Ennahdha s'exclut de lui-même du gouvernement
Avec les péripéties de la formation du gouvernement Essid, nous venons d'assister à un numéro de virtuosité politique de la part du nouveau pouvoir en place. Elle porte indubitablement l'empreinte du président de la République qui marque ainsi un point face à l'autre gourou de la politique qu'est M. Ghannouchi dans la compétition feutrée qui les oppose depuis le fameux été parisien.
En effet, là où l'on a crié à l'amateurisme en politique, il fallait voir un art consommé de la simulation et de la dissimulation.
On avait affaire à une sorte de quadrature du cercle politique entre l'exigence d'Ennahdha d'être au gouvernement et l'opposition farouche de la base du parti du président outre l’envie intime de M. Essebsi. Mais il y avait un engagement moral de sa part envers son adversaire partenaire, M. Ghannouchi, depuis qu’il s'est mouillé en quelque sorte pour lui lors de la présidentielle.
Aussi, le président a su manœuvrer de main de maître, quitte à faire paraître M. Essid en novice en politique, afin d’amener Ennahdha à se retrouver face à un choix cornélien : où il accepte de soutenir le gouvernement proposé ou il s'exclut de lui-même du gouvernement.
En présentant une équipe quelconque, surprenant plus d’un, M. Essid a joué à la perfection la partition de haute volée de M. Caïd Essebsi, réussissant à mettre la balle dans le camp islamiste sommé en quelque sorte de se plier aux conditions de la présidence. Ennahdha se devait d’accepter ce gouvernement où il était quand même indirectement représenté et l'assurer de son soutien ou il s’en excluait de lui-même.
Trop malin, M. Essebsi savait que le parti de M. Ghannouchi n'accepterait pas de se plier à ses conditions; aussi on peut, sans trop risquer de se tromper, dire que l'équipe présentée par M. Essid n'était pas appelée à gouverner, mais avait pour mission de juste tester la partie adverse, la pousser à la faute. Car sans comprendre physiquement Ennahdha, celle-ci en faisait partie, mais a minima.
C'est ce qu'a bien compris M. Mourou qui a relativisé le refus des siens en assurant que son groupe parlementaire pouvait être amené à voter la confiance s’il venait à être convaincu par le programme du gouvernement une fois présenté. Mais c'était trop tard, le piège s'étant déjà fermé sur Ennadhda par la position officielle de son conseil de la Choura.
Et M. Ghannouchi ne pouvait s’extirper du piège, malgré son talent manœuvrier, car les choses se sont allées alors trop vite, comme prévu, dirions-nous presque.
C'est donc un sacré boulet dont se débarrasse le président de la République dont il y a tout lieu de penser qu'il a été le véritable architecte du faux premier cabinet de M. Essid. L’équipe présentée il y a quelques jours n’aurait été ainsi qu’une sorte de ballon d'essai qui a fini par remplir sa fonction d’amener Ennahdha à s'exclure de lui-même, dédouanant de la sorte M. Essebsi.
Le gouvernement de M. Essid, le vrai cette fois-ci ne comprendra donc pas Ennahdha; et c'est elle qui l'aura cherché. Bravo l'artiste !
Publié sur Al Huffington Post
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http://www.huffpostmaghreb.com/farhat-othman/ennahdha-sexclut-de-luime_b_6556638.html
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