Quelle nouvelle Tunisie ?
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Recette de l'esprit d'Othman Ibn Affène
Reprenant mon expression fair-pray, appréciée par l'esprit de Farhat Hached, celui du troisième calife Majeur rappela que le génie de l'islam qu'il chercha à préserver par son Codex est soufi. C'est, bien évidemment, le soufisme, des origines, celui des premiers fidèles.
L'islam des origines est le soufismeIl a confirmé à ce propos, d'une part, que le terme soufi a une double dérivation : celle des gens de la Soffa, préau de la mosquée du prophète à Médine, mais aussi de souf, la laine qui était la marque des pauvres et des premiers croyants.
D'autre part, que l'islam soufi est d'abord et avant tout celui des vrais sunnites, partant de l'exemple Junayd comme de bien entendu que confirment les travaux de Mouhassibi, Sarraj Toussi, Koulabadhi, Mekki, Kochairi, Ghazali et même Chatibi.
Et il a affirmé que seul le soufisme sauvera l'islam qu'il voit en bien plus grand danger qu'il n'était déjà quand il a eu à le préserver avec son Codex. Car des ennemis déclarés, mais aussi d'autres occultes, agissent de l'intérieur même de l'islam pour en détruire l'assise; les pires ennemis étant ceux qui prétendent s'en réclamer.
Manifestant toutefois sa certitude que rien ne démolira les fondations de l'islam authentique, ne serait-ce que parce qu'elles ont leur socle dans le coeur des fidèles, il n'a pas moins dit sa peine des sales temps par lesquels vont passer des innocents au vu de la foi pure, jugés coupables au nom d'une foi frelatée, l'islam devenant quasiment étranger, étrange étranger.
Ce sont les vrais fidèles qui le sauveront en lui permettant de renaître à sa pureté originelle, débarrassé des scories antéislamiques et judaïques qui en ont altéré le message de paix et d'amour.
Car l'islam restera une foi rationaliste et universaliste, donc œcuménique, étant une culture, un mode de vie en congruence avec son temps, avant d'être un simple culte. Une telle essence scientifique est la caractéristique majeure de l'islam qui est bien plus qu'une simple croyance, ce qui fait sa spécificité de sceau de la révélation monothéiste. Or, cet islam-là n'est que l'islam soufi.
Le soufisme est le vrai salafismeLe grand connaisseur de l'islam qu'est l'esprit du calife Othman assura qu'il n'y de salafi que le fidèle soufi au sens bien évidemment du soufisme premier, celui des Vérités ainsi que l'honoraient les disciples d'Ibn Hanbal, Ibn Al Jawzi, Ibn Taymia et Ibn Al Qaïm.
Et il a confirmé que l'islam maghrébin est sui generis aujourd'hui, étant encore le plus proche de l'islam de son temps, l'islam des riches heures de la foi de Mohamed, le seul vrai salafisme en tant que retour à la révélation et à la tradition d'origine.
Il a dit aussi trouver dans l'islam maghrébin, en général, et tunisien en particulier, la veine qui animait l'islam de son temps, celle d'Ali Ibn Abi Talib, par exemple, reprise pour partie par les chiites — regrettant néanmoins qu'on la déforme souvent —, ou celle d'Al Ashari, disciple des rationalistes de l'islam que furent les Mouatazalites, ou encore celle de Hassan Basri.
À ce propos, confirmant l'essence de l'islam qu'on retrouve dans le soufisme et qui est le choix de la paix à la guerre — car, dit-il fermement : il n'y a pas de guerre sainte en islam — il cita Hassan Basri qui refusa d'apporter son soutien au cousin du prophète lors de la première guerre civile en islam tout en appuyant sa juste revendication du pouvoir.
Il n'y a plus que le jihad akbar en islamSur cet épisode dramatique de l'histoire musulmane qui eut pour origine son assassinat, l'esprit d'Othman dit, avec tristesse, qu'on a eu à vivre un moment terrible de confusion des valeurs, et qu'il en voit la réédition de nos jours.
Aussi est-il très catégorique : il ne faut pas hésiter un seul instant : sauver l'islam, c'est revenir à sa saine lecture soufie; c'est répudier le wahhabisme, pour commencer, ainsi que toutes ses déclinaisons rigoristes, y compris le chiisme.
Cela peut être fait, assura-t-il, grâce au soufisme qui a la mérite d'être une spiritualité oecuménique permettant la renaissance de la vraie conception de la foi islamique qui est scientifique et non idéologique.
Il a aussi mis en garde contre la nouvelle guerre civile déchirant l'oumma musulmane en rappelant qu'elle n'a jamais été, à l'origine, fermée, ayant toujours été ouverte à l'altérité. Ce qui a permis la diffusion de l'islam qui s'est certes faite selon les règles anthropologiques de son temps, soit par les armes, mais d'une manière qui était civilisée en quelque sorte; surtout grâce à l'adhésion de peuples opprimés trouvant dans la foi islamique leur libération de l'oppression.
Cet aspect de l'islam comme théologie de libération est une constante de cette religion, affirma-t-il, mais pas dans le sens basique des faux musulmans qui croient au jihad armé et qui ne sont que les ennemis de l'islam. Le seul vrai jihad, affirma fortement Othman, est le jihad akbar, l'effort maximal qui consiste à lutter contre les défauts de la condition humaine, imparfaite de nature, et de la purifier.
Comme l'émigration ou hijra, le jihad mineur, soit par les armes, a pris fin, assura-t-il. On ne peut aujourd'hui prétendre agir au nom de l'islam en recourant aux armes; on ne peut combattre légitimement pour l'islam que par la parole et l'exemple.
Le martyre en islam suppose de vivre pour témoignerEt il rappela que la parole est tellement importante en islam que l'on considéra la sourate Al Alaq (le caillot de sang) comme la première révélée. De plus, nota-t-il, confirmant mes propres analyses, il n'et pas de martyre en islam par le suicide que l'islam considère être un crime; or, l'acte kamikaze est à la fois suicide et crime; il est donc un double forfait anti-islamique.
Loin de consister à se tuer pour une cause, le vrai martyre en islam, dit Othman, est le témoignage, commandant de rester en vie afin d'apporter la parole de vérité et de vivre en donnant l'exemple. C'est ce que j'appelle être juste de voix et de voie, expression ainsi confirmée par l'esprit d'Othman comme étant l'éminent exemple du parfait musulman.
C'est à ce moment qu'intervint notre poète Abou Al Kassim Chebbi pour dire qu'il a déjà dit dans un poème (c'était Philosophie du serpent sacré) que le terrorisme appelle le terrorisme; or, le terrorisme dont il a parlé n'est pas nécessairement un terrorisme physique, mais le terrorisme des idées justes et de la pensée passionnée et révolutionnaire qui est en mesure de contrer le terrorisme mental faisant de l'islam une religion de haine et de terreur alors qu'il est et restera une foi de paix.
Alors, l'esprit d'Othman parla de nouveau, concluant notre colloque spirituel en rappelant que le prophète avait bien repris une parole célèbre de l'Anté-islam en en rectifiant la compréhension.
Aussi, si l'on doit bien supporter sa fratrie en toute occasion, innocente ou coupable, l'aide apportée, quand la famille est coupable, consiste à arrêter son injustice, la ramenant à la justice qui doit toujours être justesse.
Publié sur Al Huffington Post