En finir avec le délit de jeunesse
Bien que personne, en Tunisie, ne conteste que son avenir est la jeunesse et que celle-ci a été le fer de lance du nouvel esprit qui y souffle depuis la chute de la dictature à laquelle elle a grandement continué, elle y continue à y être victime de ce qu'on pourrait qualifier de délit de jeunesse.*
La dictature des lois scélérates
Il suffit pour s'en rendre compte d'observer les rapports des forces de l'ordre avec les jeunes non seulement sur les terrains du sport favori de nos Tunisiens, le football, mais aussi et surtout aux gares maritimes desservant ces îles réputées être le premier point de départ des tentatives d'émigration clandestine devenue premier sport de la plupart de nos jeunes.
Il suffit d'être jeune ou d'en avoir l'allure pour être interdit d'embarquer vers les îles, interdit d'exercer un droit fondamental de circuler sur son territoire national en libre citoyen dont la dignité est l'exercice de ses droits et le bénéfice de ses libertés, dont celle de circuler.
Or, c'est ce que faisait l'ancien régime de la dictature, politique répressive au service des desiderata de l'étranger ne se souciant que de sa prétendue sécurité qu'ont continué à appliquer par le menu les supposés révolutionnaires du pays depuis la chute de la dictature et à laquelle ne déroge pas l'actuel pouvoir dont la légitimité se base pourtant sur le slogan du Vouloir du peuple et du mot d'ordre de la souveraineté de la Tunisie.
Certes, on entend se dédouaner au prétexte qu'il e s'agit que de protéger les jeunes contre les filières criminelles des passeurs et les drames récurrents en Méditerranée des tentatives d'émigration clandestine. Pourquoi alors ne le fait-on pas en agissant sur la cause et non l'effet, à savoir l'obligation du visa pour circuler alors qu'il est devenu obsolète est même criminogène ?
Exigence du visa de circulation
En effet, et je n'arrête de le dire, le visa actuel est la varie cause de la clandestinité avec de ses drames en plus de l'entretien de l'industrie criminelle qui la cultive du trafic des êtres humains en profitant de la misère des ressortissants des pays du Sud. Or, elle n'est pas qu'économique et matérielle, étant d'abord et avant tout morale, ontologique même, découlant de leur privation de leurs plus basiques droits et libertés dans leurs pays.
On vous rétorque alors que ce diktat du visa est imposé par l'étranger et qu'il serait naïf de croire désormais s'en dispenser; ce qui n'est que la répétition d'un argumentaire éculé et qui ne tient pas face à la contradiction. À savoir qu'il est bien moins imposé que voulu par les responsables, se révélant irresponsables, des pays du Sud en acceptant les aides octroyées à rire larigot par les puissances étrangères qui les amènent ainsi à coopérer avec elles à brimer leurs populations.
Car le visa tel qu'il est pratiqué actuellement est honteux et indigne pour les autorités des pays du Sud qui continuent à l'accepter. En effet, il ne saurait tenir que grâce à leur complicité et actif concours à le mettre en place. Et ce, outre d'aller à l'encontre des intérêts de leurs ressortissants, de faire d'énormes concessions à leur souveraineté en acceptant que les empreintes digitales de leurs citoyens soient prélevées, sur leur sol, par des autorités étrangères.
Fermeture des frontières
illusoire et immorale
Une telle énormité, infraction qui plus est au droit international, est au reste bien suffisante pour dénoncer la pratique actuelle du visa et d'exiger sa transformation en ce que je nomme visa biométrique de circulation. Ce qui, en maintenant la procédure actuelle du relevé des empreintes digitales de leurs ressortissants dans leurs pays compensera cette grave concession à leur souveraineté et dignité par l'octroi gratuit et pour un an à trois ou cinq ans renouvelables par tacite reconduction le visa devenu ainsi de circulation et donnant droit non pas au séjour illimité, mais de trois mois maximum à chaque entrée sans limitation, par contre, du nombre de ces entrées.
C'est qu'un tel type de visa, bien connu dans toutes les chancelleries, est la seule arme efficace contre la clandestinité et elle est létale pour les organisations criminelles qui se sustentant grassement de la situation actuelle avec une politique de gribouille axée exclusivement sur la fermeture illusoire des frontières.
Il est temps de réaliser qu'il y a moins invasion de l'Occident que désir de circulation, que l'immigration est un mythe sa réalité n'étant, au mieux, qu'une expatriation, provisoire ou durable, dans un monde globalisé où tout circule, à commencer par les marchandises et les services. Comment continuer à résister à la fatale libre circulation humaine qu'il suffit, pour commencer, à rationaliser avec l'outil ici proposé d'autant qu'il est parfaitement sécurisé, conforme à tous les réquisits sécuritaires actuels.
Aussi, le Président de la République, qui n'arrête de tenir en vain à ses interlocuteurs européens le discours de la raison en matière des drames de la clandestinité, serait bien inspiré, en tant que premier artisan de la diplomatie tunisienne, de lui impulser un nouveau souffle qui soit révolutionnaire.
Inspiré des considérations susmentionnées, faisant du visa biométrique de circulation gratuit et délivré par tacite reconduction, la diplomatie tunisienne sera alors en parfaite concordance avec la devise présidentielle que c'est bien le bon vouloir du peuple qui veut que le visa biométrique de circulation devienne la règle des rapports humains entre l'Afrique et l'Europe. Faute de quoi la Tunisie suspendra sa coopération actuelle avec ses partenaires s'ils continuent à snober le discours de raison de son président.
* Lire ma tribune : Ce trésor caché de Tunisie qu'on dilapide