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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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mardi 24 octobre 2023

Dictature mentale 8

 Palestine : 

Par delà bien et mal 3/3*



Si le contraire de l'éthique est l'immoralité, deux notions qui scandent ce propos, elles y sont dans leur sens étymologique renvoyant aux mœurs, aux coutumes. (1) Aussi, comme impératifs catégoriques, en politique surtout pour le premier, et en culture pour le second, elles visent à dénoncer, faire table rase même du désordre, dérèglement et cynisme, outre des vices et turpitudes à l'origine des crimes qu'autorise le dogmatisme fièrement et inconsciemment érigé en mal banalisé. 

C'est bien ce qu'a résumé Nietzsche, en 1888, par un néologisme voulu caractéristique de la religion chrétienne, mais que nous étendons également aux fois judaïque et musulmane, et que la cause palestinienne met bien à nu. Avec elle nous vérifions que ce qui distingue le culte de la culture, le prêtre du mage et autre magicien qui l’avaient précédé, sinon préparé la voie à toute religion, est le fait que dans le premier cas l'on ne cesse d’investiguer, s’interroger sur l’univers quand, dans le second, l'on se suffit d’apporter la réponse de son dogme pour s'y tenir, même une fois sclérosée, obsolète. D’où les dogmes multiples en banqueroute du penser libre. 

Ce qui impose d'interpréter nouvellement la foi religieuse, toute foi, plutôt en culture qu'en culte, non pour la déconsidérer mais en vue de réhabiliter en elle l’esprit d’investigation. D'autant que cela est loin de contredire le dogme de n'importe laquelle des religions dites du Livre au-delà de ce qui a été interprété incorrectement et imposé. (2) 

Cela suppose d'oser reconnaître qu'une interprétation érigée en canon est susceptible de muer en anomie, nonobstant sa valeur et sa justesse originelles, et ce selon la démarche scientifique même. (3) Outre l'argument massue pour les religieux que la raison humaine ne saurait se substituer à la sagesse divine, seule vérité s’imposant à l’humain imparfait. Aussi ne saurait-on prétendre la comprendre, en être dépositaire, n'étant apte qu'à s’en approcher par une constante cogitation. (4)    

Moraline christo-judéo-musulmane 

La moraline nietzschéenne est sémite, impliquant la tradition islamiste tout autant que celle dite judéo-chrétienne. Si celle-ci condense déjà l'esprit judaïque refondé par la novation que fut le christianisme, elle se retrouve bien dans les assertions de l'islamisme, ou lecture intégriste de l'islam caricaturé, reprenant l'essentiel tabous et interdits des deux Écritures l'ayant précédé, et qu'il est censé être venu refonder. Ce dont ne savent comprendre les tenants de cet islamisme où les imams en arrivent à n'être que des rabbins musulmans. (5)

Une telle moraline est confirmée par la question de Palestine, flagrante injustice, occupation la plus longue de l’histoire. Tout au long de ce temps de drames récurrents, il y a eu des erreurs de part et d’autre, des responsabilités non assumées par les uns et les autres, chrétiens, comme juifs et musulmans.  Ce fut le refus, tantôt arabe tantôt juif avec la bénédiction de l'Occident chrétien, d’aller vers une paix, à la portée des générations d'alors. Un tel déni flagrant de justice a souvent été le fait de la partie la plus forte, ou se croyant l'être : arabe avant la naissance d'Israël, israélienne depuis. 

Cela a eu tendance à faire du plus fort le plus fou en une aire où la folie sanguinaire est devenue fatalité chez les uns et les autres, sans nulle place aux impératifs catégoriques de la conscience, le possible arbitre ou amiable compositeur faisant preuve d'alignement coupable sur la partie la plus forte qui, du fait de ce soutien indéfectible, s'autorise les pires folies.

Jugeons-en ! Pour prétendre avoir la conscience tranquille, d'aucuns citent Golda Meïr qui ne fut pas la plus radicale des juifs : « Nous pouvons pardonner aux Palestiniens de tuer nos enfants, mais nous ne pourrons jamais leur pardonner de nous obliger à tuer leurs enfants. La paix viendra quand les Arabes aimeront leurs  enfants plus qu’ils nous haïssent ».

