Mon manifeste d'amour au peuple 2/3
 




Mon manifeste d'amour au peuple 3/3


I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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jeudi 4 avril 2013

Au-delà de l'utopie 9


Mon manifeste d'amour au peuple 
(2/3)
Comment je vois le politique ?


Une invitation au voyage au coeur de la Tunisianité :

J'ai expliqué, dans la première partie de ce manifeste, les raisons de mon choix d'engagement politique et les réserves à ce choix. C'était à la fois une ambition et un défi. D'un côté, l'ambition d'une politique où le religieux et le politique sont intimement liés, comme c'est l'essence même de notre religion. De l'autre, le défi d'incarner une pareille ambition au sein d'un parti qui, combien même il a été fondé sur pareille ambition à l'origine, s'est laissé engluer dans les méandres de la politique politicienne tout en se faisant noyauter par le parti islamiste qui a bien su préparer son arrivée au pouvoir.
Les faits sont venus me donner raison; mais je garde intacte mon ambition sur laquelle je m'étendrai plus en détail dans le troisième opus de ce manifeste. Pareillement, je ne renie rien de mon défi initial, le confirmant ici avec ma vision du fait politique dont sont bien loin, hélas, ceux qui en ont la charge actuellement. Mais, n'est-ce pas le propre du défi de viser une possibilité patente au-delà de l'utopie, bien réelle outre ce qui nous semble la réalité ?
Je vois le politique authentique doté d'une véritable empathie, presque télépathique, étant donné qu'avec une pareille empathie, un être collectif est en mesure de naître, cristallisant en ce politique l'essence psychique du peuple, son génie propre, ainsi que l'atteste sa geste remontant à la nuit des temps.
L'histoire immémoriale de la Tunisie est celle d'un peuple paisible et tolérant, dilettante même, et surtout jouissif et hédoniste dans l'âme. Dans le même temps, poussé dans ses derniers ressorts, privé de son espace vital qu'est un minimum vital de liberté, il sait céder à ses démons, transformant sa capacité inouïe d'adaptation à toute situation, en une identification parfaite au mal pour finir par être colère, belliqueux et même vindicatif. C'est cela le côté obscur du génie en lui qui s'exprime, ce double démon aux racines arabes et berbères.
La première face de ce démon est une force spirituelle qui rêve d'espaces libres et d'une autonomie débridée du geste et de la parole dans une originalité ontologique; y sacrifiant tout, y compris jusqu'à se soumettre à qui sait vivre ce rêve pour lui, incarnant en sa personne, et par substitution, le rêve communautaire. C'est ce qui a donné la figure charismatique du chef arabe.
La seconde facette de cet être mythique est qu'il est réfractaire à la moindre soumission, toujours en révolte, y compris contre lui-même et contre les autres, en une sorte de Samson capable de détruire et périr dans le même temps si ses valeurs sont bafouées, et qui sont une vision sans limite aucune à sa liberté. Celle-ci inclut ainsi l'anarchie si elle pouvait signifier l'absence d'autorité, quitte à finir sans foi ni loi; la seule foi qui compte en Tunisie étant la liberté. Le Berbère n'est-il pas par définition, l'Amazigh, l'homme libre? Et l'Arabe, qu'est-ce qui le définit sinon sa liberté en son désert aux étendues infinies?
Un politique, un vrai, au Maghreb doit savoir tenir compte de ces spécificités, en faire la synthèse dans sa propre personne, en y épiphanisant la dimension en pointillé en son peuple, qui est la parousie d'une sagesse qui serait cet équilibre psychologique instable, car en déséquilibre, et ce en permanence. Mais il s'agit de ce déséquilibre fait d'équilibres multiples, arrivant à force de sérénité à faire du désordre apparent des ordres multiples, et de l'anarchie ambiante, notamment dans les coeurs et les esprits, un ordre protéiforme où tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté.
C'est bien sûr une invitation au rêve, une Invitation au voyage à la Baudelaire, que le politique doit savoir proposer continûment à son peuple, vers cet endroit auquel il rêve secrètement et dont les yeux de ses enfants brillent continûment sans pouvoir en parler, mais tout en le faisant sentir à tous les instants de leur vie.
Écoutons Baudelaire, il ne fait que parler à la Tunisenne et au Tunisien en vrai politique maghrébin, ce politique postmoderne qu'attend aujourd'hui la Tunisie pour fonder un nouveau pays, une Nouvelle République :

« Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté. »

