Le congrès d'Ennahdha se tient ce week-end et on dit qu'il sera celui de l'aggiornamento. Or, il ne le sera que si de vraies décisions y sont prises, sur des questions sensibles constituant le coeur de cible du projet politique et idéologique du parti.
Une relle rénovation du parti est d'autant plus nécesaire qu'on ne peut se passer de lui au gouvernement de Tunisie; sa présence y est non seulement fatale, mais utile.
Parmi les questions sur lesquelles les congressistes doivent se pencher le plus sérieusement, j'ai dénombré un certain un certain nombre faisant encore figure d'interdits et ayant le mérite de mettre à bas le masque qu'affectionnent nos religieux voulant jouer aux démocrates. Alors, c'est le moment de vérité pour faire montre d'éthique en politique !
Oser traiter des sujets interpellant l'inconscient populaire
Ce sont des sujets relevant de ce dont on ne veut pas parler, les considérant tabous en prétextant un mythique conservatisme de la société, alors que cela ne traduit que le conservatisme de certaines élites, religieuses comme profanes d'ailleurs, et qui leur permet de garder en l'état une législation scélérate.
En effet, datant de la colonisation et de la dictature, de tels sujets sont à la base de lois dont la seule utilité est de contrôler la société et brimer sa jeunesse avide de libertés et de droits pourtant constitutionnellement garantis.
Pour cela, on prétend que ces textes juridiques injustes et illégitimes, désormais nuls de nullité absolue et ne devant plus être appliquées par les juges, seraient moraux, imposés par la religion.
Or, il a été démontré que l'islam correctement interprété est bien innocent de pareilles turpitudes qui le transforment en religion obscurantiste, alors qu'il a été et doit rester une foi avant-gardiste en matière de libertés du fidèle, surtout dans le cadre de sa vie privée.
Parmi ces droits inaliénables que l'islam consacre figure le droit à une libre vie sexuelle, quel que soit le partenaire, les rapports entre mêmes sexes n'ayant jamais été prohibés ni par le Coran ni par la Sunna authentique.
Au vrai, ils l'ont été par une doctrine entichée de tradition judéo-chrétienne, ce qu'on appelle Israilyet. Ainsi, la loi qui les fonde, l'article 230 du Code pénal, est un héritage de la pastorale chrétienne datant de la colonisation française.
Pareillement, l'égalité successorale est une option de l'islam qui a élevé le statut de la femme dans le cadre d'une dynamique devant finir par la parfaite égalité entre les sexes.
Par ailleurs, le commerce et la consommation d'alcool n'ont jamais été interdits, le commerce étant une activité libre et encouragée en islam et la consommation d'alcool n'est pas illicite, seule l'ivresse l'étant, surtout pour faire la prière.
Enfin, le jeûne n'a jamais été érigé en une obligation absolue, notre religion tolérante et respectueuse de la liberté de croyance dans le cadre d'un rapport direct entre Dieu et sa créature sans aucun intermédiaire, reconnaissant nombre de possibilités licites pour ne pas jeûner à qui ne le souhaite pas moyennant compensations prévues et précises.
Pourtant, des textes illégitimes et illégaux continuent à empêcher les Tunisiens de vivre librement leur foi en n'étant pas obligés d'affecter de jeûner en public ou de consommer s'ils le souhaitent l'alcool en plein ramadan.
De quel droit interdit-on ce que Dieu a permis en suivant un effort de jurisconsultes qui n'est plus valide ? Applique-t-on le Coran ou plutôt l'œuvre jurisprudentielle, comme les juifs orthodoxes le font de l'effort de leurs rabbins ? Est-ce encore l'islam authentique ?
Oser une action politique éthique fondée sur le vrai islam
Voilà donc quelques cas concrets sur lesquels le parti Ennahdha, s'il souhaite vraiment devenir une Démocratie islamique et s'il puise dans l'islam et non dans la tradition judéo-chrétienne, doit se déterminer au plus vite et trancher durant son actuel dixième congrès en cette fin du joli mois de mai.
