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vendredi 23 juin 2023

Libre circulation, génie du libéralisme 2

Migrations : 
cécité européenne, malvoyance tunisienne




Malgré le discours officiel insistant sur l'inanité de se limiter à l'aspect sécuritaire du phénomène migratoire, particulièrement dans sa dimension de flux exponentiels de clandestins, la Tunisie ne semble rien faire de particulièrement utile en la matière, n'osant pas évoquer ce qui fâche ses partenaires, pourtant cause véritable du problème : la libre circulation. 
Cela relève d'une fausse appréhension du phénomène de la migration irrégulière, une sorte de malvoyance. Elle est plus qu'une vision basse : une déficience d'approche importante ne pouvant être corrigée avec le maintien du visa biométrique dans ses particularités actuelles. C'est qu'une autre typologie s'impose, sans concession sur les réquisits de sécurité dudit visa, mais sans violation du droit international ni du droit humain à circuler en un monde où, désormais, la marchandise a meilleur statut que l'humain. 
Une telle malvoyance est commandée par la cécité des partenaires européens qui profitent de la situation du pays, bien mal en point économiquement, socialement, et aussi juridiquement, culturellement, pour ne chercher que le service égoïste de ses intérêts propres, mêmes les plus abusifs, alors que non seulement l'éthique, mais aussi le droit et une bonne gouvernance politique lui commandent de rompre avec sa vision antédiluvienne des migrations et tenir compte tant des réalités du présent que des impératifs d'un futur proche. Car tout s'y révèle explosif, encore plus dramatique qu'aujourd'hui, si rien de courageux n'est décidé incontinent. Et il se rapporte à la libre circulation ! Certes, pas sans régulation ; plutôt une circulation libre rationalisée, ce qu'autorise le visa de circulation auquel on appelle ici. 

Cécité européenne 
Le dernier branle-bas diplomatique suscité par le lobbying de l'Italie et ayant vu l'Europe donner l'impression de venir au secours de la Tunisie ne revête aucune espèce de nouveauté, s'inscrivant dans les lignes surannées de la politique des pays européens ne se souciant que de ce qui fait problème chez eux en termes de politique politicienne : la supposée menace immigrée. 
Ainsi continue-t-on à user des ficelles d'antan, ignorant la vraie cause des problèmes actuels, se manifestant régulièrement sans cesse par des drames atroces, à savoir l'impossibilité de circuler sans restrictions inutiles en Méditerranée. D'autant mieux que la solution existe bel et bien et qu'on continue délibérément à rejeter, ne point l'examiner pour le moins, en vérifier la validité. 
Pourtant, l'appel à y recourir n'est pas nouveau et les chancelleries européennes connaissent la solution préconisée en arme fatale contre l'immigration. À noter qu'à défaut de s'y pencher, s'y intéresser publiquement, les diplomates d'Europe, en catimini bien évidemment, ne s'empêchent d'en reconnaître la pertinence lors de conciliabules internes ou dans les coulisses de négociations bilatérales comme du temps où la diplomatie tunisienne osait élever la voix. 
C'était encore au début des années quatre-vingt-dix lors de la première offensive européenne, par l'intermédiaire de la France alors, ayant consisté à obtenir de la Tunisie la signature du tout premier accord de réadmission. On espérait y arriver en proposant un accord bien ficelé forçant la main des Tunisiens à ouvrir le bal des signatures. C'était sans compter sur une intelligente parade de la partie tunisienne, un contre-projet d'accord inattendu proposé par l'ambassade de Tunisie en France, emportant répartie imparable et logique impeccable. 
Si l'ambassade allait bien dans le sens des souhaits de son partenaire d'assainir par un accord la situation de ses ressortissants clandestins, elle ne rappelait pas moins qu'une réadmission sans formalités (il s'agissait du fameux laissez-passer consulaire) imposait une admission préalable dans les mêmes conditions. 
Ce fut un moment majeur de cette période - de mars 1992 à juin 1995 - où le service social de l'ambassade, dont j'avais la charge en plus d'une unité des droits de l'Homme, a su démontrer à tous les Tunisiens, les opposants de l'époque y compris, pouvaient y avoir une écoute attentive à leurs problèmes et un sérieux investissement à répondre le mieux à leurs doléances. 
Si la péripétie évoquée a permis de sensibiliser la partie française aux réalités de la communauté tunisienne, l'amenant à reconnaître leurs spécificités en se satisfaisant d'un simple relevé de conclusions en lieu et place du l'accord souhaité, cela ne l'a pas retenu, toutefois, de revenir à la charge, l'Union prenant le relais. Ce fut ainsi, par la suite, l'accord dit de mobilité, qui était plutôt d'immobilité, puis celui nommé Aleca, un libre échange réduit aux marchandises m'amenant à suggérer à mes anciens collègues, n'ayant plus relevé du cadre diplomatique, de proposer de le débaptiser Alecca, y intégrant la circulation. En vain ! Notre diplomatie, comme d'autres pays frères, allait céder à la cécité coupable de l'Europe ; heureusement, la société civile tunisienne, très active encore, a réussi finalement à faire capoter le projet, éviter l'irréparable que la cécité européenne occasionnait. 

