Bruxelles, mon amour... en ton nom, j'accuse!
Bruxelles, ma mie, Manneken-Pis offre toujours au regard son sexe en osant uriner sur la bêtise humaine! Ce « gamin [qui] pisse », ton divin enfant espiègle est bien la manifestation de ton âme, symbole de l'indépendance d'esprit bruxelloise, cette impertinence nécessaire au vivre-ensemble serein et pacifique.
Plus que jamais, en ces durs moments de terrible deuil qui te frappe, une telle impertinence est de rigueur, car elle signifie étymologiquement « ce qui concerne »; or, qu'est-ce qui te concerne le plus sinon la paix chez toi et dans le monde?
Le jihad mineur forclos est à mettre hors-la-loi!
Bruxelles, mon amour, en ton coeur même, des apparatchiks qui ne connaissent de la vie que les ors et dorures de leurs bureaux, devenus tours d'ivoire, taillent et retaillent le monde à leur conception antique de l'ordre des choses. Ils ne se rendent pas compte, ou ne le veulent pas au nom de leurs intérêts cultivés jalousement, que le monde ancien est fini et que le nouveau suppose et impose d'abord et avant tout un ordre international plus juste, solidaire réellement et qui soit même amoureux.
En ton nom donc, en ces moments tragiques, chère Bruxelles, ma mie, j'accuse..! D'abord ce fantoche prétendu État qui a réclamé la responsabilité des actes odieux ayant semé la désolation en ce terrible 22 mars.
Mais qu'est-ce Daech sans ses soutiens? Tout un chacun les connaît, mais non seulement on ignore ses responsabilités, on ose aussi frayer avec eux, les honorant même! J'accuse donc, en plus des auteurs officiels et même avant eux, car ils sont déjà voués unanimement et à juste titre à l'enfer, j'accuse leurs complices objectifs, tous ceux qui font que Daech soit devenu ce monstre semant la mort sans qu'on le retienne, un Frankenstein, non pas échappé à ses créateurs, mais agissant avec leur bénédiction occulte, leurs mains tirant les ficelles dans l'ombre.
J'accuse surtout tous ces pays musulmans qui savent pertinemment la source dont se nourrit une telle horreur absolue daéchienne sans rien faire pour la tarir, ce qui est parfaitement possible. Cette source est, bien évidemment, la conception obsolète du jihad mineur qu'ils n'osent pas déclarer solennellement forclos.
Peut-on espérer raisonnablement détourner de leurs abominables forfaits les jeunes égarés et/ou illuminés dont se sert Daech comme munitions humaines sans leur tenir le discours de la vérité, à savoir qu'ils servent le diable et non Allah, à jamais Clément et Miséricordieux, et qu'on ne sert au vrai que par le jihad majeur, l'effort sur soi supposant de ne pas faire du mal même pas à une mouche!
Les pays musulmans, y compris ceux qui se prétendent modérés, n'osent déférer à cet impératif catégorique bien qu'il sape, à long terme, les fondements mêmes de leur État synonyme d'exclusivité de l'usage de la force. Ils n'osent le faire étant obnubilés par différentes raisons plus ou moins farfelues les unes que les autres, mais où la cause palestinienne demeure essentielle, faut-il en convenir.
En l'occurrence, il s'agit du noeud gordien des drames de notre monde déshumanisé. Que voit-on? Un peuple réduit à l'état de réfugié, aux frontières de son pays livré à des colons soutenus et encouragés par un État qui bafoue le droit international et l'éthique. Car la légalité internationale suppose son existence au côté d'un état jumeau monozygote dont on a réduit l'assise à une peau de chagrin du fait d'une colonisation qu'on n'ose plus dénoncer.
Forts les uns et les autres de leurs propres turpitudes, on se laisse aller à la loi du plus fort ou du plus fou. Ainsi, Israël impose son état de fait transformé en un fait du prince et une voie de fait ininterrompue; et les Arabes instrumentent cette cause pour d'inavoués mesquins intérêts politiciens d'ordre national.
La paix maintenant en Palestine et en Méditerranée!
