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vendredi 11 décembre 2015

Intégrisme profane 6

Misère de la lutte anti-homophobie en Tunisie




On apprend que le jour même de la célébration des droits de l'Homme, un tribunal de Kairouan a condamné six jeunes du foyer de Rakkada au maximum de la peine prévue par le contestable article 230 du Code pénal, soit trois ans de prison, et ce de nouveau sur la base du honteux test anal.

De plus, on a condamné l'un d'eux pour attentat à la pudeur juste du fait de la présence sur son ordinateur de séquences vidéo jugées immorales. Enfin, chose plus grave, une mesure de bannissement de 5 ans de la ville de kairouan a été prooncée à l'encontre des six accusés après l'accomplissement de la peine de prison.

On voit que nos autoriéts font de la surenchère dans la répression des libertés. Que fait, pendant ce temps, la société civile pour contrer une telle dérive ? Si elle dénonce les agissemnts contraires à la Constitution et à la morale la plus basique commandant le respect de la vie privée, elle ne propose toujours pas l'indispensable texte juridique pour interdire de tels agissements au vu de la réticence des députés et des autoriéts.

Bien pis ! On voit les associations concernées se détourner de l'essentiel par des initiatives, comme cette excellente campage (1) à l'occasion de la célébration de la Journée internationale des droits de l'Homme. On sait ce que cela nécessite d'investissement humain comme matériel pour mésestimer son importance outre ses qualités artistiques évidentes.

Cependant, on ne peut que déplorer tant de moyens mis théoriquement au service de la cause anti-homophobie, mais n'ayant aucune incidence concrète sur la réussite de la cause.


Or, on l'aurait obtenue par une bien plus modeste initiative grosse malgré tout en retombées utiles sinon décisives avec la proposition d'un texte de loi d'abolition de l'article 230 du Code pénal, base légale de l'homophobie.

Une réticence coupable

Au fait, un texte consensuel existe et a été proposé aux militants tout autant qu'aux députés et aux autorités. (2) Si on comprend le refus des autorités et des députés d'en user, on comprend moins la réticence des militants associatifs. D'autant plus qu'on leur a fourni la preuve que si les députés n'osent pas d'eux-mêmes proposer un texte afin de ne pas passer pour des "pédés", dix au moins parmi eux sont prêts à reprendre celui qui aura été proposé par la société civile et suscité le débat dans le pays; leur devoir étant alors de l'introduire dans l'Assemblée.

Bien mieux, contrairement à une fausse croyance, il existe bel et bien en cette assemblée une majorité pour abolir l'article 230; paradoxalement, elle se recrute dans les rangs du parti religieux. N'oublions pas, en effet, que M. Ghannouchi a déjà déclaré publiquement ne pas s'opposer à l'abolition du honteux article 230. Et on sait que son parti, sauf de rares exceptions, est discipliné. Faut-il, bien évidemment, rappeler à M. Ghannouchi sa parole et exiger de lui sa mise en application ! Quelle meilleure façon de le faire qu'un projet de loi ?

La réticence des associations à proposer le texte nécessaire s'explique par leur alignement sur les vues des plus laïcistes parmi elles ; surtout sur une vision occidentale déconnectée des réalités tunisiennes. Car il n'existe pas d'homophobie en Tunisie, l'islam ne l'ayant jamais été ; l'homophobie est une survivance de la colonisation. Il y a juste une homophobie légale qui contraint les gens à se cacher et simuler l'homophobie. En fait, le sexe en Tunisie comme dans tout le Maghreb et le monde arabe est total, ne se  satisfaisant pas des catégorisations occidentales dépassées d'homosexualité, bisexualité et hétérosexualité. Dans un livre à paraître, je propose de parler d'érosensualité pour sortir de cette impasse.


Il est temps donc de contrer la désinformation intégriste sur l'islam, un intégrisme qui est bien moins homophobe qu'anti-sexe. Pourtant, le sexe est à la base de la vie et d'un comportement équilibré; et il est honoré en tant que tel en islam. Aussi, abolir l'homophobie en Tunisie participera de la nécessaire levée des freins qui bloquent l'avancée démocratique dans le pays, l'homosensuel étant la figure emblématique du différent ; l'accepter est un pas majeur vers le  vivre-ensemble paisible.

