Mon manifeste d'amour au peuple 2/3
 




Mon manifeste d'amour au peuple 3/3


I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








Accès direct à l'ensemble des articles منفذ مباشر إلى مجموع المقالات
(Voir ci-bas انظر بالأسفل)
Site optimisé pour Chrome

samedi 19 mars 2016

Apostolat postmoderne 8

Tunisie, 20 mars 2016 : Un nouvel Orient occidental



À la veille de la célébration du soixantième anniversaire de l'indépendance tunisienne, venant en cette sixième année endeuillée du Coup du peuple de Tunisie, la révolution postmoderne voulue un modèle du genre, osons aller à contre-courant du pessimisme généralisé en un optimisme qui se veut une sorte de pessimisme raisonné, du volontarisme.

Disons donc que le meilleur comme le pire sont possibles actuellement en notre pays et qu'il importe de vouloir le meilleur pour l'avoir à coup sûr. Car nul n'obtient rien s'il ne le désire et y sacrifie pour le moins par juste un acte de volonté !

Osons le rêve fou !

Dans « La personnalité et le devenir arabo-islamique » Hichem Djaït notait : « Sans doute, le climat d'oppression policière qui règne dans nos contrées, de l'Extrême-Orient à l'extrême occident arabe, explique-t-il largement ce musellement de l'expression. Mais l'étouffement de la liberté n'a jamais réussi à endiguer tout à fait les poussées de l'intelligence. » André Gide dans « Si le grain ne meurt » ne notait-il pas, par ailleurs, que : « Tout Arabe, et si pauvre soit-il, contient un Aladin près d'éclore et qu'il suffit que le sort touche : le voici roi. » ?

En hymne à l'action, à la parole, à la création, ayons donc en mémoire les belles rimes de Rachid Boujedra, tellement véridiques dans cette quête arabe tendant à retrouver la parole, ce qui est encore son drame aujourd'hui, la parole faisant l'essence de l'Arabe :  

         « À quoi servent mes poèmes
           Si ma mère ne sait me lire?
           Ma mère a vingt ans
           Elle ne veut plus souffrir
           Ce soir elle viendra
           Épeler mes lettres
           Et demain elle saura
           Écrire
           Émancipation

           À quoi servent mes poèmes
           Si mon père ne sait me lire ?
           Mon père a cent ans
           Il n'a pas vu la mer
           Ce soir il viendra
           Épeler mes lettres
           Et demain il saura
           Lire
           Dignité.

           À quoi servent mes poèmes
           Si mon copain ne sait me lire ?
           Mon copain n'a pas d'âge
           Il a vécu dans les prisons
           Ce soir il viendra
           Épeler mes lettres
           Et demain il saura
           Crier
           Liberté. »

Aussi, quitte à être hors champ, investissons celui des rêves fous et des illusions ambitieuses ; on ne perdrait rien sauf de gagner à vivre selon ses idées. Assurément aussi à contribuer à faire avancer celles, si banales et si archaïques, du commun des mortels, sous le soleil de nos certitudes, cet affreux soleil arabe, pour reprendre l'expression de Victor Hugo, éleveur de monstres, exagérateur de fléaux.

Pensons donc, à l'occasion de l'anniversaire de l'émancipation de la Tunisie, à Aragon en son élégie à Pablo Neruda :

« Nous sommes les gens de la nuit qui portons le soleil en       nous
  Il nous brûle au profond de l'être
  Nous avons marché dans le noir à ne plus sentir nos genoux
  Sans atteindre le monde à naître. »

Et pourquoi, en cette occasion de festivités, qu'on veut toujours comme un nouveau départ, ne pas s'illusionner de voir parmi nous quelqu'un surgir pour incarner un  nouveau Antara Ibn Chaddad, « le David moderne du désert » de Lamartine?

Revivons donc l'épopée du chevalier pour la réincarner en rappelant celle déjà recrée par Gabriel Dupont, mise en musique à l'opéra de Paris avec de flamboyants accents hugoliens :

« Ma douce étoile, et toi, mère, soyez sans crainte,
  Votre amour me rend fort
  Mon bouclier est fait de votre image sainte,
  Et je vaincrai la mort.
  J'étais l'humble ruisseau qui coulait goutte à goutte,
  On en fait un torrent en lui barrant la route,
  Je sens gronder sa force en moi !
  Adieu! Tu vins jusqu'au berger, sans honte :
  Il faut qu'à présent, ce soit moi qui monte
  Jusqu'aux étoiles, jusqu'à toi.
  Partir c'est te gagner
  Et garder ma foi pure!
  Rester... de toi, c'est m'éloigner
  Car je serais parjure. »

Un Far East de légende

Il est très loin ce temps où Chokri Ghanem pouvait présenter au public parisien encore entiché d'orientalisme son « Antar », ce « conte héroïque en quatre actes et cinq tableaux ».  Pourtant, la magie de l'Orient est toujours intacte, attendant seulement qu'un enchanteur y vienne puiser ses tours, son grand art.

L'histoire arabe antéislamique, à travers notamment ses riches heures, foisonne d'événements et d'anecdotes, d'histoires fabuleuses et de récits époustouflants, une véritable trame pour de vrais contes enchanteurs auprès desquels les légendes à succès de ces derniers temps feraient piètre figure.

En cet Orient à la fois proche et lointain, il y a un véritable souffle épique, une sorte de remake de ce que nous légua l'Ouest mythique américain, avec de fabuleux paysages, des drames terribles, des exploits et des faits d'armes de haut vol. À qui saurait s'y pencher, il en ferait une véritable épopée à la fois datée et hors temps, une nouvelle saga de grands espaces dans une  nature splendide, de la lutte éternelle des bons et des méchants, des nobles sentiments et des plus viles bassesses humaines.

Dans un environnement physique et psychique aussi sublime que cruel, où les protagonistes ne sont plus les Indiens et les cow-boys laissant la place à des tribus et des hordes éprises de liberté, des sédentaires aux aguets et des nomades vivant de rapine, ce serait une sorte d'Eastern moderne, un nouveau Far East de légende, pour oser encore les néologismes. Ce serait la Nouvelle Tunisie que se dessine dans le chaos, annonciateur de tout nouveau monde.                  

Et notre pays y sera comme Lucie Delarue-Madrus, qui aime bien incarner « La figure de Proue » des siens, envers et contre tous :  
         
         « J'ai voulu le destin des figures de proue
           Qui tôt quittent le port et qui reviennent tard.
           Je suis jalouse du retour et du départ
           Et des coraux mouillés dont leur gorge se noue.
           Je serai celle-là, de son vaisseau suivie,
           Qui lève haut un front des houles baptisé
           Et dont le coeur, jusqu'à la mort inapaisé,
           Traverse bravement le voyage de la vie. »

Il est certain que l'oeuvre de Bourguiba en ce domaine a été déterminante; son héritage encore officiellement entretenu contribue à n'en pas douter à apporter ces touches discrètes certes, mais tellement déterminantes, à faire advenir la modernité dans les mentalités et barrer la route à toute régression malgré les accès de fièvre sexistes et phallocrates auxquelles n'échappent pas de nos jours tous les pays islamiques en proie à une véritable crise identitaire. 

Ne serait-il pas réincarné, à la manière bouddhique, le futur chevalier du Far East tunisien pour une Movida en Tunisie où le temps sera enfin aux romances gitanes (Romancero Gitano), comme en parlait Federico Garcia Lorca en une Espagne encore sous la botte de la dictature?


Publié sur Al Huffington Post