Que n'ose-t-on enfin revenir à la source éminente du terrorisme qui nous endeuille : reconnaître par les Arabes un Israël se résolvant à revenir au droit dont la méconnaissance le prive de toute justification légale à l'existence?
On enlèverait assurément ainsi à Daech ses kamikazes, une grande partie pour le moins, en lui ôtant surtout une justification importante à ses forfaits? Mais le veut-on? Stigmatiser l'islam, n'est-ce pas bien commode pour ceux qui parlent de conflits de cultures et de civilisations?
Et n'est-ce pas alors agir efficacement en vue d'un espace méditerranéen de paix où l'on pourrait circuler librement sous visa biométrique de circulation, qui est tout aussi sinon plus respectueux des réquisits sécuritaires?
Car, on ne le dira jamais assez, la sécurité première est celle qui vise l'esprit, ce qui sera le cas en reconnaissant aux jeunes des pays du Sud — qu'on ne stigmatisera plus — leur droit imprescriptible de vivre dignement en circulant librement, le libre mouvement étant une constante anthropologique. Or, la circulation en toute liberté garantit la paix quand sa négation cultive la guerre en entretenant ses raisons, ces raisins de toutes les colères, justifiées ou non.
Que l'Europe, dont les instances décisionnelles sont en notre Bruxelles martyrisée, engage le monde dans un tel sens de solidarité humaine impérative en osant créer un tel espace de démocratie méditerranéenne avec la Tunisie! Elle en a bien l'occasion à la faveur des importantes négociations en cours en arrêtant de voir les rapports entre l'Union et la Tunisie en simples termes commerciaux, rajoutant au libre échange qu'elle propose (ALECA) l'impérative liberté de circulation (ALECCA) selon l'outil absolument fiable ci-dessus rappelé.
Ainsi servira-t-elle aussi bien les humains, créateurs des richesses, que les marchandises, agissant avec pertinence pour la consolidation de la démocratie naissance en Tunisie, l'alpha et l'oméga de la paix en notre mer commune et de la bonne fortune européenne. Car la prospérité en Europe est liée à celle des pays du Maghreb dont le vieux continent continue de profiter sans la moindre contrepartie sérieuse, sauf pour les élites gouvernantes qu'il tient toujours à avoir à son service.
L'unité dans la diversité
Nous sommes en un âge où les foules sont en mesure d'imposer leur volonté; qu'on agisse, par conséquent, à ce que cette volonté serve la paix et non la guerre! Pour cela, le drame qui a frappé Bruxelles, mon amour, sera alors cet électrochoc salutaire amenant à une prise de conscience chez ses apparatchiks que la paix et la guerre, y compris contre le terrorisme, ne peuvent être uniquement sécuritaires; elles sont dans la solidarité humaine pour un monde d'humanité, une mondianité.
Que l'on ose enfin l'éthique en politique en impératif catégorique afin de contrer le terrorisme mental qui alimente le terrorisme physique; c'est l'arme fatale par excellence. Il est temps que l'Europe fasse sa propre révolution discursive, osant se débarrasser de sa stratégie arrogante et sa politique migratoire stériles, manifestées par ce monstre qu'est Frontex, glouton financièrement et inutile en termes de sécurité, devenu même une industrie à fabriquer les drames en Méditerranée. Qu'on fasse de la poléthique!
Bruxelles, mon amour, que ton drame aide à une salutaire prise de conscience du monde nouveau en gestation dont la Tunisie offre une illustration grandeur nature; l'Europe, dont tu es le coeur battant, est en mesure aujourd'hui de l'aider à incarner l'exception qu'elle se veut être.
Elle n'a même pas le choix en un univers radicalement transformé, dont on dessinera les contours dans notre prochain billet à l'occasion du soixantième anniversaire de l'indépendance tunisienne en la sixième année de son Coup du peuple, première étape de la bascule dans le monde d'après.
Bruxelles concrétisera alors en Tunisie son génie d'un monde solidaire, y incarnant réellement sa devise : In varietate concordia, l'unité dans la diversité.
Publié sur Al Huffington Post