Mon manifeste d'amour au peuple 2/3
 




Mon manifeste d'amour au peuple 3/3


I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








Accès direct à l'ensemble des articles منفذ مباشر إلى مجموع المقالات
(Voir ci-bas انظر بالأسفل)
Site optimisé pour Chrome

dimanche 17 septembre 2023

Libre circulation, génie du libéralisme 6

Migrations : 

Pour un New Deal diplomatique 


On se souvient tous du New Deal, ou Nouvelle Donne, cette audacieuse politique initiée par le président américain Roosevelt pour faire face, d'urgence dans un premier temps puis l'assainir sur le long terme, à la terrible situation issue de la Grande Dépression causée par le krach boursier de 1929 s'étendant jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. 

Cette politique courageuse s'étant attaquée avec succès à l'une des plus grandes crises économiques du dernier siècle est traditionnellement divisée en deux New Deals. En un premier temps, elle eut à coeur d'améliorer à court terme la situation des victimes avec notamment des lois de réforme bancaire, d'assistance sociale et agricole d'extrême urgence. En second temps de 1935 à 1938, elle s'employa à consolider les premiers acquis tangibles, prolongeant la portée des premières lois en termes de redistribution des ressources et du pouvoir, une plus grande protection sociale et syndicale en plus des formes précaires du travail.


Grande dépression humanitaire 

Indubitablement, on vit de nos jours une grande dépression humanitaire à l'échelle mondiale, particulièrement en Méditerranée. Aussi une nouvelle donne y est elle impérative afin de mettre fin au cercle vicieux actuel de mesures sécuritaires inefficaces, outre leur flagrante illégalité et les drames récurrents des boat people, ces réfugiés de la mer. Car tout indique que ces derniers  vont en augmentant sans répit, l'immigration illégale étant devenue quasiment une industrie juteuse pour certaines formes du crime organisé se nourrissant d'une désespérance populaire en augmentation exponentielle.

Or, que fait-on, en Tunisie pour aider à sortir de l'inertie européenne devenue criminelle dans le cadre de sa politique actuelle de gribouille, mettant des sommes faramineuses dans des mesures sans foi ni loi, et surtout sans nulle utilité sinon de déplacer tout le problème avec ses drames sur la rive sud méditerranéenne grâce à la complicité active ou passive des autorités de ses pays.

Certes, les dirigeants tunisiens, férus de slogans vertueux, mais sans veiller à ce qu'ils ne sonnent pas creux, multiplient les appels à une solution autre que sécuritaire. Et tout en célébrant sans cesse la souveraineté formelle d'un peuple pourtant toujours asservi par les lois de la dictature supposée déchue, ils en usent pour des actions d'éclat, tant sur le plan international que national. 

Or, de telles actions ne laissent d'étonner eu égard à leurs effets contradictoires quant à la stricte question de la migration clandestine. Et ce au grand dam des aficionados du président de la République qui se veut le héraut d'une volonté populaire pourtant brimée par les agissements sécuritaires qui ne se font - faut-il le préciser - qu'en conformité avec les lois en vigueur. D'où le malentendu évident entre un peuple assoiffé  de justice et ses dirigeants voulant la lui rendre, ce qui est cause et effet d'une grave crise, en terme mental notamment, dans le pays, faisant ses jeunes et moins jeunes n'avoir en tête qu'un désir : s'expatrier malgré ce qu'on sait de l'attachement du Tunisien à sa patrie.      

Ainsi, récemment, les autorités tunisiennes ont refusé l'accès au territoire national à un groupe de parlementaires européens jugés par trop virulents dans leurs critiques de la politique de sécurité nationale (1). On a entendu aussi le président de la République insister de nouveau sur la primauté de son peuple à se juger, quitte à lui réserver l'exclusivité de l'observation de ses élections futures, au nom justement de cette souveraineté érigée en principe incontournable. Ce qui est juste et pertinent. Toutefois, confrontée à la réalité de tous les jours, une telle justesse louable s'avère loin d'être pertinente, hélas !

En effet - on l'a dit déjà -  ce peuple voulu souverain est quotidiennement aux prises avec les lois scélérates datant du temps du protectorat et de la dictature et par lesquelles le dictateur Ben Ali et ses sbires émasculaient ses libertés et niaient ses droits les plus fondamentaux. 

On le voit quotidiennement, par exemple, à Sfax à la gare maritime du ferry-boat reliant les îles Kerkennah au continent, où le droit à circuler librement dans son pays, droit constitutionnel qui plus, est nié aux Tunisiens jugés - ô la honte ! - sur faciès. C'est qu'ils ont interdits de montée à bord du ferry pour peu qu'ils soient d'apparence jeune, homme ou femmes, et quel que soit le motif de leur déplacement aux îles (2). Ce qui commence à faire l'objet de nombre de contestations sérieuses, même si l'intention des autorités est bonne, faite au nom de la lutte par anticipation contre les opérations d'immigrations clandestines à partir de l'archipel, à quelques encablures des îles italiennes les plus méridionales. 

