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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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vendredi 25 mai 2018

Diplomatie de l’islam 3

Comment être pieux aujourd'hui en Tunisie ?







Constitutionnellement, la Tunisie est un État civil dont la religion est l'islam; ce qui suppose de nouvelles lois et pratiques que celles encore en vigueur, qui ne tiennent pas compte ni de la donne constitutionnelle, juridiquement au sommet de la hiérarchie légale, ni de l'évolution des mentalités populaires.

Il est un décalage effarant entre le pays légal et le pays réel qu'illustre bien ramadan cette année dont le début a coïncidé avec la Journée mondiale de lutte contre l'injustice de l'homophobie. En effet, cette manifestation est toujours ignorée en une Tunisie supposée respecter l'islam et qui ne célèbre pas ce qu'impose cette religion se voulant pourtant justice.

De plus, on n'y respecte pas la liberté de ne pas jeûner au prétexte que la majorité jeûne et qu'en démocratie, la majorité l'emporte. Or, la démocratie impose justement le respect des droits de la minorité, car ne pas jeûner n'altère en rien le droit de jeûner; c'est le contraire qui porte atteinte à l'ordre public et au vivre-ensemble paisible, marques de toute démocratie qui se respecte, où la religion est paix, ce qui est la définition même de l'islam.

Être pieux aujourd'hui en islam

Comment donc être pieux en Tunisie aujourd'hui ? C'est de l'être véritablement; ce qui impose que les élites au pouvoir commencent par arrêter de se référer à un mythique conservatisme social, un tel conservatisme n'étant que le fait d'une minorité privilégiée, ayant le pouvoir et tenant à le conserver avec des lois scélérates, celles de la dictature et de la colonisation.

Cela impose surtout que les militants pour les droits et libertés cessent de faire de l'islamophobie, car ils ne se révèlent alors que les meilleurs complices des religieux intégristes. Tout comme ces derniers, ils se doivent d'utiliser l'arme de la religion, non plus pour la violer comme eux, plutôt pour appeler à en sauvegarder et l'esprit et la lettre en application de la constitution. Ils ne doivent donc plus tomber dans le piège d'être taxés de laïcistes, ce qui relève du dogmatisme qu'ils reprochent justement à leurs adversaires.

Ainsi, s'agissant du tabou absolu en islam qu'est l'homosexualité, au lieu de s'agiter sans agir, ils ont bien intérêt à proposer et défendre tout au long de ramadan, au nom de l'islam justement, le projet de loi ci-après rappelé, tendant à abolir l'homophobie en osant rappeler — ce qui a été démontré —  que l'homosexualité n'est pas contraire à l'islam.

Ils pourront de la sorte avoir gain de cause tout en faisant d'une pierre deux coups. D'abord, rappeler que l'islam se veut justice et qu'être pieux, c'est agir contre l'injustice, dont l'homophobe reste l'exemple type. Ensuite et dans le même temps, agir contre toutes les formes de dictature morale, dont l'interdiction de ne pas jeûner en public, comme on le fait maladroitement ces jours-ci.

Voilà le discours à tenir par les militants en terre d'islam au lieu de continuer à user d'une mauvaise stratégie; et ils ont intérêt à le tenir dès ce ramadan. Est-il fatal, en effet, que tout au long de ce mois pieux, on n'entende que les discours éculés des intégristes qui, en plus de sonner faux, n'ont plus aucun fondement valide ni une véritable écoute, sauf à la simuler ? Au vrai, ils ne reflètent plus et d'aucune façon la réalité du pays qui s'est émancipé de l'ordre moral de la dictature, même si ses lois restent en vigueur, tout en étant illégales en plus d'être illégitimes. C'est ce qui fait que la Tunisie demeure encore un État de non-droit.  

Aussi, la célèbre question de Montesquieu, dans la trentième lettre de son roman épistolaire, de savoir comment peut-on être persan est toujours d'actualité. Elle est parfaitement légitime de nos jours en la mettant tout juste au goût de notre temps, en demandant : comment peut-on être pieux en islam ?

Au début de la quintessence de la piété qu'est ramadan, il est par conséquent parfaitement judicieux pour le musulman, intégriste ou non, de rappeler encore et encore qu'être pieux revient à veiller au comportement juste avec son prochain pour honorer le souci de justice de sa foi. Être juste pour un croyant honnête, c'est admettre ce que la religion n'a point interdit; ce qui est le cas de l'homosexualité ou de ne pas jeûner en public; et cela suppose, si l'on est véritablement pieux, d'agir pour abolir de telles injustices flagrantes.

Dissertons donc, pour commencer, de l'homophobie eu égard à son aspect symbolique; c'est le bouchon qui, une fois sauté, libérera tous les autres sujets tabous en islam.