Après avoir rappelé que ce poème que nous prenons à dessein pour illustrer notre propos est inséré dans le recueil du poète intitulé Les Fleurs du mal qui a été condamné par la justice de l'époque pour immoralité,1 nous tenons à noter que sa force symbolique qui nous intéresse particulièrement ici est qu'il fait vibrer toutes les harmonies internes humaines.2
Il nous servira donc à tracer, à grands traits, notre vision du politique tel que nous en rêvons pour notre Tunisie Nouvelle République, ce que je qualifie de politique postmoderne ou i-slamique.
Il s'agit d'un apôtre de la politique compréhensive ou encore magnétique dont nous nous parlerons plus longuement dans la troisième partie de ce laïus. Disons de suite qu'il est bien loin de cet esprit de la Modernité défunte au cours de laquelle le rationalisme le plus rigide servit de clef d'interprétation universelle aux maux de la terre. Il est, en quelque sorte, adepte de la psychologie des profondeurs de l'âme, ayant retenu de Jung cette nécessaire attention que l'on doit porter à l'importance du mystère et au sacré qui sont au cœur même de tout vivre-ensemble.
Le politique, tel que je le vois, fait de sa vie une pure pensée incarnée, en congruence avec l'époque postmoderne que nous vivons, faite de cette alchimie entre la technologie et l'archaïsme, une synergie des meilleures valeurs humaines quand on a pour priorité la culture des sentiments. Il est, à la fois, défricheur et éclaireur, son action se donnant pour ambition d'illuminer sous un jour nouveau nombre de phénomènes contemporains traversés par les mythes, enracinés dans des antiquités persistantes et redonnant force et vigueur à ce qu'il faut bien nommer le réenchantement du monde.
Celui-ci passe inévitablement par la reconnaissance du droit au sacré, la réhabilitation des valeurs des Sud, sans rien renier de celles du Nord les plus universalistes.
En voici donc une somme mythodologique comme dirait Gilbert Durand,3 maître incontesté de l'imaginaire, ayant reconnu en l'homo orientalis l'excellence de l'homo religiosis, la renaissance de cet Orient des Lumières que je résume en islam spirituel ou postmoderne, l'i-slam4 qui sera l'oeuvre de l'homo politicus tunisien tel que j'en parle ici.
Rappelons que par mythodologie, on entend la méthode et la fonction de nos mythes, dimension essentielle et constitutive de l'humanité, car toute raison, quelle qu'elle soit, ne s'élabore jamais qu'à partir du mythe et de son terreau fertile.
Si le voyage auquel le poète invite sa bien-aimée n’est qu’une promesse de voyage s’épanouissant dans le rêve, l'invitation du politique au voyage de son bien-aimé, le peuple de Tunisie, est une obligation de voyage s'épiphanisant en réalité dans sa manifestation d'utopie. Dans les deux cas, l'amour dont il s'agit est intense et est fusionnel, plus mystique que sensuel.
Il s'agit d'une invitation à l'obligation de se rendre dans un lieu privilégié, un lieu idéal qui soit l'antidote efficace contre le spleen du quotidien du peuple. Si Baudelaire a pour vision un pays précis,5 notre politique à nous est bercé par les paroles de l'artiste arabe, d'origine druze, Farid Latrach, et son tapis magique, et par les mythes des Mille et une Nuits. Mais, son tapis ne survole pas que des pays arabes, il va partout, car il milite pour une liberté de circulation pour son peuple comme acquis majeur de sa Révolution dont la senteur a acquis le droit de se diffuser partout dans le monde sans la moindre entrave.
Pour Badelaire, le pays de ses rêves est en quelque sorte l'Orient de l'Occident; pour notre politique i-slamqiue, il s'agit d'ouvrir cet Occident de l'Orient qu'est la Tunisie à l'Occident tout court en réconciliant l'Occident avec ses origines orientales. Dans les deux cas, on a affaire à un nouvel « embarquement pour Cythère », contrant de front la sacro-sainte règle politique actuelle consistant à emparquer les humains tout en agissant pour libérer la circulation des marchandises.
Il s'agit donc d'un embarquement pour l'île-monde, où l'on peut circuler librement avec qui l'on aime — quel qu'il soit, homme ou femme, semblable ou dissemblable — en toute liberté, non pas pour fuir les dures réalités ordinaires, mais pour les gérer au mieux, en adoucir les contraintes, éviter qu'elles ne dévient vers l'irréparable fait de haine et de cruel rejet de l'autre, ce prochain qui n'est qu'une autre facette de soi-même.
Comme le beau poème de Baudelaire, notre politique sait être lyrique et séduisant, ne trompant nullement, toutefois, par la douceur mélodieuse de son propos qui est tout sincérité de par l’intensité de ses émotions et la richesse des images et résonances symboliques de sa déclaration amoureuse, un amour infini, un amour de tout instant où ne compte que le peuple. Dans sa bouche, on a alors l'écho intemporel de Farhat Hached : Ô peuple, que je t'aime !
C'est que notre politique postmoderne pratique une langue déboisée, invitant à passer de cette fin de l'ordre ancien à une faim d'un ordre nouveau, moins matériel et plus spirituel, où l'on est plus gourmet que gourmand des valeurs que l'on sert et où l'on communie non pas dans une fausse croyance musulmane, mais dans la foi islamique véritable. C'est que la première relève facilement de la mystification alors que la seconde ne peut que se révéler scientifique.
Tout cela vient du fait qu'il est un homme libre et libéré, non seulement des phantasmes et névroses qui causent la perte de l'âme orientale actuellement, mais aussi et surtout du poids des interdits institutionnels et des impératifs d'une carrière, qui ruinent la destinée du vrai politique, le faisant se servir du peuple au lieu de le servir.
Le mot d'ordre du politique que nous appelons de nos voeux est donc de déboiser notre langue pour être un juste, juste de voix et de voie, et de purifier notre pratique politique, au sens de ligne de conduite et de pensée en notre cité.
Ce politique, dont c'est l'ère en cet âge postmoderne des foules, dit à la classe politique tunisienne : Arrêtons de voir la religion comme la Modernité défunte l'a fait, contribuant à désenchanter le monde ! Réenchantons-le en revenant à une religion apaisée qui est, dans le même temps, une foi spirituelle et un code de vie civile, respectueuse de tous, car ramenée à son esprit sublime, éternel, et non à sa lettre, par définition évolutive, soumise à la condition humaine, par essence imparfaite.
Il invitera, qu'on le veuille ou non — car c'est la seule voie praticable en notre pays, la Tunisie éternelle — à une approche renouvelée de l'islam, cette révolution permanente et qui est bien moins cultuelle, sinon dans la pratique personnelle, et plutôt culturelle, incarnant sa vraie nature rationaliste et universaliste de sceau spirituel des croyances, l'i-slam postmoderne.

Une invitation amoureuse, esthétique et poétique :

Grâce à la magie enchanteresse des vers, le poème de Baudelaire est à la fois une invitation amoureuse, une contemplation esthétique et une méditation poétique et qui unifie les tentatives de recherche du bonheur. Dans la « sorcellerie évocatoire » des vers, on en arrive même à vivre la promesse future au présent.
Baudelaire le spécifie d'ailleurs clairement dans Curiosités esthétiques, l’Art romantique : « Manier savamment une langue, c’est pratiquer une espèce de sorcellerie évocatoire. C’est alors que la couleur parle, comme une voix profonde et vibrante, que les monuments se dressent et font saillie sur l’espace profond ; que les animaux et les plantes, représentants du laid et du mal, articulent leur grimace non équivoque, que le parfum provoque la pensée et le souvenir correspondants ; que la passion murmure ou rugit son langage éternellement semblable. »
Pareillement, l'invitation du politique à son peuple est une invitation amoureuse, pour cet amour dont les masses de ce peuple débordent mais qu'elles ne savent plus ni vivre ni faire, car ne l'attendant plus, risquant le pire à s'y adonner. C'est de l'amour comme thérapie qu'il s'agit et que je qualifie de bécothérapie dans mon essai sur l'Alzheimer,6 le proposant même pour seul remède magique afin de gérer le vieillissement cérébral problématique auquel se réduit l'Alzheimer. Or, notre pays, comme nombre d'autres, souffre d'un Alzheimer politique, et il a donc besoin plus que jamais d'amour, de tendresse et de bécothérapie tout bonnement !7
Mais l'amour de notre politicien est aussi une invocation, car il se ressource dans l'amour divin; c'est donc une prière permanente qui ne manifeste que de l'adoration vraie, une tendresse infinie pour l'être aimé. Et cet amour, qu'il soit divin ou humain, est mêlé de respect, de douceur et de complicité dans une égalité (y compris avec l'Unique, et c'est l'amour soufi) et qui n'est que la véritable adoration.
C'est bien d'amour mystique donc que palpite le coeur du politique pour son peuple; il a une coloration aux inspirations du meilleur des sentiments humains, cette science du coeur, une connotation d'amour spirituel. En un mot, il est magnétique.8
Comme Baudelaire invitant son aimée au songe à la magie onirique, le politique nouveau en Tunisie, s'il doit user d'impératif pour s'adresser au peuple, il le fait à la manière de Racine pour une réminiscence a la magie incantatoire comme celle d'Andromaque invoquant la force de ses sentiments par l'anaphore « songe » dans la scène 8, acte 3 de la pièce éponyme de Racine :

« Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle
Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle. »

