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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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mardi 5 janvier 2016

L'exception Tunisie 3

Le défi à gagner de l'homophobie en Tunisie



L'association Shams a annoncé avoir reçu le 4 janvier une notification par huissier de la part du chargé du contentieux de l'État d'une ordonnance sur requête décidant la suspension de ses activités pour 30 jours.

Une demi-victoire de Shams contre l'obscurantisme

Cela fait suite à une interpellation du gouvernement lors d'une séance à l'Assemblée durant laquelle on a eu une sortie haineuse de la part d'un député du parti islamiste. Une telle imprécation aurait dû lui valoir pour le moins un rappel à l'ordre de la part du président de la séance de ce jour-là et des réprimandes de la part du chef de file de son parti qui se prétend démocrate sans le prouver.

Il est à rappeler que Shams a l'honneur de militer pour l'abolition de l'homophobie en Tunisie en tant que tare héritée de la colonisation et violation caractérisée des valeurs humanistes consacrées par la constitution et par l'islam.

Loin d'affaiblir la vaillante association, cette suspension doit la renforcer davantage dans la droite ligne de ce que dit le philosophe, à savoir que ce qui ne nous tue pas nous rend forts ! Elle est même la preuve que Shams est une réalité dont on ne peut plus faire abstraction dans la nouvelle Tunisie se voulant démocratique, et que son combat est des plus légitimes.

En effet, l'homophobie est une négation absolue de toutes les valeurs basiques de l'État de droit, dont celle du vivre-ensemble paisible qui impose le respect du différent absolu; or, l'homosensuel (mon terme pour l'homosexuel) en est aujourd'hui la figure emblématique en terre d'islam.

Aussi, une telle décision mi-figue mi-raisin est au vrai une demi-victoire de Shams et des militants humanistes contre l'obscurantisme qui souhaitait rien de moins que la faire taire à jamais, l'interdisant de toute activité définitivement.

Nos épreuves sont nos leçons

Toutefois, il reste à l'association de saisir cette occasion pour en faire cette épreuve dont on profite pour tirer les leçons qui s'imposent et réaliser le bilan nécessaire de ses erreurs en vue de repartir dans un mois sur des bases bien solides, balisant le sentier du succès pour le bonheur de tous et l'avenir radieux d'une Tunisie véritablement démocratique.

Déjà, son premier vice-président, contraint à l'exil après des menaces de mort, (1) l'avait bien reconnu : l'association a commis des erreurs de communication.

De fait, toute la stratégie de Shams, depuis sa création en mai 2015, a été mauvaise, concentrée sur la défense des droits de l'Homme sans référence aucune à leur dimension islamique, pourtant incontournable. Est-il possible, en effet, de faire la moindre avancée en la matière dans un pays de tradition islamique où l'homosensualité (homosexualité) est supposée interdite par une religion qui est constitutionnellement religion du pays ?

En se limitant à un militantisme reprenant les arguments laïques certes pertinents, mais aussi dogmatiques que ceux des intégristes religieux et surtout sans écho auprès des larges masses, l'association a ainsi négligé une évidence primaire de la stratégie qui consiste à faire usage d'armes efficaces. En l'occurrence, elle a attaqué un tank avec une arme blanche !

Or, l'arme fatale contre l'homophobie en Tunisie existe désormais ; c'est l'argument irréfutable que l'islam n'est pas homophobe.(2) Des essais et des articles nombreux ont été publiés en ce sens, mais Shams n'a pas jugé utile d'en faire usage, se condamnant à subir sans réaction les attaques indignes d'islamophobie.

Aussi, en se résolvant enfin à user d'une telle arme, Shams sortira bien forte et plus efficace que jamais de cette épreuve qui aura alors été finalement bienvenue, augurant d'une maturité nécessaire et d'une lucidité inévitable et faisant admettre la légitimité de l'homosensualité en islam.(3)

La nature soufie de Shams

L'association a donc intérêt à mettre à profit l'inactivité forcée à laquelle on la contraint pour recentrer sa stratégie sur un principe cardinal qui est de partir de la vérité attestée que l'islam, notamment soufi, n'est nullement homophobe. Ce faisant, elle ne fera que réactiver sa propre nature, soufie à la base.

