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lundi 3 avril 2023

Libre circulation, génie du libéralisme 1

L'impératif catégorique

du

visa de circulation





Si l'Occident libéral vole aujourd'hui au secours d'une Tunisie de plus en plus malade, c'est en tant que héraut du libéralisme. En son nom, érigé en parangon du progrès, il entend s'attacher un pays rétif à augmenter la misère de son peuple. Ce à quoi mènera immanquablement l'application intégrale des recettes dictées par ce qui est, en dernière analyse, le gardien sourcilleux du capitalisme mondial, le Fonds Monétaire International.

C'est bien pour la mise en oeuvre de ce que nombre d'observateurs qualifient de diktats économiques du FMI que l'Europe et les États-Unis affirment vouloir aider la Tunisie. S'ils sont prêts à l'assister, c'est bien moins à la sortir de sa misère actuelle, qui est en premier celle d'un peuple de plus en plus appauvri, que de faire en sorte que la pilule d'austérité qui lui est imposée soit moins difficile à ingurgiter. Avec pour but, à peine voilé, non pas la santé du peuple de Tunisie que celle des rapports économiques entretenus avec son pays.   


Capitalisme libéral sauvage ?  

Sans conteste, les fées penchées sur le berceau de la Tunisie raisonnent comme des capitalistes libéraux, ne se souciant guère de l'absurdité de vouloir appliquer à une économie de la misère généralisée les recettes, certes les plus logiques et impératives, mais pour une économie prospère ou qui l'a été. Or, au vu de l'état de celle de la Tunisie, elles ne sauraient s'appliquer, du moins intégralement et drastiquement, en tout cas non sans adaptation sérieuse, une refonte de fond même. Sinon, le remède libéral outrancier, au mieux, ne relèverait que du cautère sur jambe de bois. Il se révélera bien pis que le mal qu'il ne fera qu'aggraver par des recettes qui illustreraient le visage hideux d'un capitalisme devenu sauvage, s'autorisant dans le Sud ce qu'il ne peut plus au Nord.  

Ce sera d'autant plus grave que hors l'économie du pays, où la majorité du peuple peine désormais à survivre, la situation est tellement délicate dans les autres secteurs essentiels de la vie, social, culturel et fiscal notamment. Ce qu'aggrave le maintien en vigueur à ce jour de l'ordre juridique injuste hérité de la colonisation et de la dictature et qui n'a plus de légalité que formelle, étant devenu illégitime, scélérat même. Car n'y manquent pas les textes obsolètes asservissant une majorité populaire démunie au profit d'une minorité idéologiquement dominante, tant en termes économiques que politiques et religieux.     

Cela importe peu ou à peine aux soutiens étrangers de la Tunisie, dont la hantise première n'est pas d'empêcher la chute du régime, mais plutôt ce qui suivrait avec des vagues migratoires comme celles advenues lors de la fin de la dictature. Ce qui prime aux yeux des démocraties occidentales aux portes de la Tunisie c'est bien moins le sort du peuple asservi par les lois de la dictature encore en vigueur - qui est pourtant et pour l'essentiel à l'origine de la fuite du pays de sa jeunesse - que d'empêcher cette dernière, des familles entières même, de tenter de mettre pied en une Europe se voulant illusoirement une citadelle fermée sur ses privilèges. 

La Tunisie n'est ainsi vue qu'en gardien de ce mur qu'on veut ériger sur les eaux d'une Méditerranée devenue un charnier. Aussi, les aides multiples et variées ne manquent pas pour l'aider à réussir de sauvegarder moins sa santé et celle de son peuple désespéré qu'un tel mur. Or, ne serait-ce que logiquement et éthiquement, il ne saurait tenir longtemps ni surtout indéfiniment, car rien ne se construit sur l'eau. De plus, il viole déjà la valeur cardinale libérale dont se réclame cet Occident oublieux de ce qui a fait sa prospérité : la libre circulation, tant des biens et des services que des humains. Sans parler du pillage des richesses du Sud orchestré, durant les années du colonialisme puis de l'impérialisme, par un Nord qui encourageait alors la venue clandestinement sur ses terres pour faire tourner son économie en plein essor des ascendants des populations dont il ne veut plus désormais.


Un capitalisme libéral sage !   

