Après l’abandon de l’encre électorale, l’ISIE doit décider la suspension du processus électoral
L’ISIE a enfin osé aller contre les faux-semblants et les esprits dogmatiques en décidant de se passer de la honteuse encre électorale. Et elle a bien fait démontrant sa capacité à aller encore plus loin au service de la patrie plus que jamais menacée dans son intégrité.
Décision souveraine sage sur un stigmate inutile
Ayant bataillé pour la suppression de ce stigmate de nature purement commerciale, je ne peux que saluer ce geste. Il joue en faveur de la nouvelle direction de l’ISIE qui semble ainsi bien soucieuse du respect de l’acte électoral en éliminant cette encre dont le seul intérêt était mercantile, ne servant que les fournisseurs tirant profit de nos élections pour faire fortune.
En effet, outre son coût, l’encre stigmatise l’électeur tunisien, comme étant un sous-développé, ainsi que l’ISIE comme étant incapable de garantir l’intégrité des élections. Car le système retenu des listes rend le recours à l’encre inutile au niveau de l’acte de vote.
Certes, on peut toujours invoquer le risque de bourrage des urnes, rappelant des pratiques de triste mémoire. Mais cela reste hypothétique et suppose une complicité éhontée entre les membres du bureau et les observateurs. De plus, ce serait un crime électoral qui pourrait être prouvé par divers moyens et non seulement par l’empreinte du doigt de l’électeur.
Ceux qui contestent la décision de l’ISIE, en dehors de l’argument qu’ils auraient aimé avoir été consultés, ont tort de s'attaquer à une décision de bon sens, surtout logique et éthique, réhabilitant l’acte électoral. Et ils ne font que démontrer leur absence d'estime pour la maturité de leurs concitoyens prétextant une immaturité qu'ils ont démontré ne pas avoir.
L'acte souverain de l'ISIE concernant l'encre de la honte milite donc bien en faveur de la crédibilité de l'Instance. Aussi aimerait-on la voir oser aller encore plus loin dans le sens de l'honneur des municipales qui commande une suspension du cours électoral actuel. C'est certes cruel à décider, mais l'intérêt de la patrie le commande.
Pour le sage arrêt d'un processus électoral périlleux
Aujourd'hui, il est attendu de l’ISIE un effort encore plus courageux que celui fait pour l'encre, contrariant les intérêts mercantiles; car il est capital pour l’avenir du pays. Il consiste à oser reporter des élections dont le seul but inavoué aujourd’hui est d’affaiblir encore plus l’État en appliquant une décentralisation mal conçue, diffractant l’illégalité actuelle dans toutes les régions.
Est-il imaginable, en effet, d’organiser des élections dans un cadre législatif illégal, nos juges étant en train d’appliquer des lois devenues nulles de nullité absolue ayant été abolies par la Constitution?
Légalement, éthiquement et logiquement, en un pays se voulant respectueux des principes démocratiques et du droit, il importe d’abord de consolider l’État en réalisant d’urgence la réforme législative salutaire. C’est ensuite et ensuite seulement qu’il est loisible de se soucier du pouvoir municipal qui ne doit pas reproduire un système de féodalité, mais une démocratie participative locale. Or, on en est loin. La preuve est dans l’échec des initiatives courageuses initiées jusqu’ici dans les localités, la plus innovante et éclairant ayant été l’exemple de Sayda.
Il y a encore trop de forces dogmatiques, usant de toutes les armes, dont la religion, pour avoir et abuser du pouvoir. Et rien ne peut s’y opposer sinon une législation qui soit juste et égalitaire pour tous. Ce qui est loin d’être le cas.
Aussi, il importe pour le salut du pays et la sauvegarde de son expérience démocratique d’oser suspendre l’actuel cours électoral que la logique, le droit et l’éthique commandent de remettre au lendemain d’une réforme courageuse portant, pour le moins, sur les sujets sensibles dont on ne veut parler et qui continuent de brimer les innocents et l’esprit démocratique outre d’instaurer une illégalité légale en quelque sorte.
Cela passe par le report des élections après l’assainissement de nos lois dont on convient de la nécessité sans vouloir y procéder, remettant sans cesse cette impérative entreprise à plus tard.
Dans l'état actuel, une telle action salutaire est possible en l'absence d'un recours à l'article 80 de la constitution par le président de la République, et c'est par une décision souveraine de l'ISIE; fera-t-elle donc acte d'un tel courage?
Comme l'ISIE a su démontrer sa réactivité en matière d'encre, ne tenant pas compte des caprices des partis, les court-circuitant même en ne les consultant pas pour ce qui tombait sous le sens, elle pourrait la confirmer en suspendant les élections au nom de son souci pour l'intérêt de la patrie et aussi pour que la logique juridique et éthique l'emporte sur tout le reste.
Or, la Tunisie et la pérennité de son État, qui fait sa force, sont en danger. Que l’ISIE ait donc ce courage manquant le plus aujourd’hui dans le pays en osant remettre les élections pour après l’assainissement de la législation nationale. C’est un acte éminent qui ne fera que conforter la crédibilité et l’indépendance de l’ISIE.
Décision souveraine au service du salut de la patrie
La souveraine décision de l'ISIE de suspendre le processus électoral irait dans le sens d’une conviction gagnant de plus en plus du terrain sur ce dangereux luxe que représente pour la Tunisie et sa démocratie naissante la tenue aujourd’hui des municipales?
De plus en plus de voix autorisées, à l’intérieur comme à l’extérieur de la Tunisie, parmi ceux qui se soucient du salut de la patrie, osent demander une telle suspension qui ne peut se faire désormais que de deux manières : la décision souveraine de l’ISIE ou le constat de péril imminent par le président de la République.
La réunion inopinée décidée par le Président de la République avec les signataires du document de Carthage, contrairement à ce que d’aucuns supputent, sera-t-elle l’occasion d’annoncer le constat de péril imminent et donc la suspension du processus électoral? Ce serait bien plus utile au pays qu’une nouvelle crise avec ce que d’aucuns annoncent en matière de désaveu du chef du gouvernement actuel. Car cela ne fera qu’aggraver le péril que les élections municipales font courir au pays.
Assurément, on invoque le respect de la constitution pour exiger d’aller jusqu’au bout du processus électoral. Pourtant, un tel respect commande de commencer déjà par conformer la législation nationale, qui est celle de la colonisation et de la dictature, au texte fondamental. Que l’on érige enfin la cour constitutionnelle qui est un acte autrement plus important au service de la démocratie que des municipales qui vont démembrer encore plus l’État au lieu de le remembrer autour d’une législation réformée, conforme aux droits et libertés constitutionnels !
Or, une suspension aura l'effet d'un électrochoc ne mettant que mieux l'accent sur la nécessité de mettre en conformité les lois illégales actuelles, du moins pour les plus scélérates, en conformité avec la constitution.
C'est bien cela l'État de droit et non des élections vidées de sens et qu'on sait, qui plus est, qu'elles seront immanquablement boycottées par la majorité des citoyens, surtout la jeunesse qui est l'avenir du pays. De quel avenir pourra-t-on alors parler pour un pays où même la loi qu'il importe de respecter est illégale?