Un tel cruel sophisme relève du simulacre de Saint Thomas : une indignité morale. (6) L'actualité ici traitée en est un exemple éloquent, alors que tout est clair pour avoir la paix : un droit international existe auquel il faut revenir, car le reconnaître c'est se reconnaître soi-même et mutuellement en tant que partenaires pour une paix à construire ensemble. Si personne ne l’ose c'est qu'il se justifie par le refus de l’autre, sans avoir la dignité d'être le bel-agissant des saintes Écritures communes.        

Confusion axiologique, conformisme logique      

L'actuelle guerre à Gaza est la cinquième avec, comme hier, le Hamas pour protagoniste à la fois combattu et stipendié. Le martyre des civils n'y est pas nouveau, la bande ayant été sous blocus, même avant l’arrivée au pouvoir des responsables de la terreur source de cette énième tragédie. 

Comme en toutes guerres, ni les bavures, ni les exactions, ni les crimes ne manquent, avec des victimes en nombre dont on ne pas parle ou peu : celles du côté palestinien. Du côté arabe, on est prompt à dénoncer, s'émouvoir bien plus qu'à ausculter la situation avec lucidité. On retrouve ce mélange de confusion axiologique et de conformisme logique, (7) à l'image de ce qu'on trouve en face ; ce qui est exploité à maintenir la dramatique situation en l'état.     

Face à telles horreurs, il manque encore de part et d'autre l'esprit éthique au courage de reconnaître que l'humain, quel qu'il soit, est capable des pires atrocités quand il se bestialise, selon l'étymologie du vocable (humus). Que c'est être inhumain que d'entretenir les sentiments de haine, chez les jeunes générations qui plus est, perpétuant l'inhumanité. Tant qu'on n'aura pas fini de traiter ses ennemis d'animaux, on en verra tant encore et encore, puisqu'on en est ! 

Or, dans un monde en terrible dérive des valeurs cardinales sinon théologales, encouragé par l'aveugle soutien occidental, le gouvernement d'Israël poursuit son œuvre colonisatrice tout azimut, incluant Jérusalem-Est, faisant fi des résolutions onusiennes, en s'autorisant même toutes sortes d'ignominies verbales. Les plus excités des membres du gouvernement plaident pour une réoccupation, par sécurité, de Gaza et aussi la Cisjordanie soit, annexion de tous les territoires palestiniens, faisant triompher le rêve de cet « Eretz Israël » des intégristes. (8) Le ministre des Finances Bezalel Smotrich n'est-il pas allé jusqu'à soutenir la non-existence du peuple palestinien ? Où sont les justes des juifs pour sauver leur pays de ses démons, ses propres dirigeants réécrivant l'histoire, réhabilitant Hitler, dont Netanyahou n'a pas eu honte de dire qu'il ne voulait pas le malheur des siens ! Ce qui ferait retourner dans sa tombe Hanna Arendt.

Dans son dernier essai, « Israël, l'agonie d'une démocratie », Charles Enderlin, franco-israélien, en appelle aussi à sa mémoire : « Que dirait aujourd’hui Hannah Arendt en apprenant que Benjamin Netanyahu a créé une agence gouvernementale de "l’identité nationale juive " ? Dès 1951, elle alertait des dangers qui guettaient l’État-nation Israël à sa création. » (9)

Il est vrai, la haine juive des Arabes et des musulmans leur est bien rendue aujourd'hui de la part de ces derniers ; mais doit-on s'en étonner ? La haine et les excès en produisent forcément en retour. Chez ces derniers, cela est dû, notamment, à la honte de n'avoir su préserver inviolable leur terre de Palestine ou d'avoir manqué d'esprit démocratique pour accepter, comme ils ont toujours su le faire par le passé avec l'étranger, ce qu'ils persistent à qualifier d'entité, contre l'évidence de son existence. Car tous les pays arabes quasiment instrumentalisent la cause d'une manière populiste pour des bénéfices immédiats de politique intérieure. 