Il est sinon immoral du moins insensé d'exiger des dirigeants d'un pays pauvre comme la Tunisie de se plier aux impératifs économiques et financiers ayant cours en une économie saine et prospère dans un environnement juridique de lois justes ou se voulant l'être, en tout cas nullement illégitimes sinon illégales. Ce qui n'est encore pas le cas de la Tunisie sortie appauvrie d'une décade où n'ont été cultivés en plante rare que les faux-semblants d'une démocratie purement formelle ne changeant en rien à la condition miséreuse du peuple, restée juridiquement similaire à la sienne sous l'ancien régime. 

Et les années passant, cela n'a fait qu'empirer avec l'amenuisement puis la disparition de l'espoir suscité par la supposée fin de la dictature. En effet, ce qu'on a qualifié de révolution n'a été qu'un coup d'État exécuté au nom du peuple au prétexte de lui restituer sa dignité ; or, elle est dans ses droits et libertés au quotidien. Mais ils sont toujours refusés et niés par les lois de l'ancien régime déclaré déchu, lois qu'on prétend constitutives d'une légalité à respecter s'imposant à tous. 

Au vu de cet état de réelle schizophrénie, commet espérer empêcher les jeunes et moins jeunes des Tunisiennes et des Tunisiens de fuir un pays où ils se sentent brimés, n'ayant même pas le droit de rêver être libres dans leur stricte vie privée ? Les lois qu'appliquent les juges qu'on taxe de tous les maux ne sont-elles pas la cause de tous les maux ? Ne se permettent-elles pas de s'immiscer dans le plus intime détail de la vie des gens, de leur pensée, y compris leurs intentions, au nom d'un ordre public et moral, ou supposé tel, érigé en déité farouche tant civile que religieuse ? 

Pourtant, même si l'on n'en parle pas ou bien peu, la nécessité de la réforme juridique d'ampleur est admise comme s'imposant par la majorité des juristes et politiques. Aussi, tôt ou tard, étant un trait éminent de la souveraineté du peuple dont on n'arrête de parler, il est fatal de toiletter les Codes juridiques actuels, leurs dispositions obsolètes ou carrément scélérates. Toutefois, on n'ose pas encore y procéder alors que des commissions techniques y ont travaillé d'arrache-pied et y travaillent toujours, que des propositions et des projets de lois existent bel et bien, mais délaissés dans les archives des ministères concernés et les tiroirs du parlement. Et même si l'on finira un jour par se décider à les déterrer avant que la situation n'empire davantage, cela prendra assurément bien du temps à une mise en oeuvre salutaire pour assainir la situation, ce qui n'épargnera nullement que les drames dorénavant insupportables ne viennent endeuiller encore plus le pays.

Le mot d'ordre salutaire aujourd'hui est d'avoir le courage d'agir sur les causes du malaise généralisé ; et il faut admettre qu'il réside, pour l'essentiel, dans l'absence de droits et de libertés des citoyens, publiques et surtout privées, le premier d'entre elles étant de circuler librement. Qu'est-ce qui retient alors nos responsables, au nom de la souveraineté du pays et de son peuple à laquelle ils référent sans cesse, de  demander le droit de leurs ressortissants à la libre circulation ? Certes, il ne s'agit point de réclamer la levée du visa, cet instrument devenu incontournable entre les pays du monde, même les plus proches, mais juste de le conformer au principe cardinal de la souveraineté des nations. Ce qui n'est pas la cas aujourd'hui avec la pratique illégale au regard du droit international, constituant un affront à la dignité des pays concernés, à savoir le prélèvement des empreintes digitales des ressortissants d'un pays souverain sur son sol et par des autorités étrangères. Ce qui à la fois illégal et illégitime, et ce tant juridiquement que politiquement et moralement.

D'où l'impérative nécessité de conformer l'usage actuel du visa au droit international et à la dignité de la Tunisie et de ses citoyens en transformant un tel sésame pour voyager en droit à circuler librement, l'obtenant sans frais pour une durée déterminée en compensation du prélèvement autorisé des empreintes digitales ainsi que cela se fait actuellement. Et il ne s'agira en rien de contrevenir aux réquisits sécuritaires satisfaits par la pratique du visa à réformer, car, devenu de circulation, le nouveau visa les respecte intégralement tout en assurant une circulation libre et rationalisée.