C'est que tout événement grandiose est épique, modifiant et façonnant l’histoire d’une nation, comme le fut le Coup du peuple qui est, chez Racine, la prise de Troie par les Grecs; et son rappel, par le procédé de l’hypotypose est fort utile. En l'occurrence, le politique y aura recours, autant en rappel à des valeurs, que par mise ne garde de leur oubli; c'est moins une plainte assourdie qu'une incantation mélodieuse, les substantifs abstraits élargissant le spectacle : nuit cruelle, rime avec nuit éternelle, qui réveille le souvenir dans la mémoire, la chute de Troie, dans un cas, la chute d'une dictature dans l'autre. Mais cette nuit si elle est cruelle et éternelle, c'est de cette cruauté qui se résout en une souffrance morale, la souffrance de l'attente que les acquis de la Révolution soient enfin réalisés concrètement, ne relevant plus de l'incantation.
Cet appel au songe est un antidote à l'insomnie dont souffre le peuple pour l'empêcher de rêver.9 Or, le politique vrai doit pouvoir lui permettre de le faire en l'encourageant à rêver; mais de ce rêve qui est à la base de toutes les créations grandioses. Aussi, si la destination du songe chez le poète est du domaine du songe, ce « là-bas » tranchant avec un ici aux durs contours, la contrée que le politique destine à son peuple, ce pays qui lui ressemble, est aux dimensions du monde, car la Tunisie, ouverte sur l'univers, doit pouvoir y faire circuler librement ses ressortissants comme elle reçoit librement le monde sur sa terre si accueillante.
L'invitation au voyage concerne moins un lieu qu'un état, cet état de complicité magnétique et d'amour fusionnel. La Tunisie doit être le lieu qui fait lien (et je rappelle que c'est une des étymologies du terme religion);10 sa socialité postmoderne doit être celle d'un « vivre ensemble » paisible où s'épanouissent l'amitié et l'amour, l'amour entre tous les sexes, y compris entre les mêmes sexes, et pouvant bien alors n'être que chaste, tel l'amour fameux entre Montaigne et La Boétie.
C'est donc d'un là-bas qui peut être à l'image de l'au-delà musulman, fait de sentiments sans limitations, y compris de la part de pieux musulmans pour de jeunes éphèbes,11 cet amour homosensuel tant décrié par erreur par nos religieux, défendant une pure vue judéo-chrétienne étrangère à l'islam qui n'interdit pas, dans ses textes de base, l'homosensualité selon le terme que je propose en lieu et place pour celui dépassé d'homosexualité.12
Il s'agit donc d'une sorte d'in-delà, un au-delà vécu au jour le jour et qui n'est que l'islam vrai, mon i-slam dont la caractéristique majeure est d'être une spiritualité de grand format, un courant cosmique immanent.
C'est d'ailleurs ce que le peuple dans sa sagesse éternelle a compris, faisant de la morale une éthique, et de celle-ci une esthétique.13 On le voit d'ailleurs à tous les coins de nos villes arabes, il est un idéal de vie urbaine qui court les rues, un mode de vie citadin ou villageois qui est à la fois sensuel et raffiné.
C'est de la sorte que le peuple s'élève au-dessus de sa condition humble, lévitant grâce aux valeurs ancrées en lui, cette lumière qui luit au fin fond de sa personne,14 lui permettant de se maintenir en apesanteur dans un monde qu'il transfigure à sa manière, grâce au fond mystique si vivace en lui. C'est donc le rôle du politique de prolonger cette oeuvre en aidant à la transfiguration, à son tour, du fait politique.
Malgré cette capacité à léviter, une extase quasi soufie, le peuple tunisien donne l'impression (mais ce n'est qu'une impression) d'être parfois en léthargie, sa vie se réduisant à de la torpeur, tout y paraissant être fait de lenteur, recouvert d'un voile, dans un silence que les plus perspicaces devinent assourdissant. Effectivement, il n'en est rien, juste une sorte de retraite religieuse, cette aura spirituelle déconnectée d'un monde qu'on rêve pacifié, paisible et surtout ouvert et amène.
Le Tunisien, rêvant d'un lieu idéal faisant lien, ne pouvant compter sur ses représentants politiques pour le lui offrir, crée de toutes pièces le sien propre, un lieu idéal, même s'il n'est pas réel. La réalité chez lui est donc réformée (quitte à être déformée) par le rêve, embellie et refondue dans l'attente que pareille préfiguration soit rendue tangible par le politique qui, s'inspirant de cette réalité en pointillé, la réalise et la recompose au concret selon le désir de son peuple esthète.
On a bien affaire à un politique qui sait être philosophe, agissant en vue d'offrir à son peuple la cité idéale tant quêtée, un lieu de perfection néoplatonicien, sublimant le monde sensible, lui donnant tout son sens esthétique. Le peuple, par la magie de l'amour que lui porte son serviteur, le politique, devient alors une sorte de lieu d’élection, un état de bien-être psychologique dans un monde de la politique devenu enchanteur et qui comble l’âme encore plus que cette sensualité qui traverse le peuple de bout en bout. Pareille expérience spiritualiste ne peut que transcender le sentiment amoureux dans sa simple déclinaison charnelle, le sublimant en Idéal vécu.
Il s'agit en quelque sorte d'une recherche ésotérique de l'autre, notre miroir, cette quête soufie que le peuple connaît parfaitement bien, même s'il ne la pratique plus qu'instinctivement, à la dérobée, presque quasi instinctivement. En cela, comme le demandait Baudelaire, le peuple ne cesse de mander en silence à l'entité qui est censée le représenter : « Ne serais-tu pas encadrée dans ton analogie, et ne pourrais-tu pas te mirer, pour parler comme les mystiques, dans ta propre correspondance ? ».15
C'est qu'il y a, de sa part, une recherche de transsubstantiation, le politique devenant une image de l’âme du peuple qu’il faut protéger contre les grossièretés de la réalité, les avanies des menées de politicaillerie. Il s'agit de ce processus de correspondances où joue à plein une expérience de synesthésies : vue, toucher et olfaction se combinant pour aller au-delà des apparences, pénétrer dans « Les miroirs profonds », l'élan du coeur étant le plus de subtilité possible pour se mouvoir dans un monde des sensations, aussi sensuel et magique que l'univers des Mille et une Nuits, débordant de murmures poétiques, de voix intérieures de la vie antérieure rappelant un âge d'or ressuscité.
Lorsque l’âme du politique poète et du poète politique se confond avec son amour qu'est le peuple, il lui arrive de le détacher de sa condition humble, sa réalité mesquine et décevante, pour le propulser dans une sorte d’apesanteur qui le conduit à planer sans effort au-dessus du monde, comme un peuple modèle traçant sa voie à un monde en pleine perdition de ses valeurs. Dans la version en prose du poème, Baudelaire écrit : «Des rêves ! toujours des rêves ! et plus l’âme est ambitieuse et délicate, plus les rêves l’éloignent du possible. Chaque homme porte en lui sa dose d’opium naturel, incessamment sécrétée et renouvelée ».16 Mais si le poète est arrivé à cet état en usant et abusant de pavot somnifère, notamment pour soulager les douleurs causées par sa syphilis, le politique postmoderne n'usera lui d'aucune drogue, sinon de la culture des sentiments comme antidote à la salaphylis intégriste et la syphiliscientiste, toutes deux aux effets pervers certains et ravageurs en Tunisie.
La lévitation obtenue sera en mesure d'entraîner le peuple dans des périples qui l’affranchissent du temps et de l’espace, satisfaisant souverainement son humeur vagabonde, ce vagabondage initiatique, à l'image du nomadisme, marque majeure de la postmodernité. Pareil vagabondage est plus qu’une promesse de bonheur, une invitation à rêver, un embarquement pour une imaginaire Cythère; c'est surtout et avant tout l'assomption d'une identité faite d'une humeur buissonnière, cultivant le commerce en ses multiples sens, notamment de cicumnavigation.
Pareil vagabondage est essentiellement initiatique, un nomadisme renouant avec les origines tout autant qu'une circulation reliant le virtuel au réel, aboutissant à dilater l’espace et le temps, finissant par affranchir l’être de sa finitude. Le peuple aimé, incarné par son politique servant, finit alors par se muer en une contrée qui a la prétention d'être l’âme d'un monde en crise, celle qui le rappelle à ses valeurs et les lui rend. Les lieux clos s’ouvrent ainsi sur l’infini comme les coeurs aux sentiments. L’œil du peuple aimé, couvé par le regard du politique, son serviteur, prend ainsi la profondeur du ciel et son pays s’élargit muant, par la magie de la vraie politique, de la réserve qu'il est en centre du monde où l'Occident, le Maghreb oriental, devient incontestablement l’Orient et l'Orient Occident dans la féerie du temps spiralesque et de l'espace boustrophédon.
Dans son art politique dont il veille particulièrement à ce qu'il ait aussi l'empreinte de l'art poétique, le politique compréhensif, tout comme dans la supplique poétique, doit savoir fasciner pour inviter le peuple à le suivre. En cela, il agira comme l’artiste Baudelaire recourant à une musicalité envoûtante fondée sur des vers impairs, mettant à exécution le conseil de Verlaine conseillant dans « Art poétique » :

