Quelle nouvelle Tunisie ?
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Recette de l'esprit de Farhat Hached
L'esprit de Farhat parla après celui de Bourguiba, rappelant qu'ils ont été compagnons de route et de combat. En Kerkénien tenant à être toujours juste de voix, ne manquant jamais d'appeler à la justesse de la voix empruntée, il n'a pas manqué de dire avoir regretté par moments des initiatives ou des attitudes du premier président du pays cédant à son péché mignon de gloriole.
Le jihadisme de BourguibaEt il a tenu à rappeler que s'il n'a jamais apprécié son culte de la personnalité, il ne contesterait pas qu'on rappelle qu'il fut effectivement le Combattant Suprême, mais au sens du plus éminent jihadiste; celui qui a osé livrer une lecture saine de l'islam.
C'est donc en mettant à jour cette dénomination qu'on rendra vraiment hommage à ce grand leader, a-t-il dit, outre que de prolonger ainsi qu'il l'a lui-même réclamé son oeuvre restée inachevée.
Mais Hached, en fils du peuple, connaisseur de l'âme tunisienne, appelle à ne pas se imiter à un seul domaine, préconisant d'abolir de suite toutes les lois scélérates, attentatoires à la dignité du Tunisien qui est profondément digne, de cette dignité qui sait être libre et même libertaire.
Aussi trouve-t-il indigne de responsables se prétendant au service du peuple de ne pas oser d'un seul texte — qui n'a même pas besoin d'être une loi — suspendre l'application des lois héritées de la colonisation et de la dictature, toutes les lois, notamment celles ayant trait à la vie privée des gens.
Halte au néolibéralisme sauvage !En syndicaliste, Farhat dénonce l'idéologie néolibérale ayant cours dans le pays, rappelant que si le libéralisme est une option incontournable, il ne peut pas ne pas être éthique, un libertarisme, incluant la liberté en tout et pour tous, et non seulement limitée au domaine économique et aux marchandises.
Il a eu ainsi des mots cruels pour le projet d'accord entre la Tunisie et l'Union européenne (ALECA), réservé au commerce, et trouve judicieux mon appel à le transformer en ALECCA en y intégrant la libre circulation humaine sous visa biométrique de circulation qu'il confirme être inéluctable.
Il regrette aussi l'état du syndicalisme en Tunisie qui n'a parfois rien à voir avec les intérêts profonds du peuple, du fait d'une confusion regrettable des valeurs mélangeant le faux au vrai. Et il appelle les syndicalistes à se souvenir que son combat fut d'abord et avant tout éthique et même amoureux; car il faut d'abord aimer ce peuple, tout le peuple, surtout les plus humbles dans ses rangs, pour vraiment le servir, en incarner non seulement les revendications mais les rêves aussi.
S'agissant du grand ami américain de la Tunisie, rappelant qu'il a toujours été soutenu par ce qu'il qualifie d'âme soeur, l'âme yankee, il dit que nombre d'atomes crochus existent entre la Tunisie et les États-Unis, notamment le réalisme.
Néanmoins, une telle complémentarité est en quelque façon contradictorielle, au sens où c'est la complémentarité des contraires, chaque pays incarnant aujourd'hui la face cachée de l'autre.
Ainsi, l'Amérique matérialiste trouve dans la spiritualité tunisienne la dimension qui lui manque, bien que présente profondément en son inconscient. Et la Tunisie a dans le modèle américain une référence, même si elle tend à se limiter aux apparences matérialistes. Il y a surtout, de part et d'autre, un esprit d'originalité qui peut et sait être libertaire.
Ce que doit être l'appui américainFarhat croit que la Tunisie est un véritable laboratoire pour les néo-cons (pour néo-conservateurs) américains qui sont au fait de la moindre chose se passant dans notre pays, arrivant même à y entendre l'herbe pousser. Mais notre pays ne doit pas être qu'un simple marché; car alors il ne sera qu'un souk bas de gamme, même pas un bazar.
Il ne faut pas s'offusquer de la présence américaine envahissante, dit-il, mais agir pour en faire un atout pour le peuple tunisien qui, en son tréfonds, aime ce peuple conquérant. Il nous faut juste retrouver cette amitié quasiment amoureuse d'antan, rappelant les généreuses aides de l'oncle Sam, disant que l'image de sacs alimentaires est assurément indélébile dans l'imaginaire tunisien.
Il n'est plus question d'alimentaire toutefois aujourd'hui, l'aide américaine devant se manifester concrètement par ce qui est de nature à avoir l'impact qui manque encore pour réveiller l'amour enfoui dans l'inconscient populaire, en train de muer en dépit sinon pis. Il y a donc, dit-il sur le ton de l'humour, une baudruche à dégonfler.
Outre l'action nécessaire auprès des dirigeants tunisiens — notamment les islamistes dont ils jouent aveuglèment la carte — pour la réforme de toutes les obsolescences juridiques dans le pays, les États-Unis doivent manifester leur credo en un islam paisible en Tunisie par des actions concrètes.
Hached en cite deux à forte charge symbolique, qui impliquent une pression amicale mais salutaire pour l'avenir même de la Tunisie et du monde. Il me rejoint en appelant à la levée du visa pour tous les Tunisiens et à un plan Marshall incluant éventuellement l'Europe, supposant l'effacement de la dette et l'établissement de relations diplomatiques avec Israël dans le cadre de la libre circulation des Tunisiens en Méditerranée.
Cela implique, bien sûr, que les États-Unis cessent d'appuyer d'une manière quasiment autiste Israël en le rappelant à la nécessité d'un retour inévitable au droit international du partage de 1947. Et l'établissement de relations diplomatiques avec l'État hébreu par la Tunisie pourrait y aider dans le cadre du package impliquant libre circulation pour des Tunisiens.
Cela commande aussi, dit Farhat, rejoint aussitôt par l'esprit d'Othman, de cesser le soutien inconditionnel apporté à l'Arabie Saoudite dont l'idéologie wahhabite viole l'islam. Il est temps, renchérit alors l'esprit du troisième calife, d'en finir avec une telle honte : un Antéislam aux commandes des lieux saints de l'islam.
Othman fut ici interrompu par le génial auteur de la Volonté de vivre qui dit que son cri du coeur est désormais celui du fidèle musulman qui a besoin de vivre enfin sa foi épurée, débarrassée de la tradition judéo-chrétienne qui l'a défigurée; c'est la volonté de vivre le vrai islam, une foi de paix et d'amour. Et il a dit alors apprécier mon expression de fair-pray, y appelant même.
Othman Ibn Affène apporta son assentiment, détaillant sa vision propre du fait-pray islamique.
À suivre ...
Publié sur Al Huffington Post