Tunisie-UE : Pour le visa biométrique de circulation
L'Union européenne et la Tunisie réunissent leur Conseil d'association lundi 18 avril. On y fera certainement le point sur l'état du partenariat tuniso-européen, mais il y sera surtout question de la priorité actuelle de l'Europe, la conclusion à marche forcée de ce qu'elle nomme Accord de Libre-Échange Complet et Approfondi ALECA.
Or, cet accord, dénoncé par nombre de voix crédibles pour ses retombées négatives, sinon néfastes, sur la santé de l'économie tunisienne, n'est ni complet ni approfondi contrairement à ce qu'il prétend.
Pour l'être et pour compenser un peu son contenu léonin pour l'intérêt bien compris du partenaire tunisien, il devrait être étendu à la libre circulation humaine en étant débaptisé en ALECCA.
Une libre circulation sous le visa biométrique actuel
À une demande en bonne et due forme venant de la partie tunisienne liant le libre échange à la libre circulation humaine, l'Union ne saurait s'opposer, sauf pour faire de l'esbroufe ainsi que le commande toute négociation qui se respecte.
Aussi, la diplomatie tunisienne ne doit pas hésiter à demander ce que commandent le droit et l'éthique. Et cela sera d'autant plus légitime qu'il ne dérogera en rien à la situation actuelle, le visa en usage restant en place, juste transformé en visa biométrique de circulation.
Ce qui consistera, au vrai, à le rationaliser pour lui éviter toute obsolescence, étant devenu criminogène, à la source de drames récurrents en Méditerranée. Une voix européenne autorisée n'a-t-elle pas qualifié la situation en Méditerranée du fait du visa actuel comme connaissant un "holocauste moderne"?
Il est à noter, par ailleurs, que le visa de circulation est bien connu, étant utilisé d'ores et déjà, mais de manière exceptionnelle, limitée à certaines catégories de Tunisiens. Il ne s'agira donc que de généraliser ce type particulier de visa, devenant la règle pour les ressortissants de tout pays se démocratisant.
Première étape concrète vers l'adhésion à l'Europe
Une telle mesure à instaurer rapidement en hommage à la démocratie naissante en Tunisie donnerait au reste réalité aux arguments avancés par les négociateurs européens en vue de convaincre la Tunisie de l'intérêt de conclure ALECA.
En effet, on n'a pas manqué de faire état, à bon droit, de la nécessaire mise à niveau de l'économie tunisienne par une inclusivité poussée de son commerce dans le système européen. On a même affirmé, enfin, que ce serait une étape décisive pour l'adhésion de la Tunisie à l'Europe, une adhésion donnée pour hypothèse d'avenir.
Nous pensons que cela est inévitable et est même la seule alternative crédible pour sauver la démocratie en Tunisie menacée de toutes parts. Aussi, l'ouverture des frontières aux ressortissants tunisiens sous visa biométrique de circulation sera la meilleure preuve des bonnes intentions européennes à l'égard de la Tunisie.
Quelle meilleure manifestation, en effet, de l'éligibilité de la Tunisie à l'adhésion que d'admettre déjà librement ses ressortissants sur son territoire et expérimenter ainsi, avec une communauté réduite, mature et sans trop de problèmes un tel système d'avenir ?
Il l'est, en effet, pour faire disparaître la clandestinité qui n'a été que le produit d'une fermeture de frontières supposée être provisoire. D'autant plus qu'elle est devenue inefficace tout en encourageant la radicalisation des jeunes contrant le rejet dont ils font l'objet de circuler librement — un droit inaliénable — en se laissant tenter par le terrorisme.
Manifestation de l'appui de l'Europe à la transition tunisienne
Ce sera aussi de la part de l'Europe une manifestation sincère et ambitieuse de l'appui qu'elle dit apporter à la Tunisie et qui reste bien parcimonieux eu égard aux défis auxquels fait face la Tunisie.
En effet, la transition tunisienne ne réussira que par des mesures osées et courageuses ayant de l'effet sur l'imaginaire populaire et l'inconscient collectif. Or, la libre circulation, ainsi qu'ultérieurement l'adhésion à l'Europe, aura un tel effet tout en permettant le saut qualitatif devenu absolument nécessaire pour des rapports sereins et prometteurs.
Cela est d'autant plus possible qu'il confirmera l'exception tunisienne méritant un statut particulier en Europe et un traitement à part par rapport aux autres partenaires de l'Europe, que cela soit le Maroc ou la Turquie. C'est que ces deux pays n'emportent nullement, comme la Tunisie, les promesses d'un avenir grandiose, propice à la paix et à la prospérité en Méditerranée.
Ce qui y créera un espace de démocratie, jalon pour une future aire de civilisation entre l'Orient et l'Occident dont la Tunisie serait la pierre angulaire grâce à ce qui s'y passe, dûment encouragé par ses partenaires les plus sûrs, et dont le sort est intimement lié à la paix et à la prospérité sur son territoire aujourd'hui menacé.
Publié sur Al Huffington Post