Qu'il soit vraiment celui d'une nouvelle naissance à un islam patriotique et national tunisien, ouvert à l'altérité, humaniste et tolérant ! Ce qu'est l'islam populaire en Tunisie. Qu'il soit authentiquement islamique, renouant avec l'islam des origines et engageant la Tunisie sur le chemin d'une politique enfin éthique et sereine, respectueuse de toutes et de tous !
À cet effet, je rappelle à l'attention des congressistes que s'ils font aujourd'hui l'objet d'attentions de la part de leurs ennemis d'hier, j'ai été parmi les rares à saluer leur accession au pouvoir en 2011 y trouvant une chance pour la Tunisie et son intérêt bien compris.
Contrairement à ceux qui exagèrent en s'empressant sans réalisations concrètes à les couvrir d'éloges après les avoir voués aux gémonies, je n'ai critiqué le parti que lorsqu'il a fait montre de sa mauvaise foi, refusant de prendre la moindre initiative dans le bons sens.
Celui-ci est bien évident; c'est celui du vivre-ensemble paisible entre idéologies et obédiences en ce pays dont le peuple est foncièrement pluriel dans son envie de vivre sa vie avec cet hédonisme que son histoire a toujours attesté.
Témoin en sont mes nombreuses lettres adressées à cheikh Ghannouchi et que je me permets de rappeler ci-après avec la date de publication pour démontrer l'objectivité de mon attitude à l'égard des islamistes que je critique sévèrement aujourd'hui parce que leur inaction coupable l'impose.
Mais cela reste toujours une critique se voulant constructive, jamais hypocrite, ma façon d'être juste de voie et de voix, cette justesse si difficile en ce temps de confusion des valeurs et qui est une justesse tout autant qu'une justice dans la tenue de la parole de vérité.
Je me limite dans mon rappel ici aux missives libellées directement au nom du cheikh, sans référence aux nombreux billets libellés à l'adresse d'Ennahdha ou de ses militants tout en n'étant pas moins sincères dans le conseil.
Pourvu donc que cela serve à quelque chose dans l'intérêt bien compris de notre patrie qui a bien besoin de tous ses enfants sincères ! Or, ils se recrutent heureusement de tous bords, faut-il qu'ils osent se monter et tenir la parole de vérité !
Si je le fais, c'est à l'intention de ceux qui sont honnêtes au sein du parti, ayant enfin le sursaut de conscience pour oser dire stop à la basse politique politicienne qui viole leur foi, la morale et le droit, les faisant relever d'une pratique antique de la politique où on est réduit non plus à jouer vainement au lion et au renard, mais juste au chat se prenant pour un lion.
Or, en notre époque qui est l'âge des foules, le peuple est au fait de tout, et il est le seul vrai souverain; c'est la puissance sociétale que nous vérifions chez nous. Aussi, nos élites, si elles ne sont pas éthiques, s'adonnant à ce qui est désormais une poléthique, n'illustrent que ce qui a été déjà vilipendé par le Mutanabbi maghrébin :
ألقاب سلطنة في غير موضعها | كالقط يروي انتفاخا سولطة الأسد
Florilège de lettres à Monsieur Rached Ghannouchi
Afin d'aider les congressistes à réussir leur mue enfin éthique, voici un florilège de mes lettres adressées à leur chef depuis 2012.
C'est une énième invitation à une pratique morale de la politique au nom de nos valeurs supposées communes, plus que jamais d'actualité, et que je veille scrupuleusement à honorer en ce moment crucial de l'histoire de notre patrie.
En effet, tout y est possible, le meilleur comme le pire; que les justes d'Ennahdha fassent donc que ce soit le meilleur. Je serais là pour le y aider pour le salut de la patrie afin que la Tunisie soit au plus vite l'exception qu'elle est déjà en puissance.
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Publiée le 29 février 2012 sur Nawaat.
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Publiée le 25 mars 2012 sur Nawaat.
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Publiée le 2 décembre 2012 sur Nawaat.
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Publiée le 26 décembre 2013 sur Leaders.
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Publiée le 2 avril 2015 sur Al Huffington Post :
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Publiée le 20 juillet 2015 sur Al Huffington Post.
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Publiée le 10 mars 2016 sur Al Huffington Post.
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