« De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair,
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. »

Le politique dont rêve la Tunisie n'usera nullement, comme de bien entendu, de langue de bois, sa seule langue étant poétique, celle de la poésie du coeur; ainsi, si elle doit parfois verser dans l'erreur, commettre l'impair — n'échappant pas au sort des oeuvres humaines, jamais parfaites —, cela ne serait jamais de sa part qu'une errance initiatique, l'impair étant davantage poétique, mettant ainsi en pratique le conseil ci-dessus de Verlaine en étant, en pleine politique, vers l'impair poétique orienté. Quelle musicalité pourrait-on alors entendre dans sa bouche avec en choeur les rêves les plus vrais du peuple donnant au quotidien une insoupçonnable réalité !
Si Baudelaire poursuit, dans son art, la quête de l’unité obtenue notamment par l’alliance des contraires, atteindre à l’Idéal pur, notre politique courageux ne fera pas que tenir compte d'un réel figé, momifié, mais agira surtout pour en épiphaniser la substantifique moelle en réussissant la réconciliation du corps et de l’esprit, de la sensualité et de l’adoration, du désir et de la contemplation. C’est pourquoi sa démarche prendra forcément un accent religieux, mais moins en termes de culte que de culture. C'est que, tel que l’amour poétique, l'amour du peuple ne peut être que mystique !
Voilà ce que pourrait être le politique de demain dont la figure rôde aujourd'hui en Tunisie, encore invisible certes, mais bien évidente aux yeux des Tunisiens, jeunes et vieux, et dans leurs rêves les plus fous. Un roi clandestin ou secret à la manière de nos contes ancestraux ou de cette figure rendue célèbre par le sociologie Georg Simmel.17
Le Coup du peuple a réussi une bascule d'un temps de folie (au sens vieux de riche réserve de plaisance aux plus nantis) à un temps de folies, celui qui fait les légendes. Certes, il est encore au dérèglement et aux troubles du comportement faute de parousie du messie politique annoncé par la Révolution. Mais pareil figement du temps n'est pas durable; il est une entrée dans l’éternité, il ouvre grandes ouvertes les portes au-delà de l'utopie là où l'invisible est visible, l'irréel est bien réel, car l'imaginaire populaire a une structure anthropologique bien évidente et dont la matérialisation est en cours sous les traits d'un islam réenchanté, un i-slam.
Tel ce poème de Baudelaire destiné à enchanter les angoisses du spleen, le poète reprenant la magie des berceuses de son enfance conjurant les frayeurs nocturnes, le politique que tout un peuple attend sera cet amant qui sait materner. D'un œil plein d'amour maternel, grâce à un grand cœur où ne pousse jamais qu'amour et compréhension, il saura couver le peuple qui grandira alors, libéré par son Coup d'une minorité infantilisante.
Son serviteur veillera à garantir la dignité populaire retrouvée et à consolider sa majorité encore fragile tout en protégeant son attachement aux trésors de son enfance naguère chantés par son poète préféré, réalisant l’unité primordiale néoplatonicienne, le paradis perdu de l'âge d'or islamique et le « vert paradis des amours enfantines » réunis en une seule quête dans ce monde postmoderne enfin réenchanté.
Les fleurs du mal seront alors ces fleurs de l'immense bien, et le peuple rechantera son enfance retrouvée, une enfance nouvelle de la politique et de l'âme retrouvée de sa religion, un nouvel âge, sinon pour l'humanité entière, du moins pour la Tunisie dont on célébrera alors indéfiniment l'hymne au temps de l'amour :

عذبة أنت كالطفولة، كالأحلام.... كاللحن، كالصباح الجديد
كالسماء الضحوك، كالليلة القمراء... كالورد، كابتسام الوليد

Et si, ressemblant à une véritable berceuse, le poème de Baudelaire s'achève par le sommeil, le poème d'amour du politique i-slamique s'achèvera lui sur l'éveil de tous les sens à un véritable rêve éveillé, ce miracle de l'utopie réalisée. Car il n'aura été qu'un parcours initiatique dans l’univers poétique quintessencié de l’Idéal, un prolongement serein de réel, un instant de grâce, un instant éternel, seule durée qui compte où le spleen quotidien est sublimé en béatitude.
Pour Baudelaire, comme pour le politique qu'attend la Tunisie, les plus beaux voyages sont ceux que l’on imagine idéalement loin des contingences et des lourdeurs du réel. Il permet la recherche d’un art de vivre raffiné qui doit nourrir la satisfaction des sens et la contemplation esthétique. La rêverie éveillée rejoint donc le rêve par le biais de la plénitude affective dans l’amour fusionnel et la contemplation partagée du beau s'offrant à tous.
Faut-il, pour que tout cela relève enfin du possible, qu'on arrête avec l'opéra-bouffe du politique actuellement à l'honneur pour commencer à distinguer la possibilité qui est, selon Heidegger, au-dessus de la réalité; et j'ajouterais même qu'elle est en dessous de cette réalité, en une centralité souterraine affleurant enfin à la surface ! Faut-il s'atteler sérieusement à la rénovation de notre mentalité, notre révolution sur soi !

Une mentalité rénovée, une raison sensible et un imaginaire réhabilité :

