Le verdict en premier ressort du tribunal de Sousse dans l'affaire Lotfi Nagdh est symptomatique de ce dont souffre le plus notre pays : une normopathie, cette terrible maladie des normes devant régir sainement la vie commune alors qu'elle en aggrave l'affection.
C'est la pathologie la plus grave des pays et des cultures, susceptible d'emporter tout si l'on ne se décide pas vite à y apporter le salutaire remède de cheval qu'elle impose : celui de la réforme législative avec des normes éthiques.
Impératif d'une réforme législative
De quoi s'agit-il, au fond, en Tunisie malade de cette normopathie ? D'une part, d'une justice qui dit le droit, mais dans un environnement vicié par des humeurs des plus délétères, idéologiques et médiatiques, mais surtout politiques. Or, on sait le poids de la politique sur le droit !
D'autre part, d'un droit qui, pour être légal (ce qu'il n'est pas nécessairement, étant contraire parfois à la norme supérieure qu'est la Constitution), n'est pas moins illégitime, n'étant pas juste, car ne cadrant pas avec les exigences de la Tunisie nouvelle, datant pour un bon nombre de lois des années de la dictature, sinon du temps du protectorat.
Or, comment une magistrature, même honnête et indépendante, peut rendre une justice éthique si elle est tenue d'appliquer des textes injustes à la base et qui sont censés la lier ? La plus belle femme ne peut donner que ce qu'elle a !
De plus, quand notre justice, en ce temps de confusion terrible des valeurs, se trouve être travaillée nolens volens par des intérêts (légitimes ou non) partisans, ce qui semble être le cas de certains milieux politisés à l'extrême tant chez nos magistrats que nos avocats, on mesure les ravages de cette maladie de la norme qu'est la normopathie.
Il nous faut donc, pour la soigner, aller à la racine du mal et cela consiste assurément à assainir la législation du pays en la toilettant de toutes ses lois scélérates. Pour cela, on doit absolument commencer par ce qui parle le plus à l'inconscient et à l'imaginaire, ces sujets tabous qu'on tait pourtant scrupuleusement aussi bien du côté des intégristes religieux que de leurs clones, les salafistes profanes.
Abrogation urgente des lois scélérates
Il est impératif catégoriquement d'apporter la réponse politique aux blocages politiciens qui empêchent notre pays de retrouver sa santé et se en accédant enfin à une sérénité psychologique absolument nécessaire à l'être équilibré, bien dans sa peau.
Le verdict dans l'affaire Naghd est le signe ultime que rien ne va plus en notre pays malade de ses élites, et ce surtout sur le plan éthique et politique. Aussi faut-il une réaction qui, pour être salutaire, doit relever de ce même plan, être donc à son diapason, soit politique et étique, ce que je qualifie de poléthique.
Cela commande impérieusement d'agir sur les fondations de l'État, sa législation, afin d'espérer modifier les scories viciant à la surface les fondements de la personnalité tunisienne : ce mental altéré par les vicissitudes de la vie et des idéologies néfastes.
La psychologie du Tunisien, celle de ses élites notamment, est en effet polluée aujourd'hui par des lois mauvaises, générant des normes supposées morales et qui sont immorales, car rétrogrades, mais sur lesquelles se basent certains juges et avocats pour ne pas rendre justice, en prenant prétexte afin d'instrumentaliser le droit à leur idéologie manichéenne.
Seule une législation éthique, aux normes vraiment morales et non prétendument islamiques alors qu'elles ne sont que judéo-chrétiennes et conformes aux valeurs humanistes universelles, est en mesure de contrer un tel blocage psychologique fondateur du terrorisme mental, meilleur complice des terroristes qui s'attaquent à la paix du pays et du monde.
Aussi, il est plus que temps que les plus sincères des acteurs politiques en Tunisie se décident, toutes affaires cessantes, à voter le projet de loi d'égalité successorale qui est déjà pendant à l'Assemblée des représentants du peuple, et ce pour commencer une telle oeuvre de salubrité éthique.
Cette dernière doit aussi être confortée dans les meilleurs délais par la nécessaire abrogation de tous les textes restrictifs des libertés privées de la Tunisienne et du Tunisien comme ces normes illégales restreignant la consommation et le commerce d'alcool et le sexe entre adultes consentants ainsi que les lois homophobes ou qui pénalisent le cannabis.
Publié sur Al Huffington Post