Daimoncratie :
ersatz du concept de démocratie
Il est une obsolescence qui frappe aussi les concepts, y compris les plus emblématiques, comme en toute chose. Ainsi les anciens savaient-ils déjà que la justice absolue équivalait à de l'injustice (summum jus summa injuria), et l'on ne discute plus du fait que la plus équitable égalité est parfois à relativiser pour ne pas verser dans l'inégalité au prétexte de tout traiter pareillement. Il en va ainsi du concept de démocratie en tant que pouvoir du peuple.
De fait, un tel pouvoir n'a jamais existé, et il a toujours consisté en l'admission que des élus du peuple s'y substituent pour l'incarner. Or, cela n'a différé en démocratie des régimes monarchiques ou dictatoriaux que sur la nature de l'élu, la forme de son autorité et les modalités de son élection. Souvent, sinon toujours, on a lié la démocratie à la formalité du scrutin électoral devant se dérouler régulièrement où le peuple choisit plus ou moins directement ses élus pendant une période préfixe où il n'aura plus quasiment droit au chapitre.
Or, on sait que nombre de techniques, sinon de subterfuges, peuvent venir altérer la saine expression de la volonté populaire ; comme déjà la nécessité d'être sur une liste électorale pour avoir le droit de vote, mais surtout le découpage des circonscriptions quand il obéit à des considérations idéologiques plutôt qu'objectives, le type de scrutin et souvent l'impératif de filtres pour l'adoubement des élus. Sans parler des multiples méthodes d'endoctrinement de par la manipulation d'une information devenue envahissante et ce non seulement par la technique subliminale.
De fait, tout se passe comme si la démocratie est devenue l'affaire de spécialistes de la politique politicienne où l'impératif majeur est moins que l'élu incarne la volonté de celui qui l'élit mais qu'il l'obtienne par tous moyens et qu'il la conserve de la même façon. On le vérifie partout, y compris dans les pays de démocratie enracinée, et nul n'est besoin de regarder du côté des pays où l'on n' a qu'une caricature de ce régime politique supposé le moins imparfait. C'est pour cela qu'on parle de crise de la démocratie. Or, elle est dans ce phénomène plus qu'évident que le concept de démocratie a épuisé tout son sens et son symbolisme n'étant plus qu'une coquille vide, un ersatz de ce que j'ai nommé daimoncratie ou démoncratie, le pouvoir des démons (daimons) de la politique politicienne.
Ce sont bien des démons puisqu'il s'agit d'une classe de professionnels de la politique sans lettres de noblesse, bien loin d'être ce que je qualifie par mon autre néologisme : poléthique, une politique éthique. On le vérifie bien dans le monde, déjà en pleine dérive du fait d'une confusion axiologique terrible vidant de tout contenu valide le droit international, en faisant une simple licence aux plus forts, les démons du monde.
La daimoncratie est ainsi en cours aux Etats-Unis où l'on voit un vieux président sortant au seuil de l'incapacité à gouverner se représenter pour un nouveau mandant, agissant comme un dictateur voulant être toujours au pouvoir. N'est-ce pas un spectacle affligeant qu'on n'aurait pas manqué de dénoncer s'il se passait dans les pays dits non-démocratiques guère différents, au final, puisqu'ils sont aussi gouvernés par des démons accrochés au pouvoir et s'y accrochant en l'instrumentalisant à leurs propres fins.
La France qui est si proche de dilapider ses supposées valeurs fondamentales d'un humanisme qui n' y est plus déjà intégral mais partiel, est également un exemple parfait de daimoncratie malgré ses lois et libertés qui sont censées définir une démocratie. Ainsi, outre que la légalité est souvent trouée d'illégalités tues ou tolérées, elle est aussi instrumentalisée au service du pouvoir en place où tout est bon pour servir ses intérêts, ce qui inclut ceux des gouvernants mais aussi des leurs, amis et clients, légitimant non seulement le pouvoir en place mais surtout son idéologie. Ce que l'on veille à imposer et défendre quitte à agir contre ce que suppose le plus basiquement l'intérêt de leur peuple, à savoir un vivre-ensemble paisible.
Que n'a-t-on pas fait en France pour attiser les tensions entre les différentes composantes de la société française au point de voir le président actuel décider une aberrante dissolution du parlement afin d'espérer profiter de la conjoncture pour sinon renouveler sa majorité fragile, du moins profiter du chaos prévisible ouvrant droit à la plus hideuse des oppositions françaises, celle Vichyste l'ex-Front National, pour alors démissionner et se représenter en sauveur du pays. Peu importe que les juristes soient divisés sur la possibilité pour un président n'ayant pas achevé son second et ultime mandat de se représenter, d'aucuns liant l'impossibilité à l'achèvement du mandat. Un raisonnent relevant du juridisme qu'on verrait bien finir par s'imposer et s'appliquer en un pays qu'on prédit, au soir de ce second tour de scrutin, devenir ingouvernable. Où est l'intérêt de la France dans tout cela, disant ainsi adieu à la démocratie française purement formelle ? Place donc à une daimoncratie française guère plus informelle.