Pourtant, dans les rangs des uns et des autres, il ne manque pas de voix justes se résolvant d'être dans le sens de l'histoire et de la tradition hospitalière arabe, admettant l'accomplissement du sionisme en réparation due, mais pas pour la Shoah, dont les Arabes n'étaient point responsables. Plutôt pour le passé d'exil des juifs hors de la terre sainte, nombre d'Arabes pouvant même se révéler être de la descendance des lointains ancêtres de la diaspora juive des plus anciens temps. Ils acceptent donc ce qui est refusé et même criminalisé par la majorité des Arabes : que la Palestine accueille en son sein les juifs en un État où l'on cessera d'expulser quiconque de ses terres. C'est le principe de l'idée de l'État binational que refuse farouchement Israël, une utopie aujourd'hui mais demeurant la seule solution juste pour tous. Elle sera même le sûr moyen de valoriser les indissolubles liens patents, historiquement et organiquement construits pendant des siècles de vie commune. (10)

Pour une mondianité

Il est une évidence que l'on se doit d'avoir le courage d'accepter : vouloir la paix est tributaire d'une reconnaissance mutuelle de belligérants égaux en droits. Comme a eu le courage de l'affirmer Bourguiba à l'orée du glissement dans les horreurs, reconnaître Israël est nécessaire pour exiger l’application du droit onusien sur le partage, bulletin de naissance d’Israël ; car ne pas en tenir compte revient à enlever toute légitimité à l’État d’Israël. Pour cela, ce que font les pays arabes hostiles à la normalisation en la criminalisant, n'est rien d'autre que servir la stratégie d'Israël à maintenir le statu quo qui lui est si favorable. (11) 

Ne pas reconnaître l'État d'Israël selon la résolution onusienne dont il s'évertue à ne vouloir reconnaître les implications, c'est refuser de revitaliser le droit palestinien. Ceux qui s'y refusent pensent qu'à force d'arrogance et d'estime excessive de soi, cette « entité »,  comme ils disent,  finira par s’écraser elle-même sous ses propres turpitudes en voulant éliminer tout le monde alentour au prétexte des leurs. On serait face à un nouveau Samson, ce héros biblique historiquement le premier kamikaze, terroriste sans cause contrairement à ses victimes palestiniennes. 

Dans l'immédiat, il est capital de se libérer de ce nationalisme populiste dominant de par un monde, se prétendant émancipateur et protecteur alors qu'il est à la fois réducteur des spécificités des peuples baignant dans la diversité que castrateur des aspirations en eux à la liberté, à la démocratie. Ainsi, c'est au nom de ce nationalisme qu'en Tunisie le parlement a trouvé le temps de proposer au vote une loi criminalisant la moindre tentative de négocier avec Israël au lieu de se pencher sur la nécessaire abolition des lois de la dictature et de la colonisation encore en vigueur, soumettant le peuple voulu souverain à un ordre juridique scélérat.  

Pourtant, le lucide Raymond Aron avait bien démontré que « Pour que les sociétés hétérogènes acceptent le dialogue entre les groupes, entre les électeurs et les élus, entre les gouvernements, il faut, non pas qu’aucun groupe ne prétende détenir la vérité ultime, du moins qu’aucun n’ait un pouvoir suffisant pour imposer par la force l’obéissance à la vérité qu’il tient pour ultime ». (12)

Au Moyen-Orient, encore plus qu'ailleurs, la politique du bisou (bécopoltique) dans le cadre d'une  pratique politique éthique (poléthique) s'impose pour contrer l'Alzheimer politique des dirigeants. Ce qui suppose de reconnaître l'obsolescence de l'ordre mondial actuel et la nécessité d'aller vers un autre moins injuste, ce monde d'humanité que j'ai qualifié de mondianité. Et ce serait bien aller dans ce sens que Palestiniens et Israéliens, leurs élites éclairées pour le moins, s'entendent pour oser la paix. Certains, au demeurant, ce sont déjà prononcées pour la solution de bon sens qu'Arendt avait fait sienne pour cette pathologie qui dure depuis trois quarts de siècle.  

Faut-il réussir à se libérer de ce que Goethe nomme « sombre nécessité des passions » en assumant ses responsabilités historiques. Or, la voix de raison d'Aron avait déjà prévenu, dans son classique de la pensée politique, contre  l'Opium des Intellectuels : « Les hommes ne sont pas sur le point de manquer d’occasions et de motifs de s’entretuer. Si la tolérance naît du doute, qu’on enseigne à douter des modèles et des utopies, à récuser les prophètes de salut, les annonciateurs de catastrophes. Appelons de nos vœux la venue des sceptiques s’ils doivent éteindre le fanatisme » ?