À paradigme nouveau, concepts renouvelés. L'ère postmoderne dont nous relevons impose une transfiguration de nos catégories de pensée. Car nous continuons de relever d'un monde révolu, celui de la Modernité occidentale, pour les uns, et de la gloire passée de l'islam, pour les autres.
Or, au-delà de l'anachronisme évident, les deux tendances qui s'affrontent en notre pays ont raison dans les prémisses de leur raisonnement, mais elles ont absolument tort dans leur conclusion.
Pour les modernistes, nous disons que s'il n'est nullement question de rejeter les acquis de la Modernité, il faut reconnaître qu'elle n'est plus. Pour les traditionalistes, nous soutenons que si l'islam fut incontestablement une modernité par anticipation (que je qualifie de rétromodernité), il ne l'est plus.
Comment être désormais d'aujourd'hui, ce qui est le sens du fait d'être moderne en notre vie profane et religieuse? En étant tout simplement postmoderne !
Il nous faut donc des politiciens qui aient le courage de se déclarer être des rêveurs en politique, et comme le nerf de la politique en terre arabe musulmane est la religion, qui osent donc rêver d'un islam renouvelé, un islam postmoderne, un i-slam.
Le politique de nouvelle génération osera dire à tous ceux qui se réclament d'un retour à la tradition, slogan qui est dans l'air du temps, y compris sous les oripeaux d'une pensée se voulant irréprochable en termes de pluralisme politique : Vous voulez bien d'un islam de progrès : mais un progrès indéfini, mais le progrès circonscris, mais le progrès émasculé, voilà le mensonge, voilà l'illusion : In causa venenum! Comme le disaient les Latins, le venin du scorpion est dans sa queue, le poison de pareille politique est dans ses conséquences divisant la société au lieu de la réunifier autour d'un i-slam des Lumières.
Et, pour les rêveurs d'un retour au passé que nous retrouvons même dans les rangs des partis se déclarant attachés aux valeurs de l'Homme qu'ils caricaturent singulièrement dans un moderne lit de Procuste idéologique, il rappellera l'adage ancien : « Fugit irreparable tempus » Le temps s'enfuit, perdu pour toujours.18
Une autre différence entre la classe politique ayant exercé le pouvoir et celle qui l'exerce depuis peu réside dans le fait que la première, ayant l'expérience, croit avoir quelque raison de le revendiquer. Or, si elle a psychologiquement raison, elle a politiquement tort puisqu'elle doit laisser la place aux autres. Ceux-ci ont bien besoin d'expérience politique pour s'aguerrir. Et s'ils ont psychologiquement raison de s'accrocher à ce qui peut maximiser leurs chances de maîtrise des arcanes du pouvoir, ils ont aussi le tort de ne pas savoir utiliser les bons moyens pour neutraliser les critiques pointant leur amateurisme. C'est qu'ils pratiquent aussi une politique procustéenne, ayant une idéologie préconçue qu'ils cherchent à imposer au peuple devant être réduit de force au gabarit de leur pensée figée, ce lit politique précité de Procuste.
Une politique efficace aujourd'hui en Tunisie ne peut qu'être axée sur une pensée utile au pays, sachant se faire rebelle après la nécessaire descente au charbon. Car le politicien utile à son peuple ne doit jamais dédaigner fréquenter charbonnier et bougnat, car c'est de leur compagnie, au fait de leur misère, qu'il pourra revenir avec une vision de la vie concrète, en faire un savoir. C'est ce savoir certain, même s'il peut être minime en apparence, qui lui permettra, en fréquentant les parfumeurs des hautes sphères publiques, la fragrance unique que leur nez ne saura jamais trouver.
La fréquentation de la supposée lie de la terre doit même lui être préférable à celle des dits seigneurs de la jet-set, et qui ne sont souvent que des saigneurs, assoiffés de pouvoir pour se servir au nom d'une lutte ancienne avérée, mais qui devient une fin en soi, et donc une faim aussi ignoble que celles des maffias toujours à la recherche d'un intérêt propre, jamais celui du plus grand nombre, celui du peuple dont on n'hésitera pas à entretenir la misère s'il le fallait.
C'est par ce contact qu'il pourra vérifier sa fibre magnétique et la nécessaire empathie avec les plus humbles qu'il doit veiller à entretenir et à améliorer; car son rôle n'est que de servir ces masses, se sacrifier pour leur bonheur.
Il est une grande loi qui gouverne le monde mental qu'on appelle télépathie et qui est au psychisme ce que la gravitation est aux corps matériels. Notre politique véritablement en congruence avec les masses ne saurait que l'avoir, assurant ainsi la connexion virtuelle des consciences, pour peu que cette connexion est voulue et donc pensée. C'est ce qui définit désormais une politique populaire qui réussit, cette pensée orientée exclusivement vers le peuple, scrutant intensivement sa conscience profonde, lisant en son imaginaire.
Pour cela, il suffit de veiller à être la parfaite émanation du peuple. Ainsi, le caractère essentiel de la politique devient-il l'accroissement de l'action du politicien sur la psychologie même de la société dont la volonté se trouvera alors augmentée en même temps qu'élevé son niveau moral. De la sorte, le politicien arrivera bien à ouvrir les portes de cet au-delà qui se trouve en chaque être humain, une lumière qui est en nous.19
Pour utiliser un raccourci, il ne s'agit de rien de moins que d'une sorte de chiasme, cette figure de rhétorique où des termes s'opposant forment les deux segments inverses d'une phrase : le politique postmoderne est l'émanation de son peuple, de ce qu'il a de plus authentique; dans le même temps, et de la classe politique, il est le déni, de ce qu'elle a de plus faux.
Politique magnétique, il est doté d'une raison sensible20 qui ne vise pas à trouver des explications causales aux choses de la politique, mais s'attache plutôt à saisir le sens de l'activité politique et du phénomène social. Pour cela, il a recours à une communication subliminale cultivant le sentiment vrai dans une science du coeur, n'ayant rien à voir avec la langue de bois tant prisée par les politiques antiques; ainsi finit-il par produire des correspondances croisées dans les différentes strates de pensée du peuple. Accédant à son âme profonde, il arrive alors à une sorte de pouvoir alchimique de métaphorisation et de cristallisation de ce qu'il y a d'essentiel dans le peuple. Or, cela ne s'accomplit qu'en synergie entre le conscient et l'inconscient de la société, l'apport magnétique du politicien postmoderne étant de réussir à formater la pensée préverbale, finir par livrer le message public articulé.
Autrement dit, on finit par avoir affaire à un type de médiumnité politique où la conscience n'abdique ni ne s'altère, mais fonctionne à un niveau insoupçonné; en somme, une unité dans la multiplicité, une forme nouvelle de pratique empathique étrangère aux catégories habituelles du langage et de la pensée occidentale et qui est pourtant habituelle en notre langue arabe dans sa richesse insoupçonnable et insoupçonnée.
En cette matière de somnambulisme politique, étant donné la subtilité du rapport magnétique, la règle d'or doit alors être le célèbre axiome de Bacon appliqué au peuple : Natura nisi parendo Vincitur qui donne en remplaçant « nature » par « peuple » : On ne s'impose au peuple qu'en lui obéissant.
C'est en écoutant donc avec humilité le peuple, comme on doit écouter la nature, que l'on découvre ses motivations les plus secrètes, les moins connues, s'agissant du peuple, et les secrets les plus merveilleux, s'agissant de la nature. En cela, le politique peut volontiers citer Leibniz reprenant à une vieille tradition allemande, contre Descartes, l'idée d'une harmonie universelle, achevée, non mécanique, la formulant ainsi : « La nature est faite pour nous et nous sommes faits pour la nature... La nature, c'est encore nous » . Il pourra dire la même chose, substituant le peuple à la nature, à la condition de faire du nous un serviteur de ce même peuple, jamais un motif de majesté, l'identification étant celle de la symbiose, de l'homéostasie.
Ainsi, il est bien question d'une révolution mentale à laquelle le politique doit s'atteler. Et dans son travail continu sur lui-même, il se doit toujours penser à ce que dit Jung : « On ne possède rien tant qu'on n'en a pas fait l'expérience».21 Cela signifie que tout est dans cette qualité affective sur laquelle on n'a pas cessé d'insister, cette tonalité des sentiments. Jung, d'ailleurs, ajoute que c'est par l'« affect » que l'on se trouve impliqué et que l'on parvient à ressentir tout le poids de la réalité.
Le processus d'intellection de la nature politique, de même que le bonheur que l'homme éprouve à comprendre, c'est-à-dire à prendre conscience d'une nouvelle connaissance, repose donc sur une correspondance, une coïncidence entre les images intérieures qui préexistent dans la psyché humaine avec des objets extérieurs et leur comportement tel que le peuple peut en donner l'exemple.
Nous avons ici une conception de la connaissance de la nature politique qui en fait une empathie avec l'assise populaire, celle-là même qui stipule l'existence d'idées préexistant dans l'esprit de Dieu et qui furent créés dans l'âme, image de Dieu, en même temps qu'elle. Il s'agit d'images archétypales, primordiales que l'âme du politique en harmonie avec son peuple perçoit grâce à son instinct inné qui n'est qu'une identification avec l'âme propre de ce peuple, son inconscient collectif tel que le rend son imaginaire.
Car ces images ne sont rien d'autre que les « idées originelles ou archétypes fonctionnant comme des instincts de représentation » dont C.G. Jung a fait un concept incontournable de la psychologie moderne. Et nous retrouvons ainsi la pensée de Jung22 qui a développé une thématique de l'inconscient que l'on doit connaître ou redécouvrir, où les mythes et la spiritualité tiennent une place de choix.
De fait, c'est avec le recours aux gnostiques, alchimistes et à la philosophie orientale, à l'origine de sa rupture avec Freud, que Jung a fait de la crise issue de cela le tremplin pour le succès de la riche pensée que l'on sait.
Partant de ces prémisses, j'ai proposé, à la manière de la sociologie moderne, de faire de l'action politicienne actuelle une politique compréhensive. Et j'ajouterai aujourd'hui que, tout comme avec la connaissance de la psyché on a eu Freud avant de passer à la psychologie analytique, cette politique compréhensive sera une action politique analytique comme en psychologie. Une telle pratique se construit en travaillant d'abord sur soi-même pour ensuite organiser sa méthode politique pareillement à la méthode thérapeutique, en fonction de ses besoins propres et qui ne seront alors que l'interprétation de ceux des plus larges couches de la société à laquelle on appartient et la prise en compte de ses exigences grâce à une totale empathie loin des considérations classiques de la politique telle qu'on la pratique.
Celle-ci est ainsi ce qu'est le théâtre de rue au théâtre de la Comédie Française. mais comme on fait oeuvre scientifique, il est nécessaire de rechercher systématiquement les fondements historiques qui préfigurent ses expériences intérieures et les incarnent. Ainsi peut-on tenir le fil d'Ariane de cette histoire muette de notre culture qui borde de son ombre la civilisation humaine, ayant été le sous-sol de l'architecture de la Modernité. C'est une absence très présente, un mutisme ô combien parlant, une présence de tout instant.
L'explorateur de notre propre imaginaire fait le lien avec l'expression culturelle se donnant à voir sous forme de mythes, images et symboles communs, religieux et profanes. Le politique analytique aujourd'hui est celui qui, par la médiation de la sagesse populaire ouverte aux pratiques diverses, y compris celles jugées irrationnelles, devient compréhensif et peut atteindre à cet arrière-plan de la politique véritablement représentative, car en prise directe avec le fonds symbolique ayant valeur d'inconscient collectif de tout individu dans la communauté nationale.
Il s'agit d'un inconscient originaire qui est la face cachée de la conscience, et l'acte politique éminent vraiment utile est de dissocier la conscience de cet inconscient pour lui donner toute son autonomie dans un processus que Jung qualifie d'individuation. Il s'agit d'un parcours au long duquel l'on entre en dialogue avec ses images intérieures pour finir par les intégrer en réconciliant les forces antagonistes qui en sont la base. C'est une expérience intime nécessaire; car pour paraphraser Jung, je dirais que le passé d'un peuple eût-il été d'un seul coup effacé par une génération, son fond structurel de mythologie et de religion ressurgit tout entier à la génération suivante, car c'est dans l'âme populaire, son imaginaire, cet invisible présent en permanence, que résident l'histoire de la pensée humaine et la vérité de toute société.
Il nous faut donc urgemment procéder, pour réussir, à un véritable processus d'individuation qui nécessite une synthèse inévitable du conscient et de l'inconscient. Il s'agit de repérer les thèmes récurrents à forte intensité énergétique dans le comportement quotidien et l'imaginaire populaire, ce qu'on appelle images primordiales ou archétypales. Chez Jung, l'archétype est une «force instinctive de représentation mentale » présente en chaque homme et ce qu'il appartient au politique, agissant comme en psychologie analytique, de saisir dans le comportement de son peuple et la sienne propre qu'elles conditionnent en formant l'expérience compréhensive. Celle-ci aura pour but d'aider à ce que la synthèse se fasse entre ces formes typiques de l'inconscient collectif dans lequel s'insère l'inconscient personnel de tout un chacun avec son passé, ses complexes et ses pulsions. Or, c'est de la confrontation entre les deux à laquelle doit prendre part le politique compréhensif dans son ministère d'analyste pour réussir son intermédiation politique comme on mène une analyse thérapeutique. « Les rapports du moi à l'égard de l'inconscient et de ses contenus déclenchent une évolution de la psyché » assure Jung. Et c'est le propre de l'action du politique d'aider à ce que cette métamorphose se fasse dans le bon sens et pour le meilleur, c'est-à-dire de faire en sorte que le moi cesse d'être fasciné par ses images archétypales et en les reliant à ses complexes les reconnaître dans leur fonction d'organisation et de transformation de sa personnalité.