Car le prix de ce qui n'est vu populairement qu'en complicité, même si elle n'est qu'indirecte, avec la politique sécuritaire européenne est désormais par trop élevé, étant surtout antinomique avec les principes ressassés en haut lieu. D'autant plus qu'il existe bien une autre manière de gérer la terrible situation, et qui est fiable en termes sécuritaires, respectueux des droits humains tout en étant encore plus efficace que les menées actuelles se gargarisant de fanfaronnade sans nul effet, notamment pas pour éradiquer la clandestinité et mettre fin à ses drames sans fin.


Libre circulation sous visa biométrique

En tant qu'ancien diplomate, j'y ai souvent appelé en vain tant nos autorités que celles de l'Europe. Or, sans surprise, ces dernières font montre d'autisme à ce qui se révélerait salutaire pour toutes les parties, se contentant d'user de leurs immenses moyens pour acheter ou imposer la collaboration des dirigeants des pays du Sud à une politique devenue criminogène. Toutefois, il est regrettable que la diplomatie tunisienne continue aussi à faire la sourde oreille à un tel appel de raison qui est aussi motivé par l'urgence absolue aussi bien légale qu'éthique. Il est plus que temps d'y répondre incontinent ! 

Il s'agit d'oser revendiquer officiellement la substitution du visa biométrique de circulation au visa actuel, ce qui ne fera que donner davantage de crédibilité au credo des autorités tunisiennes d'une Tunisie indépendant et d'un peuple voulant sa dignité. Or, elle est aujourd'hui, en premier, à circuler librement sous visa gratuit. Ce qui est parfaitement possible si l'on a le courage de l'exiger en contrepartie du concours tunisien à la politique européenne. Ce qui mettra fin à l'actuelle déplorable diplomatie du phylactère de part et d'autre (3). Ce faisant, la Tunisie donnera l'éclatant exemple qu'il est envisageable d'éradiquer la clandestinité le plus légalement tout en servant la libre circulation humaine, un droit humain à ne jamais négliger 

En quoi consiste donc le visa biométrique de circulation que la Tunisie est,  non seulement  en droit de réclamer, mais qu'elle y est même en obligation de le faire au vu du discours officiel aujourd'hui. Ne serait-ce qu'en contrepartie de son aide à contrer la clandestinité, outre la concession énorme à sa souveraineté et au droit international consistant d'accepter le prélèvement des empreintes digitales de ses nationaux sur son propre territoire. Ce qui est, en bon droit, une illégalité absolue, une hérésie juridique !    

Outil parfaitement connu des chancelleries, en usage dans les relations interétatiques mais au compte-gouttes, ce type de visa maintient la condition impérative pour sa délivrance du prélèvement des empreintes digitales avec une contrepartie à cette concession majeure à la souveraineté étatique. C'est la délivrance automatique et gratuite pour une durée d'une année au minimum avec renouvellement par tacite reconduction si les conditions de sa délivrance sont validées.

Elles sont surtout dans le respect de l'obligation de ne pas se maintenir au-delà de la limite fixée de séjour dans l'un des États auxquels il donne droit d'entrée autant de fois que souhaité avec un séjour inférieur à trois mois maximum. Et il suffit d'une sortie du pays avant l'expiration de cette durée pour que la validité du visa ne tombe pas, étant possible de revenir aussitôt si la durée du visa le permet.

On voit à quel point cet outil est précieux à permettre et le respect des valeurs humaines et l'esprit du libéralisme dont relève officiellement l'Europe, sans évoquer son intérêt à amener les clandestins à régulariser leur situation en y recourant, sa délivrance étant gratuite, de droit et sans formalités. Outre le boom que cela permettra au trafic passager avec des retombées financières compensant le manque à gagner du visa devenant gratuit. Un manque à gagner relatif puisqu'il permettra aussi de sérieuses économies avec l'arrêt des dépenses dispendieuses de Frontex et d'autres mesures grand-guignolesques s'illusionnant d'ériger un mur sur les eaux de la Méditerranée.  

Qu'attendent donc les autorités tunisiennes pour faire d'un tel New Deal diplomatique une preuve tangible de leur action ne s'arrêtant point au service du bonheur du peuple, selon la plus récente déclaration du chef du gouvernement ? C'est bien le moment de le démontrer sur cette question si sensible, tellement emblématique, conformant ainsi leur actes à un discours qui relève encore des voeux pieux sinon d'une langue de bois ne devant plus avoir cours en cette Nouvelle République que se veut être notre Tunisie.


NOTES :


(1) Eurodéputés refoulés: Appel à la suspension du partenariat migratoire entre la Tunisie et l’UE

https://realites.com.tn/fr/eurodeputes-refoules-appel-a-la-suspension-du-partenariat-migratoire-entre-la-tunisie-et-lue/


(2) Tension à Sfax après la suspension du transport maritime vers Kerkennah

https://realites.com.tn/fr/tension-a-sfax-apres-la-suspension-du-transport-maritime-vers-kerkennah/


(3) Union européenne – Tunisie : Diplomatie du phylactère 

https://www.contrepoints.org/2023/08/09/461127-union-europeenne-tunisie-diplomatie-du-phylactere


Tribune publiée sur Réalités et sur Réalités Magazine

n° 1965 du 21 au 27/9/23, pp. 20-22