Amère victoire islamiste au Maroc ?
Le scénario qui a finalement abouti aux élections marocaines a privilégié la continuité à l'innovation remise à plus tard. Était-ce bien raisonnable ?
La réforme, mais pas politique
Les résultats, certes encore partiels, donnent la victoire au parti sortant, tout en confirmant la montée inexorable du parti qui devait les remporter selon un scénario qui n'a finalement pu être concrétisé. Ce ne serait que partie remise.
On s'attendait, en effet, à ce que le Parti arrivé second, le PAM (Parti Authenticité et Modernité) dame le pion au parti du Premier ministre sortant Benkirane qui ne serait pas moins appelé toutefois à être un axe du futur gouvernement devant être celui de l'union nationale.
C'était sans compter sur la résilience du scénario du grand capital satisfait de la copie rendue par M. Benkirane qui a est allé jusqu'à oser s'engager, durant la campagne, à des mesures impopulaires allant dans le sens des injonctions du capitalisme mondial.
Un tel appui du néolibéralisme ira-t-il jusqu'à permettre à M. Benkirane de garder sa place à la tête du gouvernement ? Rien n'est moins sûr, du moins dans le scénario qui n'a finalement pas abouti, ne serait-ce que parce que le roi n'est pas constitutionnellement obligé de choisir le chef du parti pour présider le gouvernement forcément de coalition.
Cela s'annonce malgré tout difficile d'autant plus que le PAM a refusé à l'avance une telle hypothèse, faisant chorus derrière M. Benkirane. Ce qui augurerait d'encore plus détestables rapports entre le gouvernement et la monarchie
Par ailleurs, l'hypothèse finalement mise en échec de la montée en flèche de la liste de forces de gauche dirigée par Madame Mounib fragilise encore plus les efforts fournis pour une entente ayant pour but la réforme enracinée ou organique du pays, c'est-à-dire selon ses intérêts propres et en tenant compte de ses spécificités.
Une telle réforme est ainsi remise à plus tard, car elle aura supposé le renouvellement politique qui est ainsi sacrifié in extremis en faveur de la poursuite d'une autre réforme estimée incontournable, car tenant toujours à coeur à qui dirige actuellement le monde, les néolibéraux.
Poursuite de la libéralisation économique
C'est donc le triomphe au Maroc de la ligne prônant la réforme libérale du royaume au sens capitaliste, celle qui entend user de la fibre religieuse, transformée en religiosité pour réussir. Exactement comme le capitalisme l'a fait en Occident, se basant sur le protestantisme
Il est vrai, on ne conteste pas trop la nécessité d'user de la carte que représente le PAM, mais on a estimé que c'était encore trop tôt et qu'on pouvait retarder son arrivée à la tête du gouvernement tout en consolidant les résultats du parti, assurant que cela consoliderait sa future réussite.
Ce n'est donc qu'une question de timing, le scénario d'arrivée au pouvoir du PAM ayant été au final jugé prématuré dans les officines veillant au bon déroulement des élections marocaines. C'est, en apparence, la sagesse populaire qui aurait triomphé dans un pays majoritairement traditionnel. Ne dit-on pas qu'un tien vaut mieux que deux tu l'auras ?
Il reste que la situation populaire du Maroc est bien problématique, bien grosse de sérieux périls que ne peuvent gommer les indéniables réussites dans certains secteurs. Ils ne font qu'élargir la faille séparant le pays légal du pays réel. Ce qui ne peut exclure une explosion sociale selon les observateurs au fait des réalités populaires.
Ces derniers mettent en garde contre le jeu actuel consistant à vouloir jouer encore de la carte de la religiosité, assurant que c'est une arme à double tranchant. En effet, si la religion peut anesthésier un temps le peuple, jouant son classique rôle d'opium, elle peut aussi se révéler une drogue idéale pour faire des assassins, ceux que l'imaginaire musulman connaît bien pour avoir marqué l'histoire comme ayant été les adeptes de la forteresse d'Alamout.
Sombres perspectives en somme au Maghreb où la Tunisie expérimente déjà les affres de l'islam politique, faisant un bien mauvais usage de la spiritualité de l'islam grâce à la complicité d'un Occident matérialiste, devenu aveugle à ses propres Lumières.