L'homophobie est coloniale

Si l'on continue, dans cette religion, à ne pas admettre le droit d'être gay, c'est pour cause d'absence de discours militant crédible sur la question, éclairant et non trompant et désinformant. Car même ceux qui ont quelque chose à dire se taisent de peur d'être stigmatisés ou agressés.

Il est à noter ici que les homophobes sont loin d'être tous religieux; or, ces derniers qui sont les plus nombreux parmi les députés, s'ils refusent l'abolition de l'homophobie, c'est au nom du respect de l'islam. En vérité, ils sont juste attachés à leur foi, refusant le discours des militants qu'ils jugent comme une pure reproduction d'arguments laïcistes d'un Occident dont l'histoire religieuse est différente de celle de l'islam. C'est cela qui explique le refus de célébrer une journée dédiée à la lutte contre l'injustice, alors que l'islam y invite.

Outre les homophobes, les militants se retiennent aussi de s'opposer à une telle désinformation concernant l'islam, prétextant ne pas devoir parler de religion. Ce qui est absolument aberrant, la constitution qu'ils invoquent les y obligeant, puisqu'elle impose le respect des valeurs de l'islam. Par ailleurs, s'ils commencent enfin à rappeler que l'article 230 du Code pénal est un texte colonial, ils n'osent même pas dire qu'il n'a été qu'une importation de la morale chrétienne durant le protectorat et qu'il n'a aucune racine véritablement islamique. C'est cela qui fait que les militants n'ont point d'écoute auprès des masses qui les taxent d'être au service d'un Occident islamophobe.

Comment alors réussir à avoir de l'écho auprès du large public sinon en agissant à changer une stratégie qui s'est révélée particulièrement mauvaise ? Elle est même néfaste, nombre de gays regrettant désormais de ne pouvoir vivre en paix comme avant la médiatisation qui ne sert que le business de ceux qui la font. Ce serait, par exemple, en rappelant qu'avant l'adoption du texte colonial, les musulmanes et les musulmans ne se cachaient pas d'aimer leurs semblables, de chanter même publiquement l'amour homoérotique; qui, d'ailleurs, a égalé en la matière Abou Nouas ? Et en notant que du temps de l'obscurantisme chrétien dans l'Occident du Moyen Âge et même récent, obscurantisme quasiment semblable à ce qui existe aujourd'hui en terre d'islam, les gays occidentaux venaient au Maghreb et allaient en Arabie vivre leur sexe en toute liberté.

Innocenter l'islam d'une prescription biblique

Avec les études publiées aussi bien en France (1) qu'au Maroc (2), plus rien ne s'oppose en terre d'islam — du moins au Maghreb, notamment en Tunisie et au Maroc, pays appelés à être les plus avancés en termes de libertés — à l'abolition de l'homophobie, manifestée par l'article 230 du Code pénal tunisien et 489 de son homologue marocain.

Au lieu de développer la juste conception de l'islam sur l'homosexualité, les militants anti-homophobie s'en défient, allant dans le sens des intégristes sur la prétendue homophobie de l'islam. Ils se retiennent même d'exiger publiquement que les autorités fêtent la Journée mondiale de lutte contre l'homophobie du 17 mai. Ou alors, on le fait si mal, avec la certitude d'un refus des autorités au motif que cela n'est pas conforme aux traditions du pays ni à ses valeurs; ce qui est regrettable quand on peut agir autrement, comme il a été déjà et sera encore précisé infra. Les militants préfèrent célébrer la journée mondiale entre intimes, dans un quant-à-soi qui confirme ce que pensent les autorités et la majorité de leurs concitoyens, à savoir qu'il s'agit d'une tradition étrangère à l'islam, aux fondamentaux du pays.

Nonobstant, avec les données attestées scientifiquement, ils sont en mesure de faire avancer leur cause tout en respectant l'ordre légal. Ce que le texte suprême du pays, aussi bien en Tunisie qu'au Maroc et ailleurs dans les pays arabes, suppose et impose par sa référence aux valeurs de l'islam. Il est, par conséquent, inéluctable, pour obtenir l'abolition de l'homophobie, d'avoir à soutenir au préalable qu'elle viole l'islam tout comme elle viole les autres dispositions constitutionnelles à caractère civil. Quelle meilleure arme on aura alors contre l'homophobie : demandant à célébrer la Journée de lutte contre l'homophobie, les militants diront le faire aussi contre l'islamophobie !