Rappelons, en effet, que le nom même de l'association renvoie au fameux poète soufi persan Shams Tabriz dont l'élève Roumi à immortalisé la danse des derviches tourneurs que symbolise son logo. C'est à cet héritage islamique soufi qui aura de l'écho auprès du peuple que doit se référer l'association pour contrer avec leurs propres armes les intégristes : l'islam soufi, vrai islam, étant le meilleur antidote contre l'islam intégriste, ce faux islam, un Anté-islam inspiré de la tradition judéo-chrétienne qui était homophobe avant la conversion de l'Occident à la démocratie.

Shams doit donc oser dépasser le laïcisme de certains de ses membres pour s'enraciner dynamiquement dans la tradition spirituelle du peuple qui est soufie et non-salafie. Elle démontrera alors, preuves à l'appui, que ceux qui prétendent que l'islam est homophobe ne font que se référer à la tradition judéo-chrétienne infiltrée en islam et reprise par l'article 230 du Code pénal, cette survivance coloniale,(4) la France l'ayant imposé à la Tunisie dans le sillage de son propre article homophobe aboli en 1982. 

Elle aura bien plus de légitimité à exiger l'abolition de ce honteux article de cette façon, venant conforter son rappel des valeurs humanistes de la constitution. Et elle pourra alors revoir dans ce sens son projet de texte de loi d'abolition de l'article 230 du Code pénal adressé à l'ARP et qui, en l'état, n'a aucune chance d'aboutir.

En proposant un autre texte qui soit léger et équilibré, faisant autant référence aux valeurs de l'islam correctement comprises qu'aux valeurs humanistes, Shams l'imposera, avec des perspectives certaines de succès, à tout le monde, y compris aux députés islamistes, seule force aujourd'hui en mesure, paradoxalement, de permettre l'abolition de l'homophobie.

En effet, Cheikh Ghannouchi avait déjà fait une double promesse en la matière. La première était publique affirmant qu'il ne s'opposerait pas à l'abolition de l'article 230 l'estimant une violation de l'intimité des gens que protège l'islam.(5) La seconde était privée, communiquée sous forme de confidence par des amis occidentaux, à savoir que M. Ghannouchi se serait engagé à voter un texte d'abolition de l'article 230 si jamais il devait arriver jusqu'à l'Assemblée. (6)

Dépasser le blocage laïciste !

Voici le vrai défi que se doit de relever Shams et tous les militants sincères contre l'homophobie et qu'ils sont en mesure de gagner : dépasser leurs blocages laïques et oser proposer un texte consensuel de nature à être repris par dix députés pour le faire entrer à l'ARP pour y obtenir un vote favorable quasiment garanti.

Un texte en ce sens existe déjà (7) qui pourrait être proposé dès la fin de son interdiction d'activité. Et elle l'a depuis longtemps. Alors, ô miracle ! on verra bien dix députés de Nahdha se presser de le reprendre et veiller à le faire voter !

Car ce serait non seulement la victoire de la démocratie en Tunisie, mais aussi la preuve nécessaire pour Nahdha, en ces temps de plus grande défiance à l'égard de l'islam politique, que le parti adhère désormais aux réquisits démocratiques.

Il ne serait même plus exclu alors, dans le cadre de la compétition feutrée qu'ils livrent aux intégrsites, que les supposés modernistes poussent les autoriéts religieuses officielles à émettre une ftawa confirmant que l'islam n'est nullemnt homophobe (8) et ce pour les prendre de vitesse, leur retirant le seul bénéfice de la réalisation d'une telle modernité inévitable.

C'est ce qui confirmera de la plus belle façon que le modèle tunisien existe bel et bien en tant que véritable exception Tunisie.


NOTES :

(1)


(2)


(3)

(4)

(5)

(6)

(7)

(8)


Publié sur Al Huffington Post