NOTES 

(1) Du latin « ethica » et du grec « ethos », pour le premier, et « moralis » pour le second.

(2) Ce que je préconise pour l'islam, appelant à un Nouvel Esprit i-slamique (NOESI-S) plus culturel que cultuel, que je nomme islam postmoderne, l'orthographiant i-slam.

(3) Popper avait déjà défini la nature contestable de la vérité scientifique. Aussi c'est bien scientifique d'admettre que ce qui est canonique est potentiellement anomique à l'advenue du fait polémique ainsi qu'indiqué par l'auteur du Nouvel Esprit Scientifique, Bachelard.

(4) C'est ce qu'on nomme « ijtihad » en islam et qui ne saurait être limité à ce qui a été déjà canonisé par les jurisconsultes.

(5) Cf. ma tribune sur Kapitalis : Ces imams qui sont des rabbins ! https://kapitalis.com/tunisie/2017/04/09/bloc-notes-ces-imams-qui-sont-des-rabbins/

(6) Dans la Somme Théologique, le simulacre « représente une chose qui a une réalité physique, mais non une dignité morale » (II. Qu. 94, art 2). 

(7) Sur mon expression confusion axiologique, cf. ma tribune sur mon blog : « Le terrorisme se nourrit de notre confusion des valeurs  »  http://tunisienouvellerepublique.blogspot.com/2016/12/radicalite-axiologique-5.html#more - Sur son expression du conformisme logique, Émile Durkheim précise : « Pour pouvoir vivre, [la société] n’a pas seulement besoin d’un suffisant conformisme moral ; il y a un minimum de conformisme logique dont elle ne peut davantage se passer. Pour cette raison, elle pèse de toute son autorité sur ses membres afin de prévenir les dissidences », cf. Razmig Keucheyan « Durkheim, Wittgenstein et les normes de la pensée », Diogène 2009/4 (n° 228), pp. 82 – 94. 

(8) Lire Dominique Vidal, « Cisjordanie, de la colonisation à l’annexion », Le Monde diplomatique, février 2017. 

(9) Seuil, Libelle, 2023. 

(10) Edward Saïd dans « Entre guerre et paix : Retours en Palestine-Israël », Arléa, 1997,  écrit : « La question fondamentale est que les expériences des Juifs et des Palestiniens sont historiquement et organiquement liées entre elles. Vouloir les tenir séparées signifie dénaturer ce qu'il y a d'authentique dans chacune d'entre elles ». 

(11) Ce que fait pourtant la Tunisie avec la réactualisation du récurrent projet de  criminalisation de la normalisation. Un projet de loi y est en cours de discussion en vertu duquel quiconque agit ou tente d'agir pour la normalisation avec Israël est passible de prison et d'amende. Cette tribune tomberait ainsi sous sa coupe. 

(12) Penser la liberté, penser la démocratie, Collection Quarto, Gallimard, 2005, p. 1216.

Illustration 

Toile de Neta Harari Navon, peintre israélienne : « Riding burning horses », 2011. 

Première et deuxième parties


* Cette tribune garde la date à laquelle elle devait être publiée, ayant été proposée, comme à l'habitude, à certains médias. 

Or, la parole de vérité exige encore et toujours le courage d'aller au-delà des inter-dits, en faire non pas ce qui est interdit, mais ce qui est inexprimé entre les dits de nos propos, surtout dans le métier de l'information devant être régi par ce que je nomme Infothique, l'info éthique. 

Et ce n'est rien d'autre que, tout simplement, le contexte et le sous-texte, ce qui existe bel et bien, mais qu'on préfère, pour une raison ou une autre, taire, occulter ou nier ; même en se pensant ou se présentant indépendant d'esprit, objectif de pensée.

Ce que je comprends sans l'approuver, étant adepte du courage de la vérité : la Parrêsia de la philosophie grecque (transcrite souvent par parrhêsia et parrhèsia), que l’on traduit habituellement par « franc-parler ». N'est-ce pas, en arabe : كلمة السواء ? 

Ce que je pratique dans le cadre d'un 
humanisme intégral pour une politique éthique, ma poléthique !