Malvoyance tunisienne 
S'il est toujours bon de rappeler de tels hauts faits entrant dans la pure tradition de la diplomatie classique de la Tunisie, c'est pour se demander ce qui empêche la Tunisie de renouer avec une sagesse qu'on lui connaissait sur un sujet où, plus que jamais, la parole de vérité impose d'avoir le courage de la tenir. D'autant qu'elle cadre à merveille avec le discours officiel de ses dirigeants quant à la souveraineté du pays et du peuple dont le slogan dit bien qu'il est en droit de vouloir. Or que veut-il sinon circuler librement, manifestation première de la dignité ? 
Comment donc la Tunisie continuera-t-elle à se taire sur l'aspect illégal au vu du droit international du relevé des empreintes digitales de ses citoyens sur son propre territoire par des autorités étrangères ? Et comment accepter que cette énorme concession à sa souveraineté et la dignité de son peuple soit juste monnayée par des aides déjà bien en deçà de ce que suppose l'appui précieux des autorités tunisiennes à juguler les tentatives récurrentes d'émigration clandestine ? Dans les régions côtières, ne leur arrive-t-il pas d'en venir à contrôler strictement le mouvement des jeunes, volontiers supposés être émigrants en puissance ? 
Le problème est-il seulement une question d'argent ? Probablement pas pour qui sait le sens de la légalité et d'une certaine conception de la dignité assez enraciné dans le subconscient des commis de l'État tunisien. Ce serait plutôt une question de vision de la circulation, guère estimée valide si elle n'est pas conforme au droit, quel qu'il soit. Or, la légalité actuelle de la circulation est-elle légitime ? Et une circulation avec le visa de nouveau type auquel il est possible de passer sans plus tarder ne le serait-elle pas ? Car un tel visa biométrique de circulation est parfaitement sécurisé, ne dérogeant en rien au visa actuel sauf en termes de respect de la dignité des ressortissants et de la souveraineté de la Tunisie. 
Qu'est-ce donc ce visa appelé à se substituer au visa criminogène en vigueur ? D'abord, ce n'est que le moyen de revenir à la légalité internationale commandant le respect de la souveraineté des États indépendants par une contrepartie sérieuse à une concession majeure : la libre circulation en motivation du relevé des empreintes digitales des nationaux d'un pays étranger. 
Ensuite, cela ne ferait rien d'autre que recourir à un type de visa bien connu et utilisé dans les chancelleries tout en le généralisant pour en faire bénéficier les ressortissants qui en font la demande, non seulement une catégorie de privilégiés minoritaires. 
Enfin, étant conditionné par le prélèvement des empreintes digitales, un tel visa est délivré gratuitement pour une période minimale d'un an avec tacite reconduction. Bien évidemment, comme son homonyme actuel, ledit visa a pour fonction de lutter contre l'entrée illégale et le séjour irrégulier. Pour cela, il édicte la condition impérative de ne point dépasser trois mois de séjour continu, quitte à devoir sortir pour revenir dans la même journée. En effet, sans le respect de cette obligation, le titulaire du visa en perd le droit ; ce qui constitue un risque que personne n'aura l'idée de courir. 
De la sorte, le visa auquel on fait appel réussira là où a échoué le visa utilisé, supposé lutter contre la clandestinité alors qu'il l'alimente. Si le nouveau visa y réussit sans nul doute, c'est qu'il agit sur la cause même de la clandestinité qui est l'impossibilité de circuler. De plus, par la possibilité légale qu'il donne à son titulaire d'entrée et de sortie en territoire européen durant sa durée de validité, il éradiquera la moindre tentation de maintien illégal sur le territoire européen, d'entrée en clandestinité, chose fréquente avec le visa actuel. 
Outre de telles réalisations tangibles que les faramineuses dépenses de Frontex ne réussissent pas à obtenir malgré les drames incessants jalonnant son action, d'autres bénéfices sont à attendre du nouveau type de visa, commerciaux ceux-là, en termes de trafic. Ce qui compensera largement les rentrées suspendues provenant de la pratique actuelle du visa payant, et ce même s'il est refusé ; ce qui est une honte supplémentaire pour notre pays au travers de ses citoyens, honte d'autant plus grave qu'elle a lieu sur son sol même. 
Avec un tel outil parfaitement performant, serait-il enfin temps d'en finir avec la cécité et la malvoyance prévalant en la matière au détriment de tant d'idéaux et de vies innocentes ? Dont acte !

Tribune publiée sur Réalités Magazine
n° 1951 du 16 au 22/6/23, pp. 22-23
et sur le site