Concrètement, ils préciseront que si la Bible jette l'anathème sur le sexe gay, le Coran ne comporte que du récit, rappelant ce qui a existé avant l'islam; et un récit n'y fonde pas prescription. Ce sont les jurisconsultes, influencés par la Bible, qui ont créé l'homophobie, extrapolant sur l'adultère. Et de répondre à ceux qui disent que Dieu a bien puni les gens de Loth que ce le fut non pas pour homosexualité, mais pour banditisme de grand chemin. Dieu certes parle d'eux en pédérastes, mais cela relève de la figure de style arabe généralisant ce qui est particulier pour une satire plus acerbe. D'ailleurs, ils pourront même enfoncer le clou en notant que, raisonnablement, si les gens de Loth étaient homosexuels, ils n'auraient pas constitué un peuple.

Enfin, ils soutiendront que rien de véridique n'est attesté du prophète qui a ignoré la question, allant jusqu'à tolérer dans son entourage des efféminés. Les deux recensions les plus fiables de dires prophétiques, celles des Sahihs de Boukhari et Mouslem, ne comportent, effectivement, aucun hadith sur l'homosexualité; le reste, c'est du faux.

Agir pour abolir l'homophobie durant ramadan

Aujourd'hui, en général, les musulmans tunisiens admettent que si l'on veut prouver que l'islam est une foi de justice, valable pour tous, on ne peut plus y discriminer les innocents, les gays y compris. D'autant plus que la science est désormais catégorique sur le fait que le sexe gay est une nature chez certains. Dans la nature, d'ailleurs, c'est la bisexualité qui est la règle; et ainsi est le sexe arabe, une sorte de sexe holiste. C'est pour cela qu'on refuse de parler d'homosexualité arabe, étant plutôt cette bisexualité qualifiée d'homosensualité (3) ou érosensualité. (4)

En ce mois de ramadan, il serait légitime que les militants gays maghrébins agissent à démontrer que l'islam est justice et piété étant religion et politique. Pourquoi ne profiteraient-ils pas des veillées ramadanesques propices au discours pieux afin de parler de la spécificité humaniste de l'islam au prisme du sexe gay ? Il leur serait bien plus efficace, en effet, de commencer en matière de combat pour les libertés par imposer l'acceptation nécessaire de l'homosexualité, l'homophobie étant un frein à la tolérance et au vivre-ensemble, son refus étant responsable de dégâts dans la mentalité des gens. Ainsi fera-t-on un pas de géant vers la démocratie dans ce pays !

Célébrer utilement le 17 mai, serait aussi d'oser défendre le projet de loi (5) proposé aux militants, le seul à avoir toutes les chances d'être voté, car référant à la constitution dans ses dispositions à la fois civiles et religieuses. Par ailleurs, eu égard à la résistance de célébrer le 17 mai en l'état, étant estimé une pure singerie de l'Occident islamophobe, on pourrait appeler à une célébration sous le libellé de Journée Ihsane Jarfi, (6) organisée à Liège par la fondation portant le nom de ce jeune maroco-belge assassiné en Belgique, à la fois pour cause de son homosexualité et sa foi musulmane.  Ce martyr pourrait ainsi devenir l'emblème en islam de la lutte anti-homophobie, sa Journée dénonçant à la fois l'homophobie et l'islamophobie.

Dans cette attente, durant l'actuel ramadan, les militants musulmans sincères contre l'homophobie devraient agir avec lucidité et perspicacité en passant à l'attaque tous azimuts. C'est en réussissant à occuper le terrain du religieux que la militance des valeurs pourra tailler des croupières aux intégrismes, profanes et surtout religieux, qui ne doivent pas avoir le monopole de l'islam. Ils seront même en mesure de leur donner des leçons en matière de foi juste et honnête, démontrant sur nombre de questions, notamment l'homosexualité, qu'ils ne sont que des marchands du Temple.

Bien mieux, aujourd'hui que le Maghreb est acquis par l'Occident libéral à son modèle capitaliste par l'alliance stratégique réalisée avec les intégristes islamistes, ces deniers savent qu'ils ont des lignes rouges à ne pas dépasser en matière de droits et de libertés. Car même si leurs partenaires ferment les yeux sur l'absence de ces dernières, limitant le libéralisme au domaine purement économique, ils savent que cela ne saurait durer, du fait de sa violation de l'esprit même du libéralisme.

On ne doit donc plus hésiter à bousculer les intégristes sur les questions les plus sensibles, à commencer par l'abolition de l'homophobie, leur intransigeance étant de pure façade. Elle est surtout friable, ne tenant aujourd'hui que grâce à la complicité de leurs supposés alliés laïcistes au pouvoir et la mauvaise stratégie des militants pour les valeurs.

C'est bien en osant faire de la lutte anti-homophobie en islam une question de piété qu'on disposera de l'arme fatale pour l'abolition de l'homophobie, la brèche qui fera tout sauter dans le dogmatisme intégriste. Pour cela, il importe de profiter de ce ramadan et de celui à venir, tous les deux coïncidant avec la Journée mondiale de lutte contre l'homophobie, en vue de militer pour la justice en islam, une justice en premier pour le différent absolu qu'est l'homosexuel. C'est ainsi qu'on réussira sûrement à battre les intégristes sur leur propre terrain, avec leurs propres armes.  

