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dimanche 2 avril 2023

Infothique contre infotainment 8

Infortunes du courage de la vérité

De quoi Annie Ernaux et Michael Chardon sont-ils coupables ? Une féroce campagne médiatique a subitement visé récemment ces deux éminents romancier.e.s, la Française prix Nobel de littérature de 2022 et l'Américain lauréat du prix Pulitzer en 2001. Que leur reproche-t-on donc pour avoir mérité une telle subite disgrâce des médias occidentaux qui n'étaient pas loin de les encenser il n'y a guère longtemps ? 
Être juste de voix et de voie : Dans les deux cas, on a affaire à une libre opinion heurtant une doxa politique et idéologique devenue par trop envahissante, dogmatique même, une banalité du mal du moment que, faussement, l'on se revendique de valeurs éthiques. Or, elles auraient mérité d'être mieux servies en ne se laissant pas aller à ce qui verse forcément dans l'infamante, se muant en chasse aux sorcières. Car ce qui s'est passé avec nos deux intellectuels n'a fait qu'entretenir la part du diable gisant en l'humain, prompt à se réveiller à la moindre confusion axiologique. Ce que favorise l'absence de la nécessaire veille permanente des valeurs en chacun, seule en mesure de permettre de demeurer juste de voix et de voie, surtout quand on prétend l'être. 
Assurément, une telle justesse de comportement impose une force de caractère qui ne se sustente point de faux-semblants et d'apparences trompeuses ni ne se contente des slogans creux bien en vogue en cette époque, comme tant d'autres, où le mensonge est absolu seigneur. D'où ce besoin irrépressible d'avoir une libre parole n'obéissant qu'à l'impératif catégorique de cette vérité qui fait toujours mal et qui ne se possède point, en direction de laquelle l'on ne fait que s'orienter, étant un horizon vers lequel se tourner (vers-ité, l'écris-je!). Aussi, tout au plus, ne fait-on que s'en rapprocher, même si l'on réussit et ose tenir les propos les plus sincères de ce qui se laisse voir d'un tel horizon, ou qu'on ose voir en ne se laissant pas aveugler par les murs du béton idéologique, politique ou religieux. Tous ces leurres qu'érigent d'aucuns mus par leurs intérêts propres en vue de dérober un tel horizon à la vue, pour ne plus savoir s'y orienter, ni avoir à le faire le plus lucidement et tenir la parole de vérité qu'il impose. 
Et c'est ce que réussissent, au péril de leur réputation, sinon de leur vie, les justes de nos temps de fraude aux mots qui n'est ni nouvelle ni éphémère, Platon l'ayant déjà dénoncée. Ainsi tenait-il le mensonge en parole pour responsable de la perversion de nos cités où le vivre-ensemble a de plus en plus grand mal à s'ériger en valeur sociétale commune. 
Avoir le courage de la vérité : Michel Foucault dans « L’herméneutique du sujet » a rappelé que le courage de la vérité (parrêsia) était chez les Grecs une technique (technê) et une manière d’être (ethos). Étymologiquement « le fait de tout dire », Parrhêsia est la libertas chez les Latins. C'est tout à la fois « franchise, ouverture de parole, ouverture d’esprit, ouverture de langage, liberté de parole... C’est l’ouverture qui fait qu’on dit, qu’on dit ce qu’on a à dire, qu’on dit ce qu’on a envie de dire, qu’on dit ce qu’on pense pouvoir dire, parce que c’est nécessaire, parce que c’est utile, parce que c’est vrai. » Or, qu'a fait la Française Ernaux, militante engagée pour la cause des peuples opprimés que de tenir la parole de vérité en impératif catégorique ? Pourquoi donc lui reprocher d'assumer son rôle d'intellectuelle honorant l'esprit et la pensée émancipés dans le pays de Voltaire ? 
En effet, elle n'a fait que dénoncer, au Proche-Orient, une politique d'occupation, déjà jugée par nombre d'observateurs autorisés comme s'assimilant désormais par ses dérives incontrôlées mais répétés au si honni et partout illégal apartheid. D'autant que ce qui rend une telle politique encore plus coupable c'est qu'elle est menée et assumée par un État occupant dans des territoires occupés, reconnus comme tels par le droit international. 
Et qu'a osé tenir comme propos l'Américain pour mériter la vindicte de médias partiaux tant dans son pays qu'ailleurs ? Il a eu l'audace de parler de la « vraie nature » de ladite occupation que les voix libres en Israël même n'hésitent plus à dénoncer, y voyant désormais le vrai péril qu'encourt l'État d'Israël. Mais un tel propos venant d'un romancier aussi célèbre et influent ne pouvait que gêner les dogmatiques défendant cet État englué dans une machinerie politicienne absurde de manichéisme dont on vérifie actuellement les méfaits sur sa fragile démocratie menacée de fondre dans le paysage dictatorial environnant. C'est qu'en osant parler sans détour des horreurs vérifiées, régulièrement et commises par l’armée de l’occupation israélienne et les milices des colons, Michael Chardon a exhibé une atroce réalité quotidienne qu'on ne veut voir, cherchant à la camoufler maladroitement, en se limitant à exciper le prétexte des turpitudes des ennemis d'Israël, la nécessité de les contrer. 
