Le blanchiment des islamistes par le Tribunal Administratif doit profiter à toutes les innocentes victimes
Par un fameux arrêt, bien surprenant dans les annales judiciaires, le Tribunal administratif vient d’annuler tous les jugements prononcés par la Cour de sûreté de l’État contre Monsieur Rached Ghannouchi et des dirigeants du mouvement Ennahdha tels Messieurs Hamadi Jebali, Salah Karkar, Abdelfattah Mourou, Abdelmajid Ezzar et Noureddine Bhiri.
Il s'agit bien d'une décision stupéfiante, car étant de nature à attenter à la crédibilité du droit et la sécurité des décisions de justice, outre de légaliser l'inégalité entre les justiciables, d'ériger l'injustice en règle et de bafouer l'éthique juridique et judiciaire.
Un arrêt injuste à l'égard de vraies victimes
Par son arrêt taillé sur mesure sur les maîtres du jour du pays, la plus haute instance judiciaire en matière administrative a blanchi d'anciens délinquants, au sens juridique, de tout ce qui leur était reproché entre 1987 et 2010 et ce au vu de la loi. Il s'agit notamment de condamnations à la peine capitale, aux travaux forcés et à la prison à perpétuité ou à temps correspondant bien à des faits commis.
Peu importe la qualification politique de tels faits et des condamnations pénales auxquelles ils ont donné lieu. En se situant du strict point de vue de la justice, on ne peut qu'estimer, en bonne logique juridique, qu'on ne peut se limiter à ces personnes au rang politique actuel incontestable sans faire bénéficier de la même procédure d'autres victimes moins privilégiées qu'elles pour avoir droit à un tel traitement de faveur, et bien plus innocentes pourtant.
Tout comme ces islamistes, elles ont été victimes des lois scélérates qu'on dénonce, mais dont on n'annule pas les suites judiciaires pour elles. Par conséquent, l'arrêt du Tribunal administratif doit être étendu à tous les jugements ayant brimé des personnes innocentes, aussi innocentes et même plus que M. Ghannouchi et consorts, car elles n'ont pas attenté à l'ordre ni commis le moindre acte répréhensible au vu de l'ordre juridique au moment des faits.
Un subterfuge légal particulariste
Techniquement, on a assisté à l'introduction d'une action en justice pour l’annulation du décret pris par l’ex-président de la République Habib Bourguiba, portant nomination des membres de la Cour de sûreté de l’Etat et de son procureur général Hachemi Zammel, en date du 15 avril 1987. C’est cette cour qui a, en effet, jugé et condamné les dirigeants du parti El-Ittijah islami, rebaptisé mouvement Ennahdha.
Aussi, l'annulation du décret de nomination de ladite cour a entraîné <em>ipso facto</em> l'annulation de tous les jugements prononcés par elle, étant devenus nuls et non avenus. C'est bien, en l'occurrence, d'un procédé à la limite de la morale, inattendu de la part de gouvernants qui doivent donner le bon exemple, surtout qu'ils se réfèrent aux valeurs de l'islam.
Bien évidemment, on a usé d’un subterfuge juridique pour annuler des jugements sans avoir à parler des faits les motivant. Aussi, l’effet obtenu est bien de blanchir totalement les anciens condamnés et de nettoyer leur casier judiciaire. Ce qui aggrave le caractère immoral de cette action et de s conséquence, l'arrêt des juges administratifs.
Intrinsèquement, on a affaire à un acte immoral, car on fait peu de cas des agissements des condamnés, combien même ils étaient politiques. Ils ont, quand même, bien enfreint un ordre législatif et perturbé l'ordre public.
Conséquemment, l'intention de réhabiliter des délinquants, malgré leurs méfaits au vu d’une législation devenue scélérate, ne saurait devenir morale que si l’on s’abstient en la matière d'user de la technique bien connue de deux poids deux mesures. Ce qui impose d'en étendre le bénéfice aux victimes bien plus innocentes de telles lois scélérates.
Pour une jurisprudence Ghannouchi
Par ce jugement se voulant juste et moral alors qu'il bafoue justice et morale, le tribunal administratif se couvrira de honte, commettant une bien plus grosse immoralité, s’il ne prolonge pas ce qu’impose son jugement aux vraies victimes.
Cela veut dire qu'il ose, de lui-même ou sur saisine, en étendre le bénéfice de l'esprit et de la logique à d'autres Tunisiens bien plus susceptibles d'en profiter que ses bénéficiaires actuels, étant plus innocents qu'eux, sinon parfaitement innocents contrairement à eux.
L’arrêt du Tribunal administratif doit donc faire jurisprudence et être étendu à toutes les victimes des lois de la dictature remises en cause déjà par la Constitution. Je citerais ici en particulier la loi n° 92-52 du 18 mai 1992 relative aux stupéfiants qui a brimé nombre de jeunes et ruiné leurs vies. Le moins que puisse faire le Tribunal administratif est de décider en vertu de sa jurisprudence Ghannouchi la nullité de cette loi et des jugements qui l’ont appliquée.
Les associations de défense des victimes de ladite honteuse loi et leurs familles ont aussi intérêt à introduire sans plus tarder une action similaire à celle des avocats de M. Ghannouchi en vue d'annuler les jugements prononcés en vertu de ces mêmes lois scélérates de la dictature dont a été blanchi comme neige M. Ghannouchi et ses amis et indemniser leurs victimes.
En effet, il est contraire au droit, à l'éthique et aux valeurs du pays que les innocentes victimes de la loi sur les stupéfiants, mais aussi les personnes injustement jugées pour leurs mœurs et leur orientation sexuelle continuent à avoir leur casier judiciaire noirci par des faits bien moins graves que ceux qui étaient reprochés à M. Ghannouchi et consorts.