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dimanche 21 mai 2023

Libre penser, essence du libéralisme 3

Homophobie en islam : leurre cultuel et liberté de conscience

   


La majorité de musulmans entretiennent un rapport au délit homophobe moins par liberté de conscience que par convention cultuelle ressortant d'une résilience dogmatiquement entretenue d'un  leurre cultuel.

De la spécificité cultuelle au leurre cultuel

Ce leurre cultuel est certes entretenu par les intégristes, mais il est surtout alimenté par le silence des consciences libres par peur de retombées fâcheuses du moindre écart de la doxa actuelle en ces temps troubles où il n'est pas bon de pratiquer la parole de vérité.

Car l'écrasante majorité des musulmans est loin d'être homophobe par conviction, même si d'aucuns excipent de la liberté de conscience ; leur réticence à l'égard du droit à la différence, pourtant reconnu dans leur foi, est motivé par une réelle conviction qu'elle s'impose au fidèle de par sa foi même et de sa spécificité culturelle. 

Or, si spécificité il y a en islam pur en cette question, c'est plutôt celle que le Coran, son texte fondateur et suprême référence, s'est assez tôt distingué de l'anathème initial de la Bible en la matière (1). Ce ne furent que des jurisconsultes, influencés par la tradition judéo-chrétienne (2), qui l'ont imposé lors de l'interprétation du Coran et des logia prophétiques authentiques (il n'est ainsi aucun logion y relatif dans les deux plus sérieuses recension de la Sunna). Ce faisant, ils allaient  même à l'encontre des mœurs sexuelles arabes généralement bisexuelles ; ce qu'illustre parfaitement la vie du plus grand chantre de la culture mondiale homosexuelle que fut Abû Nuwas. Ainsi, et comme le note avec raison Pierre Zoberman, « L’histoire littéraire arabe nous apprend qu’Abû Nuwas (742/762-813/815) a chanté l’homoérotisme bien avant l’âge moderne (3)».   

Certes, il est légitime de se réclamer de sa culture propre, de ses traditions religieuses notamment, mais cela s'avère moins crédible lorsque la preuve a été administrée qu'une telle particularité est le fruit d'une exégèse apocryphe du Coran et de la geste la plus probante du prophète, même si elle a été ultérieurement encensée par l'islam officiel. D'autant que ce dernier est bien l'interprétation biaisée d'autorités religieuses érigées en clergé, n'ayant donc aucune légitimité en islam originel excluant radicalement l'intermédiation entre Allah et ses créatures (4). 

Tel islam rompant avec le dogme initial est aussi celui d'autorités politiques autoritaires en une terre d'islam n'ayant plus connu le pluralisme et la libre pensée dès l'entrée en décadence de la religion à la seconde époque de la dynastie abbasside, immédiatement après son âge d'or culturel. Celui-ci fut la marque de la première époque de ladite lignée en un temps où l'Occident était encore plongé dans l'obscurantisme moyenâgeux. Au reste, la plus probante manifestation d'un tel diktat politico-religieuse est qu'elle contredit les mœurs sociales des Arabes et des musulmans qui ont de tout temps connu, toléré, pratiqué et chanté le sexe gay. 


Homoérotisme social en terre d'islam

C'est ce que le Occidentaux appelaient homoérotisme, et qui faisaient venir en terre d'islam les homosexuels parmi eux pour y vivre en paix leur nature sexuelle au temps de la prégnance de l'homophobie sur leurs terres du fait de la mainmise de l'église chrétienne sur les mœurs.

Ainsi que je l'ai démontré, proposant le néologisme érosensualité  pour le qualifier, le sexe arabe, sociologiquement, est davantage plus sensuel que sexuel. Il relève d'une sexualité holiste, ne s'embarrassant pas des catégorisations occidentales nées en réaction à la terreur religieuse judéo-chrétienne, importée depuis en islam, à la faveur notamment de la colonisation de ses terres. 

Or, malgré les lois qui ont alors tôt fait leur apparition, qui étaient plutôt bibliques que coraniques même si elles se présentaient comme islamiques, la nature sexuelle des sociétés arabes musulmanes est restée érosensuelle, ni homosexuelle ni hétérosexuelle - pour reprendre la catégorisation qui s'est depuis imposées -, mais bisexuelle. Ainsi l'est-elle d'ailleurs dans la plupart des sociétés dites primitives et  dans la nature, plus généralement. 

C'est une telle caricature de la morale islamique qu'ont confortée les lois coloniales toujours en vigueur, même si elles ont parfois été nationalisées en quelque sorte, ce qui a incrusté dans les têtes le mythe de la condamnation par l'islam de ce sexe naturel quoique minoritaire, s'il n'est pas bisexuel. C'est qu'il est bien répandu dans les sociétés dont de telles lois sont censées incarner la moralité alors qu'elles ne font que la violer et y brimer les libertés au strict service de l'ordre en place, étant un moyen efficace d'émasculer une jeunesse turbulente. Et elle l'est d'autant plus qu'elle est invariablement privée de ses plus basiques droits de citoyenneté, ses acquis religieux même, l'islam premier, celui de la Révélation, ayant été libertaire en son temps, une foi de droits et de libertés.          

