2025, stéréotype et archétype : requiem des eunuques de la pensée
La nouvelle année est au coeur de cette postmodernité qui est, entre autres significations, l’ère du zéroïsme de sens ; et l’on sait que parler de sens ramène aux élites, à nos intellectuels souvent déconnectés des réalités, très peu organiques selon la fameuse expression de Gramsci, et qui ne sont au final, selon l'expression de Michel Maffesoli, des eunuques de la pensée. Or, l'année 2025 augurant un nouveau cycle d'énergies cosmiques, devrait entonner leur requiem.
Rappelons donc, en paraphrasant quelque peu le maître français de la postmodernité, qu'il est toujours essentiel de savoir que la pensée authentique ne se crée pas ex nihilo. Les suivants sont toujours tributaires de ceux qui les ont précédés ; ce qui est bien évident en pensée arabe islamique et y est attesté par le vocable Salaf سلف. Aussi, se hisser sur les épaules des géants n’est pas une vaine boutade académique, rappelant tout ce que doivent aux maîtres qui les ont précédés les sommités, ou prétendues telles, du moment. Ainsi, pour s’affirmer et se développer, de la notion d’habitus de Saint Thomas d’Aquin aux écrits d'Umberto Eco sur la pensée médiévale, des écrits des Moatazilites à ceux des philosophes musulmans de nos jours, la pensée a besoin d’assises. Ce n'est rien d'autre que le « rythme de la vie », à savoir que tout s’écoule à partir d’un point fixe. Or, la vie quotidienne, en sa banalité et son non-sens apparent, est bien une actualisation de ce qui est substantiel. De même ne peut-on bien comprendre l’imaginaire contemporain qu’en référence à des archétypes enracinés profondément. On ne peut être prospectif que si l’on sait être rétrospectif. N’est-il pas vrai que le prophète est celui qui se souvient de l’avenir ?
Au vrai, le savant n'est que l'ignorant qui apprend puisque l'on ne fait, selon le philosophe, que « Devenir ce qu'on a été », car comme l’avait déjà noté Parménide : « το γαρ αυτό νοείν εστίν τε και είναι : c'est le même penser et être ». Du reste, Paul Valéry notait bien que « les penseurs sont des gens qui repensent et qui pensent que ce qui fut pensé ne fut jamais assez pensé ». Aussi, l’intellectuel authentique est-il celui qui au-delà de la chair du monde de Merleau-Ponty, va au creux des apparences, se gardant de se noyer dans de stériles abstractions déconnectées du réel, incompréhensibles dans leurs abstractions fort prisées de nos jours chez les académiciens en autant de stéréotypes. Ils vivent dans le présent et il est tant matérialiste qu’ils en oublient ses racines spirituelles, snobant même l’intuition et l’instinct, ce cerveau reptilien qui est pourtant la première manifestation de l’art de penser, même rudimentaire, avec justesse.
Loin d'une nécessaire incarnation dans ladite « chair du monde », ils en arrivent dans leurs pompeuses dissertations, à oublier la vertu de la mémoire et notamment cette mémoire généalogique, particulièrement en sa manifestation de loyautés axiologiques en autant de schémas tribals transmis de génération en génération en archétypes, ce qui est, par ailleurs s'agissant de nos intellectuels, un invariant de l’âme arabe musulmane. Les uns et les autres ne font donc pas attention à l’évolution connue d’un tel phénomène qu’est la mue des archétypes de départ dégénérant en stéréotypes cimentant un blocage généralisé, bien plus mental que physique, se situant dans l’inconscient collectif et se disséminant dans l’imaginaire de tout un chacun de la tribu élargie qu’est devenu l’État nation. Or, en prendre conscience est la condition première pour s’en libérer, la libération, comme le moindre acte, commençant dans la tête avec une pensée volontariste. D’où l’importance de l’intellect, et donc de l’intellectuel, des élites, pour peu qu’elles ne soient pas délitées, étant déconnectées des réalités ignorées ou tues.
Or, une telle philosophie de la science est bien, au final, la science avec ses lettres de noblesse, ce savoir qui se respecte et non ce dont on use en nos temps mensongers en scientisme et cartésisme, ce positivisme émasculé du début de la pensée de son théoricien qui lui a donné, à la fin de sa vie, son second pied afin de ne pas demeurer bancal et claudicant en scientisme, docte mensonge docte au nom de la science véritable.
C'est une telle résurgence du creux des apparences aux divers et sophistiqués stéréotypes des archétypes des profondeurs de l'inconscient collectif que serait propice l'année 2025 inaugurant un tout nouveau cycle de la civilisation à l'échelle humaine. Or, j'en parlai déjà, il y a dix ans, pour l’islam expliquant pour une bonne part la crise intellectuelle du monde arabe musulman, ses élites plus particulièrement, dans la tribune suivante toujours d’actualité, en appel déjà à un Nouvel esprit i-slamique (NOESI-S) :
L'islam, du stéréotype à l'archétype
https://tunisienouvellerepublique.blogspot.com/2014/04/une-tunisie-soufie-4.html#more