Que le ministère public fasse appel du jugement moyenâgeux de Kairouan !
Le ministère public doit de toute urgence faire appel du jugement d'un autre temps du tribunal de Kairouan, car c'est une provocation absolue à l'État de droit et à l'avenir de la démocratie en Tunisie.
Il n'est pas trop différent des messages terroristes qui menacent la Tunisie; car il est un signal qui ne trompe pas de la part d'une certaine élite tunisienne, ici juridique, qui cultive un terrorisme mental encore plus dangereux que le terrorisme physique, car elle l'alimente.
Un jugement terroriste
Que dit ce jugement qui se cache derrière la légalité en la bafouant? Qu'un jeune homosexuel est plus dangereux qu'un présumé terroriste qu'on laisse en liberté. Certes, on invoque les textes de loi et les preuves, mais de quels textes de loi ? De pures survivances de la dictature et du protectorat, violant la constitution et devant être abolis sans plus tarder n'était l'impéritie de politiciens n'ayant pas une graine d'humanité.
Car comment traiter moins bien un homosexuel qu'un terroriste, même présumé, ayant fait montre de haine, alors que le premier, s'il est coupable de quelque chose, ne l'est que d'aimer ? Depuis quand l'amour est plus dangereux que la haine ?
Cette politique illégale et injuste des deux poids deux mesures est évidente dans le traitement de jeunes épris de paix et ceux revenant des champs de bataille porteurs de haines et de violences. Ces derniers, on les laisse en liberté, les assignant juste à résidence, tandis qu'on emprisonne les autres, démolissant leur vie et leur avenir.
Non, cela ne peut durer ! Il y va de l'honneur de la Tunisie et du peuple tunisien. Il y va même de la pérennité de notre pays, car un tel jugement relève du terrorisme mental.
Contrer le terrorisme mental
Il est donc impératif que le gouvernement prenne ses responsabilités entières et fasse sans plus tarder appel de ce jugement terroriste !
Il est impératif aussi que le quartet du dialogue national, récemment nobélisé, assume ses devoirs. Son impératif catégorique est de ramener la paix sociale dans le pays en exigeant une abolition immédiate de cette honte de l'article 230 pénal qui est la base illégale dudit jugement.
Outre de réclamer l'appel du jugement par le ministère public, il doit agir pour que la réforme pénale ne tarde plus, toilettant le Code pénal hérité de la colonisation de toutes ses lois terroristes, dont les articles 226 et 226 bis outre l'inégalité successorale du Code du statut personnel.
Il est également nécessaire que les associations les plus militantes de la société civile se réunissent urgemment en collectif et exigeant de M. Ghannouchi de tenir parole et de veiller personnellement à l'abrogation de l'article 230 qu'il a déclaré publiquement souhaiter.
Des indiscrétions diplomatiques disent qu'il se serait engagé à le faire auprès de ses amis américains s'il y avait un projet de loi pour le demander, tablant sur le fait que personne n'osera le faire et agissant pour cela. Il importe par conséquent de le détromper en proposant publiquement le projet de loi qu'il a sur son bureau.
Car il existe depuis mai dernier et a été communiqué à tous les députés et toutes les autorités; mais tout le monde l'a ignoré dans une omerta honteuse. Le Huff Post en a parlé à plusieurs reprises quant à lui. Il est temps de l'officialiser. Et comme le dit notre proverbe populaire s'agissant du leader islamiste : celui qui te donne une corde, lie-le avec !
Une mentalité moyenâgeuse
C'est assurément le collectif précité d'associations militantes de la société civile, avec à leur tête la Ligue nobélisée, mais aussi l'association de nos vaillantes femmes démocrates et bien d'autres activistes, qui aidera à contrer ce Moyen Âge mental qui détruit ce qu'il y a de meilleur en Tunisie.
Faut-il oser dépasser notre vision essentialiste des choses, y compris de la part des militants humanistes dont le péché mignon est de tomber trop facilement dans le piège intégriste en répondant à l'excès religieux par un excès laïciste.
Aujourd'hui, il est impératif que toutes les bonnes volontés se réunissent pour un modus vivendi, dans le cadre d'une politique que je nomme compréhensive, autour de textes de loi devenus inévitables. Ce serait une sorte d'un modus non moriendi, pour ne pas mourir et surtout sauver noter Tunisie.
Plus que jamais, les projets de loi compréhensifs déjà publics — portant, par exemple, sur l'égalité successorale, la dépénalisation totale de la consommation du cannabis et l'abrogation des restrictions illégales de consommation et de commerce d'alcool — deviennent impératifs pour l'honneur de la classe politique et le salut de la Tunisie. Cela participe aussi de la lutte anti-terroriste, car le terrorisme est dans les têtes !
Face à l'ignominie de Kairouan, il nous donc ne plus hésiter à rappeler à nos obscurantistes religieux qu'ils ne relèvent que du Moyen Âge chrétien, car dans le même temps l'islam fut une civilisation brillante, encore plus en avance sur les libertés que l'Occident d'aujourd'hui. Ce fut ce que je qualifie de rétromodernité, une modernité avant la lettre!
Il nous faut donc, toutes tendances confondues, humanistes profanes, mais aussi religieux — car ils existent, comme le sont les soufis ! — combattre avec nos armes une inculture islamiste qui n'a rien à voir avec l'islam des Lumières, les siennes propres et non celles venues après d'Occident auxquelles il a grandement contribué par une culture et une civilisation universelles.
Publié sur Al Huffington Post