, taire, occulter ou nier ; même en se pensant ou se présentant indépendant d'esprit, objectif de pensée.

Ce que je comprends sans l'approuver, étant adepte du courage de la vérité : la Parrêsia de la philosophie grecque (transcrite souvent par parrhêsia et parrhèsia), que l’on traduit habituellement par « franc-parler ». N'est-ce pas, en arabe : كلمة السواء ? 

Ce que je pratique dans le cadre d'un 
humanisme intégral pour une politique éthique, ma poléthique !