De l'autoritarisme en Tunisie (2/2) : une ambition pour la Tunisie
On connaît désormais la pensée complexe d'Edgar Morin; or, elle est incontournable en Tunisie sous la forme de ce que je qualifie d'action complexe, dénomination recouvrant une politique compréhensive et éthique : une poléthique.
Il s'agit d'une transfiguration de la pratique politique de nature à fonder une ambition pour la Tunisie de la part de tout patriote de ce pays. C'est à quoi je m'adonne depuis un temps.
Une diplomatie informelle
Mes lecteurs les plus fidèles savent déjà que je relève de la pensée sociologique compréhensive dans le sillage des écoles de l'imaginaire et de la postmodernité sous la férule de mon maître Michel Maffesoli.
Juriste de formation, politiste de diplôme et diplomate de profession, la Providence a voulu que je sois rayé du corps diplomatique par l'administration de l'ancien régime pour cause de mon militantisme pour les valeurs humanistes, des droits de l'Homme et de l'État de droit à l'intérieur même de l'administration, soit dans la tanière même du loup.
Car c'est ainsi que se conçoit le vrai militantisme pour les valeurs et non celui des salons et des trompettes de la renommée.
N'ayant pas recouvré mes légitimes droits sous les gouvernements successifs depuis la révolution, ce qui montre bien que l'administration demeure insensible aux justes causes, je ne me suis pas moins adonné à une diplomatie informelle qui, de source fiable, gêne autant certaines autorités tunisiennes que leurs homologues occidentales, plus particulièrement européennes.
C'est que si je suis occdentalophile au sens où je crois l'horizon occidental incontournable pour notre pays, je ne suis pas moins sévère avec un Occident dogmatique à sa manière, dont les Lumières sont éteintes depuis longtemps. Aussi, je tiens un discours de vérité que certains de ses cercles, trop rivés sur les intérêts acquis, ne veulent pas entendre.
Or, je ne saurais qu'être juste de voix et de voie. C'est ma philosophie de vie et l'expression de mon amour sincère, mais sans concession, pour l'Occident livré actuellement à certaines de ses turpitudes, la part du diable étant en tout un chacun s'il ne pratique une veille sans relâche de ses valeurs pour les maintenir en vie.
Cet amour aussi infini que responsable est donc exigeant; n'est-ce pas le propre de toute vraie passion ?
Un package pour la Méditerranée
Dans ce cadre et tout autant que mon militantisme pour un État de droit en Tunisie devant être intimement lié à une société qui soit de droits, je milite aussi pour ce que je nomme espace de démocratie méditerranéenne fatal au sein de l'immeuble planétaire qu'est devenu le monde et devant augurer d'une aire de civilisation occidentalo-orientale, réalisant la symbiose du meilleur des deux cultures plus complémentaires au fond qu'antagonistes.
La Tunisie, depuis son Coup du peuple, est en mesure de constituer une rampe de lancement pour une pareille nouvelle donne en Méditerranée. Elle a, dans son peuple assez mûr dans sa globalité, ce qu'il lui faut comme atouts : une jeunesse éduquée et exigeante, une femme libérée et consciente de ses droits.
Ce qui lui manque encore, c'est que ses élites se libèrent de leurs tares et automatismes : les uns d'occidentalocentrisme béat et aveugle, les autres d'un tropisme suicidaire sur l'islam, dans une lecture moins islamique que judéo-chrétienne.
Or, un tel dogmatisme tunisien est alimenté par un dogmatisme similaire du côté d'un Occident voulant continuer à vivre sur ses acquis et privilèges en Tunisie hérités d'un ordre pourtant fini.
Ainsi refuse-t-il le package diplomatique que je propose et qui postule dans l'immédiat la transformation du visa actuel en visa biométrique de circulation et, à terme, la levée totale du visa par l'intégration de la Tunisie et tout le Maghreb in fine à l'Union européenne.
Nouvelle donne méditerranéenne inévitable
Un tel package sera la moins mauvaise façon de consolider la transition démocratique en Tunisie où l'on n'a plus le choix qu'entre un Occident ouvert, réellement solidaire, débarrassé de son égoïsme d'un autre temps, ou un Orient livré à ses turpitudes encouragées en sous-mains par un Occident aveugle à ses intérêts à long terme.
La Méditerranée, la Tunisie et l'Europe y compris, est menacée par l'extension de l'islam intégriste, de Daech et de ces clones pasteurisés, échappant à tout contrôle, même des États dictatoriaux à la botte de l'Occident qui prônent un rigorisme renouant avec une tradition judéo-chrétienne obsolète antinomique de l'islam des Lumières. Or, en Tunisie, l'islam est d'abord soufi et il honore les libertés, étant d'essence libertaire.
C'est ce dont doutent nos élites déconnectées des réalités du peuple et encouragées par des responsables autistes d'Occident. Qu'ils sachent donc que l'histoire qui s'accélère actuellement en Méditerranée impose à la Tunisie ce à quoi j'appelle depuis un temps et dont l'occurrence est inévitable.
La question n'est plus si une telle donne méditerranéenne aura lui, mais dans quelles conditions. Si on écoute la voie de raison que je préconise, si on applique la recette de cette action complexe, la bascule se fera sans trop de dommages du paradigme fini de la modernité au nouveau paradigme postmoderne dont la Tunisie est déjà une expression basique.
Car, aujourd'hui, avec ce qui se passe de dramatique dans le monde, on n'a plus le choix qu'entre le chaos et un nouvel ordre que je qualifie d'amoureux, qui est celui de la solidarité, une mondianité selon mon néologisme : un monde d'humanité.
Cela commence par encourager nos jeunes à circuler librement et à aimer afin de les détourner du terrible désespoir qui les fait chercher un sens à leur vie sur les chemins de traverse et dans le terrorismes au lieu d'aimer, de faire l'amour et non plus la guerre.
Publié sur Al Huffington Post
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http://www.huffpostmaghreb.com/farhat-othman/de-lautoritarisme-en-tuni_1_b_7116540.html
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