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dimanche 1 octobre 2023

Dictature mentale 4

 
Dérive

situationniste en Tunisie ?



La dérive actuelle de la Tunisie est indubitable. Tout a été dit à son sujet, même si souvent le propos, y compris celui se voulant sensé et lucide, verse parfois dans l'excès pourtant reproché à autrui. L'excès, dans un sens ou dans un autre, est donc quasiment généralisé ; toujours au nom de l'intérêt général, comme de bien entendu, de toutes parts excipé ! 

Or, plus que jamais, il nous faut de la mesure et de la justesse tout en étant volontariste et proactif. Être juste de voix et de voie nous amènera assurément à entrevoir cette dérive en termes situationnistes, donc féconde en sortie de crise. Ce ne serait, conséquemment, que le Holzwege, ces Chemins qui ne mènent nulle part de Heidegger et qui sont, de fait, la voie du salut.    

En étendant ledit qualificatif à cette drive, on en relativisera l'aspect purement négatif pour en extraire ce qu'elle peut receler d'éléments positifs. Car, à notre sens, il n'y a pas, de désordre exclusif, combinaison unitaire, mais une combinatoire de forces tant positives que négatives qui sont en étroite imbrication et donc d'action les unes sur les autres. Aussi le désordre qu'implique la dérive, qui en est cause et effet, est-il pour nous des-ordres, une multiplicité d'ordres en puissance qui ne font désordre que si les éléments négatifs l'emportent sur les éléments positifs de la combinaison. Sinon, si l'inverse se produit, c'est le supposé désordre qui devient un ordre multiple, riche d'ordres interstitiels, comme une poupée gigogne. 

Cela signifie de faire extrêmement attention à vouloir et devoir se démobiliser, mais agir et le faire à construire, non à détruire en osant juger la situation - la plus désespérée soit-elle – jamais inchangeable. À défaut, l'on se condamne à ne faire, au mieux, que de l'incantation au lieu de s'activer à aider à sortir de la crise. D'autant mieux que le véritable sens de ce dernier vocable à ne jamais oublier est d'être l'étape décisive (du latin crisis : changement subit, souvent décisif, dans l’évolution de quelque chose, et ce en bien comme en mal.

Rappelons que pour les situationnistes, dont la figure de proue a été le poète et écrivain Guy Debord, est ce mouvement d’avant-garde de contestation sociale qui prit des positions radicales dans les années 1960, notamment dans le milieu universitaire où il était très actif, avec son refus de la société de masse, ce que G. Debord qualifiait de « société du spectacle ». Annonçant de fait le vaste mouvement de mai 68, le situationnisme était le féroce détracteur de la domination de la loi marchande sur la vie avec une théorisation audacieuse des voies de soumission et de libération de l'individu.  

Aussi, la dérive dans le mouvement situationniste, ayant donné lieu à une internationale, soit dit en passant, est cette manière d'errer dans un lieu pour sa découverte, en tant que réseau d'expériences et de vécu. C’est le moyen quasi scientifique de se déplacer à travers les différentes ambiances d’un espace, d'un environnement en se laissant guider par ses impressions et les effets subjectifs des lieux parcourus. Certes, le hasard peut y avoir son rôle à jouer, mais il est alors ce hasard objectif des surréalistes, car rien ne vient ex nihilo, tout effet ayant une cause. 

La dérive urbaine a été définie par Debord dans La théorie de la dérive comme une philosophie de vivre l'espace urbain, échapper à la routine des habitudes quotidiennes, y échapper en apprenant à distinguer et écouter les émotions pour regarder ce que l'on vit d'un tout nouveau regard, en avoir un ressenti insoupçonné. Ainsi, si la dérive situationniste reprend le caractère ludique de la dérive proposée déjà par les dadaïstes, elle se veut moins passive, livrée au hasard qu'attentive à l’habitude de tout un chacun liée à son quotidien. Et d'abord du fait de la forte influence qu’elle ne peut qu'avoir sur la démarche, biaisant donc la part de l'aléatoire, cette ouverture à des possibles inattendus, le possible étant au-dessus du réel, comme le pensait Heidegger.

La dérive est ainsi un procédé d'immersion dans les ambiances dans lesquelles se meut l'humain, particulièrement psychogéographique, et un procédé infaillible de reconnaissance de leurs effets en vue d'affirmer un comportement qui, s'il est au départ ludique, est au final constructif, curatif même, n'ayant rien à voir avec la notion de promenade tueuses de temps, sinon celle au sens rousseauiste. C'est que le situationnisme, en psychologie, stipule bien que le comportement est principalement influencé par des facteurs situationnels externes plutôt que par des traits ou des motivations internes tels que des vertus. 

Ce qui cadre à merveille avec la situation dans nos sociétés arabes musulmanes et la nôtre en Tunisie. Des expériences scientifiques sont très éloquentes en ce domaine, telles celles de psychologie sociale de Stanley Milgram. Ce psychologue américain, réputé être l'un des plus importants du siècle dernier, a nombre de théories validées sur l'obéissance. L'une d'elles stipule que la plupart des gens acceptent, par exemple, de torturer s'ils s'en font donner l'ordre. À méditer dans notre contexte d'un pays pauvre où le peuple est encore gouverné par les lois scélérates de la dictature, où l'on arrive difficilement à survivre sauf à pratiquer la fameuse ruse de vivre, ce que Hegel nomme ruse de la raison !