De l'intellectuel organique au politique organique :

Il est chez Antonio Gramsci une notion éminemment importante qu'il applique à l'intellectuel et que nous pensons pouvoir étendre également au politique. Gramsci parle de l'« intellectuel organique » qu'il oppose à l'« intellectuel traditionnel », tels les ecclésiastiques, les administrateurs y compris les scientifiques, les philosophes et les théoriciens, soit ce qu'en français on appelle tout simplement les « clercs ».
Contrairement donc à notre conception classique de l'intelligentsia, l'intellectuel organique a une fonction à la fois technique et politique. Et le théoricien italien donne comme exemple d'intellectuel, l'« entrepreneur capitaliste » qui engendre « en même temps que lui-même le technicien d'industrie, le savant en économie politique, l'organisateur d'une culture nouvelle, d'un droit nouveau, etc. [...]. L'entrepreneur lui-même représente une élaboration sociale supérieure, déjà caractérisée par une certaine capacité dirigeante et technique (c'est-à-dire intellectuelle)».23
Au coeur de la pensée de Gramsci, il y a l'idée que l'organisation de la culture est « organiquement » liée au pouvoir dominant. L'intellectuel n'est donc pas défini par le travail qu'il fait, mais par le rôle qu'il joue au sein de la société, y ayant toujours une fonction de « direction » technique et politique qu'il exerce plus ou moins consciemment sur le groupe dominant ou celui tendant à le devenir. Il écrit également : « Tout groupe social, qui naît sur le terrain originaire d'une fonction essentielle dans le monde de la production économique, se crée, en même temps, de façon organique, une ou plusieurs couches d'intellectuels qui lui apportent homogénéité et conscience de sa propre fonction, non seulement dans le domaine économique, mais également dans le domaine social et politique».24