De l'homosexualité à l'homosensualité  


Il serait plus objectif ou nullement subjectif, sinon neutre, de parler moins d'homosexualité en terre arabe musulmane que d'user plutôt d'un terme moins connoté sexuellement, tel mon néologisme précité ou encore celui d'homosensualité (
6), rendant mieux la complexité des manifestations des rapports sociaux et inter-sexe (7). Il n'est d'ailleurs pas étonnant de relever le refus quasi-général chez les Arabes d'accepter la catégorisation occidentale  par trop orientée sur un type particulier de sexe, étant générée par sa négation religieuse initiale, alors que la pratique qu'elle entend désigner aujourd'hui est de n'en privilégier aucun type ou de s'y limiter, ce sexe étant holistique, une réalité en tout indivisible, n'excluant aucune manifestation.

En effet, l'homosensualité est plus appropriée à rendre compte des coudoiements guère lubriques des jeunes de même sexes d'origine arabe, manifestations désignées en sciences sociales par l'appellation d'homoérotisme : attirance érotique n'exprimant pas nécessairement des relations sexuelles entre les personnes du même sexe. D'origine psychanalytique (8), ce terme, qualifié d'homophilie aussi, désigne donc moins un désir diffus pour une personne du même sexe qu'une caractéristique sociale en un environnement où le sexe est mal vu en général, y compris le sexe dit normal, soit hétérosexuel, y étant strictement codifié, sinon interdit. Selon certains cliniciens, l'homoérotisme serait même une phase normale de l'expression libidinale durant l'adolescence, et ce en société libérale ; que dire alors dans un environnement répressif ?

Au demeurant, la tension sexuelle qu'emporte de nos jours l'homoérotisme en sociologie est fortement perceptible partout dans les sociétés arabes musulmanes, d'où l'apparition probable d'une certaine forme d'homophobie comme réaction négative affichée et d'autant plus excessive que l'atmosphère homoérotique est évidente où risquant d'être incontrôlable. Un tel mécanisme s'aggrave chez les jeunes musulmans réduits à assumer ce que je qualifie de « jeu du je (9) » en leur milieu liberticide, réellement ou supposé l'être, du fait de la fausse conception héritée et diffusée de leur foi.      

C'est ce que traduisent les réactions effarouchées et hostiles des jeunes français musulmans au principe même de journée contre l'homophobie. Aussi est-il plus efficace, plutôt que de les condamner, de les éclairer sur la position véritable de leur foi sur ladite question loin de l'instrumentalisation idéologique et dogmatique devenue courante. Ce qui serait plus utile pour l'évolution souhaitée et salutaire des mentalités hors des calculs et des faux fuyants pour un vivre-ensemble serein en une société bien libérale, respectueuse de tout un chacun.    

NOTES

J'ai personnellement publié un certain nombre d'essais scientifiques en la matière, en arabe et en français, outre ne pléthore de tribunes, bilingues aussi.

Ibn Khaldoun a démontré en ses Prolégomènes que l'écrasante majorité des savants théologiens en islam était formée de convertis, juifs notamment, dont des sommités ont fréquenté de près le prophète et ses successeurs. Aussi leur imaginaire, consciemment ou inconsciemment, était-il d'autant plus biblique que le Coran n'est pas venu contester les Écritures saintes l'ayant précédé, mais les compléter.  

3  Pierre Zoberman, Queer : Écriture de la différence ?, sous la dir. de Pierre Zoberman, volume 1 : Autres temps, autres lieux, L’Harmattan, 2008.

Certes, le chiisme a introduit le clergé en islam, mais c'est une hérésie au vu du canon originel, même si sa légitimité s'est imposée au fil des vicissitudes politiques de l'histoire de cette religion.  

Cf. mon essai : Érosensualité arabe. Sociologie de la libido maghrébine, Tunisie en exemple, 2016, nouvelle version augmentée, KDP, 2022 : https://www.amazon.fr/%C3%89ROSENSUALIT%C3%89-ARABE-Sociologie-maghr%C3%A9bine-Tunisie/dp/B0BQXW59PY 

6  Cf. mon article « Homosensualité : du sexe aux sens, une approche mythodologique » in Être homosexuel au Maghreb, ouvrage collectif sous la direction de Monia Lachheb, IRMC, Tunis, Karthala, Paris, 2016, pp. 55-91. 

https://www.karthala.com/accueil/3110-etre-homosexuel-au-maghreb-9782811117313.html

7  Les sociétés maghrébines étant composites selon le sociologue marocain Paul Pascon ; ce qui n'est pas sans rappeler la richesse de la complexité morinienne.

8  On attribue le terme au neurologue hongrois Sandor Ferenczi qui, dans de sa théorie du narcissisme en 1911 l'avance comme un stade intermédiaire entre auto-érotisme et hétérosexualité. À noter, toutefois, que contrairement à l'acception freudienne de la perversion, il estime l'homosexualité n'être qu'un symptôme névrotique. Aujourd'hui, le terme a perdu tout sens psychanalytique pour ne garder que celle d'éclairage d'un certain psychisme homosexuel. 

9  Relevant de ma « parabole du moucharabieh » du trait culturel arabe de veiller à l'image la plus parfaite donnée de soi, quitte à simuler et dissimuler. Cf., par exemple, le tome 1 de ma trilogie, L'Exception Tunisie. Jeu du je : Imaginaire en jeu, méditerranéen enjeu, Tunis, Arabesques, 2017. 

https://www.amazon.fr/LException-Tunisie-Jeu-Imaginaire-M%C3%A9diterran%C3%A9en-ebook/dp/B08BY16B2N