Notons, pour finir avec cette cause si symbolique et tellement porteuse en islam, que l'expression "coming out" était à l'origine une invitation aux gays de sortir de leur isolement, quitter leur milieu fermé. Aussi, le "coming out" des gays musulmans est forcément de sortir de leurs sentiers battus actuels, leur quant-à-soi stérile. Ils doivent délaisser une stratégie inepte, estampillée aux réalités occidentales, sans nul écho ni portée auprès des masses, et surtout pas d'effet sur les tristes réalités de l'homosensualité maghrébine.

Agir pour les libertés durant ramadan

L'action contre l'homophobie durant ramadan ne peut être que bénéfique, étant destinée à bousculer les intégristes dans leur faux confort piétiste tout en touchant un sujet sensible dont on n'ose parler ou dont on parle mal comme le reste des valeurs humanistes. Ces dernières doivent aussi, bien évidemment, être évoquées et dans le même temps, les libertés formant un tout indissociable. D'ailleurs, on n'a pas manqué de le faire depuis le début du ramadan pour ce droit imprescriptible, y compris en islam, à la liberté de ne pas jeûner en public. Et il en sera encore question avec la manifestation de ce dimanche.

Là encore, il importe de ne pas se positionner dès l'abord en situation de faiblesse, mais d'oser attaquer le cœur de cible des intégristes : la piété; car la leur est frelatée, étant une fausse piété. Il importe de dire que le combat des libertés est celui de l'islam, que l'on agit à honorer cette religion défigurée tout autant que pour le respect du vrai ramadan en exigeant le droit à ne pas jeûner, droit garanti par l'islam qui est une foi de droits et de libertés, non une dictature morale. (7)

Il faut également spécifier que le fait de ne pas jeûner en public ne fait, en vérité, qu'encourager le vrai jeûne, tout en valorisant ce ramadan qui est en train de passer pour le mois de la fainéantise, de la bombance et du simulacre. Faire ramadan dans un milieu de libertés et du droit de ne pas jeûner, assumé et garanti, non simplement toléré, c'est bien donner au jeûneur la fierté légitime de le faire par conviction, et donc pour Dieu et non pour se montrer, par hypocrisie. On a bien noté, au demeurant, que le nombre de jeûneurs en Occident n'a jamais diminué et augmente même chaque année davantage, alors qu'il diminue dans les pays musulmans. La raison en est l'environnement de libertés. 

Cette année, en Tunisie, il est encore temps de réajuster la stratégie menée pour les libertés durant ce ramadan. Les militants doivent faire feu de tout bois en occupant le terrain réservé à tort en chasse gardée aux intégristes; et les autorités doivent changer de discours, être plus honnêtes et éthiques. Ce sera bien pour l'honneur de l'islam et la sauvegarde d'une foi enfin revitalisée et honorée que l'État, dont le devoir est de respecter l'islam, le fera en arrêtant de défigurer cette religion libertaire. (8)

Ce n'est pas parce que les musulmans ont mal compris leur religion qu'on doit continuer à la défigurer ! Comme ce n'est pas parce que la dictature a veillé à la fermeture des cafés pendant ramadan qu'on doit perpétuer son exemple. Car il y a eu une révolution en Tunisie; les Tunisiens sont désormais majeurs, aptes à respecter en toute liberté les préceptes de leur foi qui leur commande, en premier, la sincérité et l'honnêteté. Or, il n'est nul acte sincère et honnête s'il n'est libre !

C'est cela l'honneur de l'islam et son aspect révolutionnaire que les intégristes, ayant pour modèle Daech et ses horreurs, veulent effacer en réduisant notre belle foi en de simples rites reproduits en automates sans cervelle.

L'islam est d'abord une culture. En cette culture, ce sont les droits et les libertés qui comptent tout autant, sinon plus, que le rituel sacré; ce qui est vraiment sacré en islam c'est la foi libre en un Dieu unique avec lequel il n'est nul intermédiaire.

Voilà le discours éthique auquel doivent veiller les autorités si elles veulent être au service véritable de l'islam. Ainsi l'honoreront-elles et respecteront leurs obligations constitutionnelles ! Ainsi doivent aussi faire les militants pour les y encourager au lieu de se comporter en laïcistes, complices objectifs des intégristes religieux, partagent le même dogmatisme néfaste, un salafisme profane.              



NOTES



(1)




(2)




(3)




(4)




(5)




(6)




(7)




(8)



Publié sur Huff Post