Cela a amené Gramsci à faire la critique de la distinction traditionnelle entre « travail manuel » et « travail intellectuel » développant une nouvelle théorie de l'éducation. Selon Gramsci, cette distinction est idéologique dans la mesure où elle détourne l'attention des fonctions réelles présentes dans la vie sociale et le monde du travail pour l'orienter vers ce qui n'est que « détail technique ». Il dit ainsi que « dans n'importe quel travail physique, même le plus mécanique et le plus dégradé, il existe un minimum d'activité intellectuelle [...]. C'est pourquoi, pourrait-on dire, tous les hommes sont des intellectuels, mais tous les hommes ne remplissent pas dans la société la fonction d'intellectuel. [...]. Il n'existe pas d'activité humaine dont on puisse exclure tout à fait l'intervention intellectuelle, il n'est pas possible de séparer l'homo faber de l'homo sapiens».25
Comme il n'est plus possible, non plus en postmodernité, de distinguer l'homo sapiens de l'homo religiosis, je reprends donc volontiers le concept de Gramsci pour caractériser le politique qui doit ainsi être organique. Et comme l'a fait le fondateur du parti communiste italien pour le concept de travail, renouvelant la notion d'éducation, il nous faut alors revoir nos concepts les plus fondamentaux, aussi bien en usage chez les fondamentalistes que chez les séculiers.
Nos sécularistes reproduisent le défaut rédhibitoire propre à beaucoup de travaux académiques en la matière : ils ne tiennent pas compte de la masse des faits contredisant leurs vues. De plus, ils ne se rendent pas compte que leur phénoménologie islamique s'arrête là où l'autorise le zeitgeist, ne se rendant pas compte de ce que permet ou pas le vécu de ceux qu'ils observent en répercutant les interdits institutionnels et les constructions théoriques académiques. Il leur faut donc se libérer de l'interprétation rétrospective qu'ils font de l'islam, oser le relire selon son essence même, à la fois authentique et encore plus révolutionnaire qu'ils ne pensent. Il leur faut quitter leur moule rigide propre au scientisme fin de siècle.
En fait, nous avons affaire avec notre élite supposée éclairée à un religionisme comparable au scientisme de la Modernité alors que l'islam dans sa gestion des questions humaines est protéiforme, météorologique en quelque sorte; et c'est le propre du phénomène magnétique. Aussi, notre élite, politique surtout, doit-elle développer en elle les qualités innées en tout humain du magnétisme. La politique en postmodernité nécessite qu'une sorte d'homéostasie s'établisse entre l'élite politique et le peuple. Et le politique doit apprendre à évacuer en lui toute réserve tactique, toute restriction mentale dans son rapport avec son peuple, et surtout réussir à faire en sorte que le zeitgeist soit mithridatisé.
Notre poète et écrivain national Abdelwahab Meddeb a parlé à tort de défaite de la raison, évoquant notre islam dans un récent article26 dans la lignée des rationalistes arabes contemporains. Non, cher M. Meddeb, si défaite il y a, c'est bien celle de nos penseurs rationalistes qui n'ont pas su relever le défi de la postmodernité et rénover leur rationalisme, restant alignés et aliénés sur une conception cartésienne qui a rendu l'âme depuis longtemps.
Bien sûr, quand on voit les turpitudes actuelles de nos islamistes et des dits salafistes, on peut se croire fondé à se réclamer d'une raison, même morte, mais qui a été respectueuse des valeurs universelles. Or, un pareil salafisme ne représente en rien l'esprit authentique de l'islam; car, comme je l'ai déjà soutenu, le vrai représentant de la tradition salafie aujourd'hui reste le soufisme.
D'ailleurs, notre illustre penseur, positiviste dans l'âme, même s'il reconnaît son importance à la fibre soufie en islam, revient à la charge en s'attaquant à l'islamisme, appelant à sortir l'islam de cette abomination.27 Or, s'il a raison de décrier la dérive islamiste, portant le bon diagnostic, il se trompe sur le remède, aggravant le mal. Il ne nous faut pas sortir de l'islam ce qui en fait partie, il nous faut plutôt ramener l'islamisme dans l'islam authentique. Comme une partie du corps est malade, on ne la coupe pas forcément du moment qu'on peut la guérir; faut-il trouver le remède adéquat.
Plutôt que de défaite de la raison, plutôt que de procéder comme font ceux qu'on condamne, en les anathémisant, nous pensons qu'il est plus juste de parler de triomphe de la raison sensible et en son nom, d'agir pour ramener au bercail ses brebis perdues au lieu de les décréter galeuses et de les sacrifier. Et il est plus facile de la faire si l'on avait une élite organique, intellectuellement comme politiquement.
Rappelons, à ce propos, ce que disait Bacon : La magie est le pouvoir de l'imagination d'un homme porté sur le corps d'un autre homme. Aussi nous faut-il des magiciens de la pensée sachant user à bon escient de leur pouvoir pour faire le bien et non pas aggraver le mal.
Le penseur en postmodernité doit être en mesure de réactiver les thèmes de l'imagination créatrice de la Renaissance. On a encore tendance à dévaloriser l'imaginaire réduit à une imagination folle du logis, source d'illusion, privée de toute efficace, une faculté humaine de rang bien mineur. Or, même dans l'Occident de nos jours, après des siècles d'un rationalisme à outrance, on en revient à réhabiliter l'imaginaire. Et je profite ici de l'occasion pour saluer l'âme de Gilbert Durand qui vient de nous quitter et qui en a été le pape.
L'erreur de nos élites est gravissime, car ils singent un Occident qui n'existe plus, se référant à une momie, celle d'une époque où les cadres historico-factuels manquaient. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, l'Occident ayant changé pour redécouvrir la richesse de la philosophie orientale; et forcément, ce n'est pas le cas en terre arabe islamique, partie intégrante de cet Orient.
Il est une magie naturelle bien prégnante chez nous dans la geste populaire, soufie entre autres, qui rappelle celle de la Renaissance et les traditions et pratiques extatiques de l'Antiquité. Ce qui nous éloigne de l'idéologie réductionniste des Lumières sans nous couper du champ de la science.
Voici ce qu'il est attendu de l'homme politique nouveau, aussi bien en Tunisie qu'ailleurs, pour se mettre au niveau des défis de notre époque postmoderne et se situer enfin dans le sens de l'histoire.
Il lui faut passer de la croyance musulmane, cette résilience d'un corpus qui fut riche, grandiose et révolutionnaire un long moment, avant de subir les avanies inévitables du fait de l'usure du temps, à une foi islamique. Cela est possible par une approche renouvelée de ce corpus, en faisant l'inventaire, passant d'une simple conception morale de notre religion à une conception éthique.
Si notre politique doit cesser d'être orienté vers l'Orient mythique sans en abandonner l'esprit, il ne doit pas non plus verser dans un occidentalocentrisme qui n'est que du cathocentrisme ou du protestocentrisme. Il lui faut être digne de l'islam révolutionnaire, choisir une voie originale en ayant la voix de la conscience et la politique des sentiments vrais. Être, par exemple, le politique organique à la Gramsci que nous évoquions ci-dessus.
Or, la mesure de l'amour du politique pour son peuple, et à travers lui de l'humanité — car un peuple, quel qu'il soit, n'est qu'une tranche de l'humanité entière —, c'est d'aimer sans mesure; et la preuve de l'amitié qui est pur amour, c'est l'amitié sans preuves.
C'est pourquoi, et j'y reviens volontiers, la première des actions d'un politique sincère est d'oeuvrer pour rétablir la liberté de circulation pour les humains comme on s'applique à le faire pour les marchandises. C'est une question éminemment morale tout en étant historiquement inéluctable. Agissant pour la liberté de mouvement de son peuple, ce politique vrai aura aussi à coeur à le traiter déjà en personne libre et ce en évitant de paraître son chef, en veillant à n'être que son serviteur; ce qu'il est avant tout.
En effet, tout comme on n'est pas libre tant qu'on a besoin d'une autorisation de circuler, tant que l'homme a besoin d'un chef, il n'est pas assez homme ! Là où l'on a besoin de chef pour progresser, c'est progresser à reculons, avancer vers l'arrière sans le savoir et non point vers l'avant.
En osant agir et finir par éliminer le visa, on verra la jeunesse ôter ses guides, car retrouvant la liberté de circuler, les jeunes deviendront des hommes libres n'ayant nul besoin de chef pour leur laver les cerveaux, se découvrant leurs propres guides.
Mon métier, c'est l'engagement, disait le chrétien Jean Guitton. Or, la question aujourd'hui est l'urgente priorité de l'engagement qui soit l'accord avec soi-même et l'accord avec Dieu, conciliant la lucidité avec la foi sincère, accorder sa conduite avec ce que l'on croit être la vérité, une vérité qui ne se vit pas contre autrui, mais en pleine harmonie avec lui, car cela revient à vivre en accord avec soi-même.
Il s'agit donc d'un même impératif que l'on soit chrétien, juif ou musulman; il nous faut éviter le fanatisme de l'engagement, tout fanatisme, religieux ou laïc pour réussir à être heureux avec soi-même, sans oublier ni les autres ni Dieu. Ainsi sera-t-on vraiment un politique vrai, un politique organique !
Pour terminer, rappelons ce que disait Machiavel : « Lorsque se produit une erreur dans laquelle tombent tous les hommes, ou la plupart d'entre eux, je ne crois pas qu'il soit mauvais d'y revenir plusieurs fois pour la condamner » .
Or, l'erreur mortelle chez nous, aujourd'hui, est l'interprétation fausse qu'on fait de l'islam. C'est pourquoi il nous faut, quitte à nous répéter, rappeler la vérité à ce sujet afin d'amener à refonder les bases du parti islamiste majoritaire aujourd'hui et qui n'est plus le monolithe qu'il prétend être. Continuer à parler du vrai islam, c'est aider les minoritaires d'EnNahdha à gagner leur combat à l'intérieur même de leur parti ou les encourager d'oser en sortir pour honorer véritablement l'islam pour lequel ils se dévouent.
Voilà une des raisons d'être de mon engagement, ce qui fera l'objet du troisième opus de cette série qui se veut au service unique du peuple de Tunisie, ce peuple aimé par Farhat Hached et qui mérite le meilleur dont ne veut pourtant pas pour lui sa classe politique actuelle trop centrée soit sur une conception dépassée de la politique et ne se souciant que de ses intérêts propres.
Pour finir, et à l'intention de ceux risquant de me taxer de rêver, je rappellerais ce que disait Walter Benjamin, et qui s'applique parfaitement à notre pays : « Chaque époque ne rêve pas seulement la prochaine, mais en la rêvant elle s'efforce de s'éveiller » . C'est à pareil éveil que peut servir aujourd'hui ce qu'on pourrait ne prendre que pour du rêve !