Outil sécurisé tueur de la clandestinité 

Le visa biométrique de circulation est déjà un impératif catégorique ; il est fatalement appelé à devenir le standard des relations internationales en lieu et place du visa actuel. D'autant que c'est un outil connu des chancelleries du monde entier, déjà en usage, quoique limité à certaines catégories privilégiées de voyageurs. Ce qui changera, c'est qu'il sera généralisé aux ressortissants tunisiens pour commencer, leur étant délivré gratuitement pour une durée minimale d'un an. Cela se fera sans restrictions, moyennant la levée seule de leurs empreintes digitales et l'engagement de ne pas dépasser la durée maximale de trois mois de séjour continu sur le territoire du pays, ou des pays, auquel le visa donne droit d'entrée. Le titulaire dudit visa sera ainsi amené à quitter le territoire où il se trouve avant l'expiration de la durée maximum de trois mois consécutifs, quitte à y retourner aussitôt. De la sorte, il préserve son droit de pouvoir circuler librement durant toute la durée du visa et d'en avoir le renouvellement automatique sans frais  à son expiration.

Quelle meilleure manière ne serait-il pas là de mettre fin aux drames actuels de la circulation irrégulière ? Ce type de visa respectueux de tous les réquisits sécuritaires satisfaits par la pratique actuelle du visa, tout en assurant une circulation libre et rationalisée, ne mettra-t-il pas fin radicalement à l'immigration clandestine ? Outre l'éradication de l'industrie mafieuse des passeurs, il permettra des économies appréciables sur les dépenses faramineuses engagées contre la clandestinité sans réussir ni à l'endiguer ni à empêcher les terribles drames et la criminalité qu'elle occasionne.

Il serait alors possible de réorienter les dépenses actuellement vaines à stopper la circulation irrégulière vers des aides ciblées dans les pays d'où partent les titulaires dudit visa, venant soutenir les projets portés par la plupart d'entre eux, que cela soit dans leur pays d'origine ou à cheval entre le leur et le pays où ils se rendent. Car la plupart de ce qu'on nomme improprement émigrants ou immigrants ne sont, au mieux, que des expatriés ; et ils sont le plus souvent porteurs de projets économiques et de services, leur motivation première en quittant leur pays n'étant que de gagner leur vie, de mieux vivre avec un minimum de droits et de libertés basiques. Que celui qui prétendrait être contre une telle motivation leur jette la première pierre !

Bien mieux, les Tunisiennes et les Tunisiens qui auraient l'honneur d'inaugurer un tel nouveau standard sain et apaisé des rapports internationaux sont réputés par leur attachement à leur pays. Et s'ils le quittent aujourd'hui, de plus en plus en masse, c'est bien pour l'incapacité avérée de pouvoir y vivre dignement, y réaliser enfin les projets généralement novateurs dont ils rêvent, ne pouvant leur donner vie chez eux où ils n'ont même pas le droit d'en rêver. Or, en un monde globalisé, où chaque pays dépend directement ou indirectement de son voisin, notamment pour la Tunisie du fait de son positionnement géostratégique, cela ne fera qu'aider à sa prospérité puisqu'elle ne saurait relever de la doxa libérale dont elle relève nolens volens sans commencer à la vérifier au-delà des stricts termes économiques et financiers. Ce qui impose, et tombe sous le sens, que l'on commence à garantir la liberté de circulation des créateurs des richesses que sont les humains avant de se limiter à l'assurer   aux marchandises et aux services. 

Cela ne saurait être nié par les pays d'Occident, ceux de l'Union européenne en premier, où réside la plus importante diaspora tunisienne, sauf à se renier. D'où le discours de leurs dirigeants se focalisant juste sur l'aide financière et logistique en taisant ou faisant taire la moindre référence au droit humain et à la nécessité libérale cardinale d'évoquer la libre circulation humaine reconnue comme étant le vrai moteur de la moindre croissance.        

La Tunisie demandera-t-elle alors le visa de circulation pour ses ressortissants afin de vérifier sa parfaite utilité ici rappelée ? Le nombre limité de sa communauté expatriée et les problèmes infimes qu'elle pose, en plus du soutien à la reprise de sa transition démocratique actuellement enrayée, y militent et suffisent à justifier la dérogation provisoire au principe, évoqué souvent par l'Europe, d'identité de traitement des nationalités étrangères, maghrébines notamment. 

Que la diplomatie tunisienne ose donc retourner leurs propres arguments à ses partenaires de l'Occident libéral qui, fort de sa richesse, se laisse assez souvent aller à ce péché mignon du riche de vouloir tout grâce à ses moyens, quitte à vouloir tout acheter, y compris ce qui ne se vend point : la dignité. Or, la souveraineté tunisienne bien comprise en fait partie, car elle est d'abord celle de ses ressortissants.  


Tribune publiée sur Réalités Magazine n° 1941 du 7 au 13/4/2023, pp. 24-26.