Appel au Conseil de l'ordre des avocats : Exigez l'abolition de cette honte qu'est l'article 230 Code pénal !
Monsieur le Bâtonnier,
On s'attendait à voir le Conseil de l'ordre des avocats prompt à dénoncer les pratiques moyenâgeuses du test anal et saisir cette occasion pour exiger l'abolition officielle de leur base légale, l'article 230 du Code pénal.
Cet article scélérat est devenu nul et non avenu depuis les acquis de la nouvelle Constitution en droits et en libertés, ainsi que le veut un État de droit qui se respecte.
Des avocats du diable
Or, à ce jour, il n'en a rien été et on voit même des ténors du barreau, jouant aux avocats du diable, prétendre justifier cet article de la honte par la Constitution même, qui ne garantirait pas, d'après eux, la liberté sexuelle. Ils n'hésitent ainsi pas à tenir des arguments relevant et de l'intégrisme religieux et d'un intégrisme juridique honteux pour une démocratie naissante comme la Tunisie.
Les moins malintentionnés parmi de tels avocats du diable cherchent à cacher leur gêne et/ou leur homophobie latente ou assumée en prétendant que le moment n'est pas propice à une nécessaire réforme qui serait un luxe pour une société pas prête à les entendre à une telle évolution fatale.
Ce qui est archifaux, car il est plus urgent que jamais d'arrêter la daéchisation rampante des esprits à laquelle on assiste en osant s'attaquer à ce qui empêche le saut qualitatif de notre pays vers la démocratie et un vivre-ensemble pacifique de tous avec les différences et les spécificités de chacun. Or, notre société est tolérante dans l'âme !
L'homophobie est du terrorisme
L'homophobie est au coeur du rejet d'autrui, elle constitue un frein dans l'inconscient qui nous empêche d'accepter le différent. L'abolir maintenant, c'est permettre de lever ce frein qui vicie notre imaginaire, base de notre comportement conscient. Voilà pourquoi l'abrogation de l'article 230, déjà nul de nullité absolue, est une oeuvre d'intérêt national prioritaire.
Aujourd'hui, l'homophonie alimente un terrorisme mental rampant et prépare le pays à une daéchisation qui gagne du terrain, même dans des têtes supposées bien faites. Il est de la responsabilité des juristes, et des avocats surtout censés défendre les libertés, d'exiger l'abolition d'un texte scélérat, survivance de la dictature et de la colonisation, qui viole de surcroît l'islam correctement interprété.
Que des paroles injustes et iniques viennent de la part d'avocats au service de l'Islam intégriste qui entend violer l'islam tunisien populairement tolérant et respectueux des libertés privatives, cela ne saurait étonner quand on sait les moyens faramineux dont dispose l'islam radical pour servir diaboliquement sa cause attentatoire aux vraies valeurs islamiques.
Ce qui est inadmissible est que le Conseil de l'Ordre ne prenne pas de position que ses devoirs de défenseur des valeurs humanistes lui imposent, outre l'éthique. Celle-ci commande incontinent d'abolir une homophobie faisant le lit de l'intégrisme qui n'est que le rejet d'autrui, l'homosensuel étant la figure emblématique du différent absolu.
L'islam n'est pas homophobe
D'autant plus que dire une telle parole de vérité reviendra à défendre aussi notre religion dont les faussaires caricaturent les valeurs et les défigurent bien plus atrocement que ses ennemis.
Car l'islam n'est nullement homophobe, le Coran n'ayant jamais prescrit, comme la Bible, l'interdiction de ce sexe particulier que l'on retrouvait chez d'augustes jurisconsultes, non seulement pratiqué, mais aussi chanté. L'homoérotisme en islam est une vérité incontournable.
Dans le Coran, nous n'avons qu'un rappel de l'ordre juridique passé, consacré par une prohibition biblique que l'islam n'a pas reprise à son compte. Or, en droit islamique, le principe demeure la licéité en l'absence de prescription expresse.
Si le Coran a parlé dans divers versets de l'histoire des gens de Loth, il n'en a tiré aucune prescription expresse, ayant saisi que ce sexe relève de la nature et n'était nullement contraire à elle; ce que confirmera la science bien plus tard, au demeurant.
C'est aussi ce qu'avait compris la culture de la Grèce antique où on magnifiait l'amour dit grec, et qui a eu l'influence qu'on sait sur la civilisation arabe islamique.
S'agissant de la tradition avérée du prophète — celle consignée dans les deux compilations majeures faisant foi de Boukhari et de Mouslem —, elle ne comporte aucun dire en la matière. Abou Hanifa et Chafaï, dans le plus véridique des deux récits rapportés de ce dernier, confirment d'ailleurs que rien n'est attesté de la part du prophète sur la question.
L'homophobie en islam est une pure création jurisprudentielle qui a été l'oeuvre de jurisconsultes dont la plupart — ainsi que noté par Ibn Khaldoun — avaient l'imaginaire et l'inconscient influencés par la tradition judéo-chrétienne.
Nos jurisconsultes ont élaboré de par leur propre effort d'interprétation une construction jurisprudentielle en alignant l'homosensualité sur l'adultère qui fait l'objet d'une prescription expresse. Si cet ijtihad était assez conforme à la mentalité de l'époque, il est devenu obsolète aujourd'hui et nécessite un nouvel effort, l'ijtihad étant une nécessité continue en islam.
Ce qui montre l'illégitimité de l'alignement du sexe homophile avec l'adultère, c'est qu'on en a fait la pire des turpitudes, bien plus grave que celle de l'adultère servant d'étalon pour la comparaison.
Un tel raisonnement illogique ne peut plus faire foi en une religion se voulant rationaliste et juste, nullement contradictoire avec les acquis de la science et les valeurs humanistes.
L'exception Tunisie
C'est donc l'humanisme de l'islam qu'il s'agit de préserver en exigeant l'abolition immédiate d'un texte de loi que l'esprit et la lettre de la Constitution ont vidé de toute pertinence.
Le Conseil de l'ordre ne saurait ne pas y contribuer. D'autant plus que, ce faisant, il sauvegardera l'éthique de son action et de sa mission au service des libertés publiques comme privées.
Alors, Monsieur le Bâtonnier, à quand une position officielle, nette et claire, du Conseil de l'ordre des avocats dénonçant les honteux agissements immoraux des tests anaux et exigeant l'abolition sans plus tarder de l'article 230, condensé de la scélératesse de l'arsenal juridique de la dictature déchue ?
C'est une question d'honneur, aussi bien celui de l'ordre des avocats tunisiens que de la Tunisie sur son chemin périlleux vers la démocratie. Abolir l'homophobie, c'est consolider cette exception tunisienne dont les ennemis de la démocratie ne veulent pas, ligués pour faire avorter la démocratisation du pays.
La Tunisie mérite le meilleur, son peuple étant mûr pour un État de droit, respectueux des libertés privatives et révérencieux des droits de tout un chacun. C'est cela qui fera l'exception Tunisie; contribuez donc à son advenue, Monsieur le Bâtonnier de l'ordre des avocats !