Majesté,
Je vous avais déjà écrit en mon nom propre, en tant que Tunisien qui a le Maroc au coeur. Cette passion pour votre pays, une grandiose Tunisie, m'a amené à m'intéresser au drame de l'un de vos ressortissants, le jeune Ihsane Jarfi dont le martyre a ému en Belgique et ailleurs, ainsi que tous les Marocains, y compris ceux qui étaient homophobes.
Messager du plan céleste
Car Ihsane Jarfi a été atrocement supplicié pour ce qu'il était : excellent musulman, bon citoyen et jeune plein de qualités humaines, le modèle du Marocain que tout papa s'honore d'avoir comme fils.
C'est le cas de son propre père qui défend sa mémoire en Belgique, lieu de résidence de la famille Jarfi comme nombre de vos sujets.
Il se trouve que la Providence a bien voulu mettre le père du regretté Ihsane sur ma route. Puis, l'esprit d'Ihsane est venu à moi. Depuis, il ne me quitte pas en sa qualité de petit frère qu'il est pour moi.
Je suis, en effet, spirite soufi, et vous n'êtes pas sans savoir que l'esprit en islam est honoré au point que notre religion ne doute pas du contact régulier entre les âmes, vivantes comme mortes.
Ihsane qui a obtenu justice auprès des autorités judiciaires belges attend la même chose de vos autorités. Il réclame la même justice de son pays.
Car du fait de son homosensualité, il a été privé de son droit de rentrer en son pays ; et il souhaite aujourd'hui que son esprit puisse le faire en toute liberté et dignité. Pour cela, la loi homophobe du Maroc, le fameux article 489 du Code pénal doit être aboli, étant contraire à la lettre et à l’esprit de l’islam. Pour l'honneur et la justice à rendre à Ihsane.
À la veille du troisième anniversaire de son effroyable meurtre, Ihsane Jarfi vous adresse donc le message suivant. Je ne suis en la matière qu'un simple messager dont le devoir est de livrer fidèlement ce dont il a été chargé.
Dont acte !
Voici ce qu’Ihsane m'a dit à dix jours de son effroyable meurtre :
Message d’outre-tombe d’Ihsane
Majesté, mon roi,
Je suis croyant et j’ai toujours honoré ma religion.
Je vous ai toujours admiré et j'ai été heureux de votre arrivée au trône. J'y voyais une heureuse période pour notre pays devant en faire une démocratie modèle, fidèle à ses valeurs ancestrales d'humanité et de tolérance et ouverte au monde.
Je rentrais souvent au Maroc plein de joie et de fierté, car j'aime plus que tout le pays de mon père, tout autant que j’aime la Belgique, pays de ma mère.
Mais je me sens avant tout Marocain et j’étais fier de l'être, terre natale de mon père et de mon grand-père que j'adorais.
Or mon second pays, ma chère Belgique, m'a aidé à découvrir ce que je suis et m'a aidé à ne pas être en guerre avec ma propre personne. Je m’y suis découvert ce que j'étais et c'est grâce à la patrie de ma chère mère que j'ai fini par accepter mon identité, cette nature placée en moi par Dieu que j'honore en bon musulman.
Cette nature, je l'ai longtemps refusée. J'ai tout fait pour la gommer, acceptant même de brimer mes penchants naturels en me forçant d'être conforme à ce qu'on attendait de moi : être viril.
Or, malgré toute ma sincère volonté dont tous ceux qui me connaissaient peuvent en témoigner, je ne l'ai pas pu. Et c'est la mort dans l'âme que j'ai accepté ce que Dieu a voulu que je sois, heurtant le regard de mes compatriotes, faisant de la peine à mon père au point de l’amener à regretter s'être installé en Belgique.
Heureusement, il y avait ma chère maman et aussi ma foi inébranlable en notre Dieu Clément et miséricordieux. J'honore Dieu et je me plie à Sa volonté. C'est lui qui a voulu ce que j'étais et je ne pouvais contrarier cette nature mise en moi. C'était honorer Dieu que de vivre ainsi qu'il m'a fait : homosexuel.