La possibilité d'une abolition du 230 pénal

Une telle issue n'a jamais était aussi proche de se concrétiser en Tunisie. Faut-il y agir avec les armes adéquates tenant compte de nos spécificités sociologiques. Et qu'on ne s'y trompe pas ! Si la société en Occident est homophobe du fait d'un fonds judéo-chrétien qui l'est, la nôtre ne l'est devenue que du fait des lois et de la morale du colonisateur, la société pratiquant librement et libertairement un sexe, surtout le sexe homoérotique, mais en cachette pour se préserver.

Il est vrai qu'on a eu une sortie indécente d'un député islamiste à l'Assemblée. Mais c'est un signe qui ne trompe pas que c'est la peur des intégristes de l'évolution inéluctable vers  l'abolition qui l'a motivée. Ce député irresponsable a parlé pour contrer une tendance qui se dessine dans le parti de M. Ghannouchi qui sera obligé d'approuver l'abolition dans le sens des propos de son leader.

Ce dernier, sommé par ses soutiens de tenir parole, s'y dérobe au prétexte que la société ne l'y oblige pas, prenant prétexte de l'absence d'un texte de loi que personne n'ose proposer. Si jamais un texte venait à être rendu public, ce sera une question d'honneur de ne pas l'ignorer. Lançant déjà le débat dans le pays, il sera forcément repris par au moins dix députés pour le soumettre à l'Assemblée; et Ghannouchi ne pourra alors que demander à son parti de le voter. Et en bon parti discipliné, Nahdha le fera ! C'est aussi simple que cela!

C'est ce que ne veulent pas les associations dominées par un esprit intégriste profane prétextant ne pas vouloir mélanger religion et politique alors qu'il ne s'agit que de tenir compte des réalités sociologiques du pays où l'islam est une partie de l'identité populaire.  Il y est d'ailleurs plus culturel que cultuel. Combien donc de Tunisien sont pratiquants ? Une infime minorité ; malgré cela, on se réclame de la culture de l'islam !


Lors de la journée du 10 décembre, on a raté une occasion en or, car on a vu s'y tenir l'audience en appel de l'affaire du test anal. Si on avait agi avant ou le jour même en lançant le débat par un projet de loi sur la double illégalité de l'article 230 du Code pénal, à la fois par rapport à la Constitution et par rapport à l'islam, on aurait peut-être déjà obtenu le non-lieu demandé par la défense. Le prononcé du jugement étant prévu pour le 17 décembre, il est impératif que la pression soit exercée sur les autorités dans le sens de l'illégalité absolue de l'homophobie en Tunisie.

Une stratégie néfaste

La campagne de photos anti-homophobie aurait été efficace si au lieu du texte incantatoire qu'on affiche on avait proposé un texte de loi. On aurait alors fait d'une pierre deux coups : faire avancer la cause et lui assurer le buzz nécessaire. Telle qu'elle est, belle à voir et méritoire dans l'intention, la campagne dessert la cause, car elle renforce dans leurs convictions ceux qui pensent que les militants ne sont que des jouets entre les mains des Occidentaux, des laïcistes et même des islamophobes enragés.

C'est une stratégie néfaste qu'il importe de changer au plus vite, d'autant plus que la Tunisie est bien proche d'obtenir l'abolition. Les intégristes purs et durs sont aux abois et usent de leurs dernières armes : l'intimidation. Et ils sont encouragés en cela par leurs semblables intégristes profanes qui méconnaissent les réalités du pays.

Je propose donc aux associations de reprendre le texte que je leur avais soumis ou de s'en inspirer et de le proposer au plus tôt afin d'obtenir dès le 17 le lancement du processus d'abolition tant souhaitée. Le non-lieu pourra alors être obtenu au vu de l'illégalité constatée de sa base juridique. Cela est encore plus urgent pour éviter de nouvelles injustices puisqu'il y a bien une dizaine de prévenus dans les prisons du pays pour homosexualité.

La vraie question qui se pose donc est celle-ci : veut-on abolir l'homophobie ou ne fait-on que du business juteux en profitant d'une homophobie qui arrange bien du monde, les intégristes religieux bien évidemment, mais aussi leurs complices islamophobes, faisant commerce de l'homophobie comme d'autres de la charité.

C'est l'heure de vérité (3) pour les militants de l'abolition de l'homophobie en Tunisie. S'ils veulent bien recourir enfin à la bonne stratégie, la Tunisie ne sera plus homophobe en 2016. Il est par conséquent temps de sortir de la misère actuelle de la lutte anti-homophobie qui la dessert. On sait comme le faire et comment gagner ; l'arme qu'il faut existe, il suffit d'en user ; on ne pourra plus dire qu'on ne le savait pas !
Publié sur Kapitalis