Notes :

1 « L’invitation au voyage » que nous reprenons ici est un poème versifié extrait de la première (et majeure) partie du recueil intitulée « Spleen et Idéal ». Publié en 1857, reprenant toutes les créations de Baudelaire depuis 1840, retouché en 1861 après sa condamnation en justice, et enfin complété, à titre posthume, en 1868 pour sa dernière édition, Les Fleurs du mal sont le prétexte pour Baudelaire d'évoquer ses tourments internes, la fêlure qui meurtrit son âme, la lutte sans fin entre le Spleen et l’Idéal qui le consume inexorablement.
2 Nous referons à l'excellente étude du poème de Jean-Luc, que nous suivons ici volontiers, consultable sur Internet.
3 G. Durand, Introduction à la mythodologie. Mythes et sociétés, Biblio, essais, Le livre de poche, 2000.
5 Il s'agit probablement de la Hollande, évoquée notamment à travers des tableaux de Vermeer et de Ruysdael.
6 Cf. Farhat OTHMAN, Guérir l'Alzheimer. Manifeste hors poncifs, L'Harmattan, 2012. J'y consacre un blog : Aloïs, mon amour 
9 Cf. mon article Rêve et insomnie en Tunisie 
10 Étymologiquement, on fait dériver le terme religion de relegere (relire) et religare (relier).
11 C'est la thèse correspondant à une saine lecture du texte sacré que défend d'ailleurs un cheikh respectable الشيخ محمد جلال كشك dans un livre qui a fait polémique : خواطر مسلم في المسألة الجنسية, مكتبة التراث الإسلامي، القاهرة، الطبعة الثالثة 1992،. J'y fais référence dans l'article cité ci-après dans la note n° 12. Ce livre, téléchargeable sur internet, a été interdit à la vente en 1964 avant qu'il ne finisse par obtenir toutes les autorisations nécessaires en 1985 après qu'une commission islamique ad hoc constituée en Égypte ait jugé son caractère parfaitement licite, ne contredisant en rien la religion islamique.
13 Au sens étymologique d'esthétique qui signifie, en grec, sensation. L'aesthetica donc est étymologiquement la science du sensible, de la sensibilité ou des sens; comme c'est le cas chez Kant et la Critique de la Raison pure.
15 C'est ce qu'écrit Baudelaire dans ses Peits poèmes en prose au chapitre XVIII sous l'Invitation au voyage, édition de 1869.
16 Ibid.
17 Simmel parle du « roi clandestin » et Hanna Arendt de « roi secret » au sens de courant qui conduit une époque et en cristallise comme la pensée radicale. Pour Michel Maffesoli, par exemple, le roi secret ou clandestin de notre époque postmoderne est le réenchantement du monde.
18 Virgile, Géorgiques, liv. III, v. 284.
19 Cf. Cette lumière qui est en nous, art. préc.
20 Cf. à ce sujet l'ouvrage de Michel Maffesoli, Éloge de la raison sensible, 1996, la Table Ronde, Paris, 2005. Notons qu'il vient de paraître au Maroc, traduit en arabe grâce à l'abnégation de notre ami et fidèle adepte de la pensée maffesolienne Abdallah Zarou, dont le talent n'a d'équivalent que la volonté de relever le défi de mettre à la disposition du public arabophone l'ensemble de la pensée jubilatoire de Michel Maffesoli : مزايا العقل الحساس. دفاعا عن سوسيولوجية تفاعلية، ترجمة عبد الله زارو، إفريقا الشرق، المغرب، 2013 À cette occasion, un salut s'impose ici aussi au sympathique responsable de la maison d'édition Afrique Orient, Camil Hoballah, qui permet à cette utopie de se matérialiser.
21 Dans Aïon, études sur la phénoménologie du Soi, Albin Michel, 1983, 322 p. Jung y décrit le processus d'individuation qui est l'axe de la psychologie des profondeurs, aboutissant à la réalisation d'une totalité psychique transcendant le moi, dénommée Soi.
22 Et ce n'est pas pour étonner, la pensée de Jung constituant, selon Michel Maffesoli, la «grille de lecture la plus éclairante sur la postmodernité ». Cf. entretien au numéro Hors série Le Point, les Maîtres Penseurs : Le mystère Car Jung, n° 13, décembre 2012, p. 96.
23 A. Gramsci, Quaderni del carcere, édition établie par Valentino Gerratana, Turin, Einaudi, 1975, p. 1513. Les extraits sont tirés du tome 3 p. 309. Notons que quatre tomes des cahiers de prison ont paru en français, à Paris, chez Gallimard, avec avant-propos, notices et notes de Robert Paris: 2. Cahiers n° 6 à 9, 1983, 770 p.
24 Ibid, p. 309.
25 Ibid. p. 312.
26 Cf. Leaders : La défaite de la raison
27 Cf. Sortir l'islam de l'islamisme, Le Monde du 16.12.2012