D'ailleurs, jusqu'à ma dernière seconde de vie sur votre terre injuste, je n'ai pas arrêté d'invoquer le Seigneur. C’est ce qui a ajouté à l'agressivité de mes bourreaux qui ne pouvaient accepter qu’un homosexuel fût musulman. Leur homophobie était aussi une islamophobie.
La part féminine en moi a été un drame pour mon père, connaissant bien les moeurs marocaines ; elle l’a amené à m'interdire d'aller en mon pays pour me préserver. Ainsi, j'ai été privé de me rendre au Maroc à cause de sa législation homophobe.
Aujourd'hui, délié de l'obligation trop humaine d'hypocrisie sociale, je réclame justice. Je revendique le droit de pouvoir entrer en toute dignité en mon pays, faire ce que je n'ai pu faire de ma vie.
Je réclame justice à Sa Majesté
Gardant toute ma confiance en vos qualités humaines et votre largeur d'esprit, connaissant votre attachement à honorer l'islam et rendre justice à vos sujets, je vous demande solennellement d'abolir l'article 489 du Code pénal qui viole mes droits de citoyen marocain et de musulman pieux honorant sa religion tolérante et humaniste.
La preuve a été faite que l'homophobie n'est pas islamique; le grand faqih Ibn Hazm le rappelle. On compte d'ailleurs nombre de jurisconsultes dignes du plus grand respect qui étaient homosexuels. Et ici, au paradis, les bienheureux ont droit à vivre selon leur nature avec les éphèbes du paradis, houris masculines.
Je suis Marocain et ma fierté restera blessée tant que je n'aurais pas obtenu mon droit d'y rentrer comme tout autre Marocain hétérosexuel sans avoir à supporter de regard réprobateur ni la haine ou l'injustice légale actuelle.
J'ai manifesté à mon père ma réclamation d'une telle justice à la manière habituelle de la tradition arabe, mon âme prenant la forme de la chouette des cimetières. Mon père, cloîtré dans son couloir du deuil, ne s'en est pas rendu compte, mais il en a parlé dans le livre qu’il m’a dédié.
Cela a permis à mon message d'avoir l'écho que je lui voulais auprès d'autres humains qui font partie de ces justes dont la vie humaine ne saurait manquer. C'est à travers l'un d'eux que je vous fais parvenir cette requête tendant à me rendre enfin justice au Maroc.
Majesté, saisissez donc le triste anniversaire de mon drame pour abolir une loi qui augmente ma douleur. Elle a déjà ému mes compatriotes — ce dont je les remercie vivement du plan des vérités où je suis désormais !
Injustice anti-islamique nommée homophobie
Majesté, décidez que justice me soit rendue en ce 22 avril, nuit terrible qui m'a valu la mort terrestre.
Sinon, Majesté, décidez l'abolition de la loi homophobe au Maroc pour le 1er mai, jour où l'on a trouvé mon corps supplicié.
Majesté, je suis loin de la vanité humaine, et je réclame que l’injustice qui m’a frappé et frappe mes semblables soit levée en notre beau Maroc, cette injustice qui fait relever de l'islam ce qui viole et son esprit et sa lettre.
Rendez-moi, justice, mon bon roi ! Permettez à tout homosexuel de vivre dignement au Maroc, pays se voulant honorer l'islam authentique dont vous êtes le Commandeur.
Mon bon roi, je vous ai toujours aimé et je vous aimerai encore plus demain, quand votre royaume sera le premier pays musulman à conformer sa législation en matière de moeurs à l'islam en abolissant une homophobie anti-islamique.
Ma confiance est totale en mon bon roi et j'espère revenir en un Maroc réconcilié avec son âme de toujours, celle de l'humanisme et de la spiritualité.
Avec la bénédiction pour Votre Majesté de tous les bienheureux du Paradis.
Que le Maroc en soit une parfaite illustration terrestre !
Aujourd’hui, cela est possible par l’abolition de cette injustice anti-islamique nommée homophobie.
Ainsi justice me sera rendue !
Message d’Ihsane Jarfi transmis par psychographie