Or, comme l'affirme l'auteur américain, comment prétendre entretenir l’espérance de rendre justice au peuple palestinien, juridiquement et internationalement obligatoire, sans en rappeler le fondement qui est à l'origine même de la propre naissance de l'État israélien ? Aussi, le témoignage des horreurs qui en sont la résultante ne peut que s'imposer, l'amenant à oser rapporter son témoignage pour la vérité, affirmant, par exemple : « ce que j’ai vu en Palestine occupée était monstrueux, terrifiant. Un comble d’horreur que l’on ne peut ignorer pour avoir quelque espoir d’arrêter les souffrances d’un peuple opprimé ». 
Le courage d'oser toute la vérité : Il se trouve que nos deux intellectuels libres penseurs, ayant le courage de la vérité dans le cadre de leur engagement pour les valeurs humanistes, n'ont pas honoré le droit à l'expression libre et éthique hors des sentiers battus du conformisme logique. Que n'ont-ils parlé, par exemple, du sujet du jour, l'Ukraine et de l'occupation russe ? Leur propos aurait alors été encensé ! Ils ont préféré évoquer ce qui fâche les injustes de tous bords : ce terrible conflit mis sous le boisseau médiatique, issu d'une confusion commune de sentiments nationaux et de prétentions idéologiques et religieuses et qui dure depuis 1945. N'auraient-ils pas mérité d'être félicités plutôt de réveiller les consciences assoupies sur une telle tragédie ne cessant d'avoir régulièrement son lot de victimes innocentes ? Surtout que sa résolution a été bel et bien exposée en 1947 par l'ONU : un partage de territoire en une reconnaissance mutuelle de souverainetés équivalentes. N'est-ce pas ce que les injustes de tous bords oublient et s'évertuent à faire oublier avec une complicité objective évidente recrutant jusque dans leurs rangs, notamment parmi certains prétendus ennemis d'Israël ? Or, nos deux intellectuels ont osé rappeler ce dont on interdit et s'interdit de parler : le drame de la Palestine constitué par le refus d'appliquer la légalité internationale du partage équilibré, du statut international de la ville sainte de Jérusalem et de la fin de l'occupation israélienne des territoires revenant à l'État de Palestine sur les territoires à lui attribués par la résolution onusienne. 
De fait, ce qui constitue pour l'essentiel le drame palestinien, ou plus exactement du peuple palestinien, seule véritable et innocente victime, c'est que cette juste cause est desservie par une partie de ses supposés défenseurs, ces pays arabes et musulmans qui n'ont cessé et ne cessent de se substituer aux Palestiniens tout en ayant d'abord en vue le service leurs propres intérêts géostratégiques. Aussi se révèlent-ils souvent les complices objectifs de l'État d'Israël et sa machiavélique stratégie pour que la situation actuelle reste en l'état, multipliant faussetés et désinformation sinon exactions et crimes. 
De quoi s'agit-il, au vrai ? De cette tare si répandue de nos jours de ne point oser toute la vérité quand on s'emploie à en honorer l'impératif catégorique. Si les Arabes ont raison de parler du droit des Palestiniens tel que reconnu par le droit international, ils n'osent avoir le courage sans calculs politiciens de s'y engager selon une stratégie cohérente impliquant la reconnaissance de l'ennemi avec lequel il est temps de conclure enfin une paix des braves. Ce dont profite l'État d'Israël pour consolider la situation d'injustice flagrante qui prévaut, cette révoltante « absurdie ». Car sous couvert d'inimitié officielle, même si d'aucuns, chez ses supposés ennemis, osent désormais ne plus s'y en tenir, Israël a tout loisir de développer la stratégie actuelle du pire. Profitant de l'inertie généralisée, il a loisir d'employer, et en abuser, la tactique du fait accompli de sa mainmise sur le territoire du frère monozygote devant être, selon la légalité internationale même, tout aussi souverain que le sien. 
C'est ce que résume, en dernière analyse, la cabale menée contre nos deux justes intellectuels française et américain. Certes, ce qu'on leur reproche relève de la fausseté ; mais il ne se veut pas moins motivé, chez les moins malhonnêtes de leurs contempteurs, par le prétexte que ce qu'ils disent, tout en étant vrai, n'est pas toute la vérité en la matière. Et de pointer la culture de la haine que l'attitude ci-dessus évoquée du côté arabe encourage ou ne fait rien de sérieux et résolu pour y mettre fin. 
Comme quoi, dans tout combat pour la vérité, il est toujours des aspects à ne pas négliger ou relativiser et dont il importe impérativement de parler aussi pour ne laisser prise à aucune contestation de la vérité servie ne supportant d'être ni partielle ni partiale, telle celle dont prétendent se réclamer leurs détracteurs. Quelle totale vérité en l'occurrence ? Aujourd'hui, bien que les parties au conflit de Palestine ne nient pas, de part et d'autre, qu'il est bien temps pour faire la paix que tout un chacun prétend avoir en vue, les plus belliqueuses des deux côtés n'en veulent point ; et l'on tergiverse à le faire pour des raisons opposées, faisant des complices objectifs des uns et des autres tout en entretenant le terrible drame des seules victimes du conflit que ne sont que les habitants de ce pays non seulement mal partagé, mais mutilé aussi.