C'est la démoarchie en Tunisie, régime de la puissance sociétale!
Qui parle d'anarchie en Tunisie se trompe. Il ne voit que les fausses apparences, étant aveugle à cette centralité souterraine, agissant en profondeur, finissant fondatrice d'une nouvelle démocratie où le citoyen prend la part la plus active à sa destinée; une démocratie participative. N'est-ce pas là le sens de la politique ?
Passage de la cratie à l'archie
La démocratie formaliste en tant que pouvoir du peuple est périmée; au mieux, elle est en crise. Aussi, nos élites déconnectées des réalités, cherchant à nous importer d'Occident un régime en crise, se trompent. Ils ne font qu'importer de la pacotille, versant dans ce commerce florissant de la fripe !
On sait que le mot démocratie ajoute le suffixe cratie au terme peuple pour supposer son pouvoir. C'est sur ce mythe que la Modernité occidentale a vécu jusqu'ici. Le pouvoir supposé du peuple a été momifié dans des mécanismes formalistes gérés par des spécialistes érigés en démons de la politique, se servant du peuple pour leurs propres intérêts : une daimoncratie.1
Aujourd'hui, en postmodernité, l'âge des foules par excellence, ce n'est plus le pouvoir institué qui assure la cohésion sociale et les avancées pour les masses; il ne fait que gérer une situation imposée de l'intérieur ou de l'extérieur; il n'est au mieux qu'un suiveur.
Si la Tunisie est en anarchie, c'est pour cause de refus de l'ordre des oppresseurs, que résument les lois de la dictature toujours en vigueur. C'est donc la salutaire réaction d'un peuple mûr pour gérer ses affaires dans une démocratie revitalisée, participative et décentralisée, où les citoyens gèrent leurs réalités quotidiennes au plus près de leurs préoccupations dans leurs localités.
Ce n'est donc plus la cratie qui fonde le rôle du peuple en Tunisie, mais l'archie, la puissance sociétale. C'est cette puissance qu'on retrouve dans la monarchie ou l'anarchie, prééminente sur la cratie qui a mué en pouvoir institué sclérosé. C'est le cas et de la politique et de l'islam que ne représente plus sa déclinaison instituée, mais celle du peuple, à base soufie.
L'honneur perdu du pouvoir institué
Désormais, ce qui donne le tempo des réformes, c'est la société civile, plus que jamais novatrice et innovatrice en une exception Tunisie. C'est elle qui pallie aux insuffisances de nos élites autistes aux réalités populaires et éthiques.
La sclérose mentale actuelle en Tunisie est symbolisée par ces deux corps ô combien symboliques : la magistrature et le barreau, incapables d'avoir une parole de vérité et d'honneur sur la nullité absolue de l'article 230 du Code pénal. Ils osent refuser l'impératif catégorique de l'abolition de l'homophobie illégale et immorale, heurtant même la foi du pays, l'islam n'étant pas homophobe.2
C'est le cas du gouvernement silencieux aussi. Mais que peut faire le meilleur des gouvernements quand il est même incapable de ramener la propreté dans les rues, obligé à l'inertie du fait des intérêts dogmatiques des politiciens ?
Aussi met-il la responsabilité sur les citoyens; ce qui revient à reconnaître leur rôle capital dans la marche du pays. Qu'on laisse donc le peuple gouverner ses villes !
De fait, la saleté est dans les têtes,* nos lois liberticides créant une atmosphère conditionnant les réactions et favorisant les abus, comme on l'a vu avec le test anal que d'aucuns osent sans vergogne en défendre le principe. Tant que ces lois scélérates ne sont pas abolies, rien ne changera dans le pays, le mental continuant à être pollué et la loi sociologique de l'imitation faisant encore plus de ravages.
Ce qui sauve l'honneur de la Tunisie est ce salutaire sursaut de sa société civile seule en mesure de rappeler le nécessaire retour à une saine éthique que ne peuvent avoir nos politiques engoncés dans un conservatisme négateur des valeurs qu'ils font mine d'attribuer à la société qui ne l'est nullement, étant libertaire dans l'âme.
Où sont les justes et les vertueux ?
On ne se rend pas à l'évidence que le monde a changé et qu'il n'est plus possible de raisonner en usant de termes éculés et de concepts vidés de sens. La responsabilité et le combat de la société civile en Tunisie sont capitaux.
Ce ne sont plus les autorités instituées qui font avancer les choses, elles ne sont que des suiveuses; le travail de l'organe exécutif ou législateur est aujourd'hui juste une confirmation du travail fondateur de la société civile.
On le voit bien à l'Assemblée des élus du peuple où on n'a même pas vu dix députés, juste dix, ayant le courage de répondre aux attentes du peuple en amenant le débat sur l'abolition du honteux article 230 dans l'enceinte de l'assemblée.
Ils ont honte, y compris les homosensuels parmi eux, d'être taxés d'homosensualité, oubliant qu'on est tous homosensuels aujourd'hui, l'homosensuel étant la figure emblématique du différent absolu; car abolir l'homophobie en Tunisie, c'est agir pour le vivre-ensemble démocratique.3
Ce qui fait vivre la Tunisie aujourd'hui, ce sont les réactions salutaires de ses associations dignes comme l'ATFD. Ce sont elles qui révolutionnent les mentalités amenant les lois. Le travail de l'assemblée et des élus ne vient jamais en amont; au départ, c'est la société civile qui jette les fondations sur lesquelles peut s'ériger le grand-œuvre qu'on attend désormais de nos députés !
Sortir de l'Alzheimer politique
L'honneur perdu des magistrats, du barreau et de nos députés murés dans leur honteux silence ne que fait mettre encore plus en exergue l'honneur de la société civile. Il est encore temps aux uns et aux autres — surtout les députés — de sauver l'honneur des politiques en se saisissant du projet de loi qui leur a été proposé depuis longtemps et rappelé à plusieurs reprises!4
Ce à quoi on assiste actuellement n'est que le prolongement du Coup du peuple, la suite de sa révolution qui s'attaque aujourd'hui aux mentalités sclérosées. Heureux et vertueux seront ceux qui l'auront compris; ils serviront au mieux leur carrière politique future, non pas en étant des politiciens démons, soit ces anges déchus, mais en véritables archanges d'une politique retrouvant ses lettres de noblesse.
C'est donc une bataille hautement morale qui a lieu en Tunisie. On attend que les justes de voix et de voie osent l'engager et aider à la gagner en exigeant l'abolition immédiate de l'article 230 et la libération sans tarder de ses innocentes victimes, à commencer par sa dernière, ce pauvre étudiant privé de ses cours !
Où sont les vertueux ? Rappelons à ceux qui ont la mémoire courte que M. Rached Ghannouchi a clairement affirmé durant cette année qu'il ne s'opposait pas à l'abolition du scélérat 230.
En proposant le projet de loi abolissant l'homophobie, on pourra alors rappeler au chef de Nahdha sa parole qu'il est obligé de tenir, à moins d'être devenu amnésique ou atteint d'Alzheimer politique !5
NOTES :
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