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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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vendredi 21 avril 2023

Infothique contre infotainment 9

Vêture et vivre-ensemble en société libérale 1/2*
Texte intégral avec ses notes



De plus en plus d'initiatives sont prises, spontanément ou sous influence, par des élèves de collèges et de lycées en France pour réclamer un droit particulier, celui de porter une vêture spécifique, supposée musulmane : l'abaya et/ou la djellaba**1**, comme récemment au lycée Condorcet à Limay, dans les Yvelines. Qu'en est-il au vrai ainsi que de la motivation qui en serait la cause si l'on allait au creux des apparences, ne se satisfaisant pas de ce qui ne relèverait que de l'artefact d'une pensée conditionnée, plus guère libre ? D'autant que la liberté est la mère des valeurs en société libérale, se voulant ou disant l'être. Cela nous amène à prolonger ici une précédente réflexion sur l'islam de France publiée sur Contrepoints**2**. 

Au creux des apparences 
Tout comme la question du voile déjà (il en sera question infra), un tel habit est loin d'avoir une caractéristique strictement cultuelle selon les préceptes purs de l'islam auquel il est rattaché, ne l'étant devenu que putativement dans l'imaginaire populaire ; ce qui, il est vrai, a fait sa force subliminale, mais aussi une grande capacité de nuisance chez certains activistes. Cette dernière tient aussi, et pour beaucoup, au silence entourant la lecture biaisée de la foi d'islam faite non seulement par nombre de ses fondamentalistes, mais aussi dans sa forme instituée, alors qu'elle est loin d'avoir de fiables justifications canoniques originelles, se référant surtout à des exégèses humaines, y compris apocryphes, au vu du strict dogme. Aujourd'hui, il ne fait plus de doute que l'islam est pluriel dans sa pratique, outre compréhension, que celle s'offrant en canon n'est qu'une déclinaison parmi tant d'autres et qui ne se réclame pas des seuls textes fondateurs y faisant foi : le Coran originel et les dires (hadiths ou logia) du prophète. Sachant que la recension estimée la plus fiable est non seulement les deux corpus des plus scrupuleux compilateurs, Boukhari et Mouselm, mais aussi leurs textes concordants et ne dérogeant surtout pas aux visées apparentes et évidentes de cette foi telles qu'elles le sont dans le texte fondateur. Notons que ces visées n'ont fait l'objet de systématisation pour s'imposer en concept incontournable d'exégèse qu'au huitième siècle de l'hégire avec l'imam Chatibi, et encore en tant que visées de la Loi religieuse, non de la foi d'islam. Or, la première n'était que le produit de la cogitation humaine tandis que la seconde incarne la révélation en ses principes mêmes s'imposant à l'esprit sans déformations. 
D'où, pour être objectif et scientifique, dans l'interprétation des visées cardinales de cette foi, la nécessité permanente de l'exégèse de ces visées, à chaque siècle pour le moins selon un dire prophétique (logion) attesté authentique ; la sagesse divine demeurant impénétrable à la raison humaine fût-elle la plus perspicace. Ce qui relève, au reste de l'obligation de l'effort constant en religion (ijtihad) condamnant, par conséquent, la pratique qui s'est instaurée tout au long de l'histoire de ne lire le Coran qu'au prisme de ses rites, particulièrement les quatre majeurs qui se sont imposés. Pourtant, si ces derniers ont été un effort méritoire pour leur temps, ils sont désormais obsolètes dans nombre de leurs analyses au vu des exigences du temps présent, axiologique surtout, heurtant souvent les visées fondamentales de la foi d'origine, ainsi que révélée à la Mecque notamment. 
C'est dire l'impérieuse nécessité de toujours contextualiser la moindre question faisant débat en islam ; ce à quoi l'on ne s'adonne point, ou pas assez sinon mal, à cause de l'habitude des musulmans de s'en tenir à leurs traditions, y compris celles s'étant révélées contraires au génie même de leur foi. Ce qu'alimente et aggrave l'absence aujourd'hui de libre pensée en terre d'islam où la religion est instrumentalisée au service des intérêts ayant le pouvoir, politique et/ou religieux, de délivrer un visa de conformité à ce doit être considéré relevant de la vérité. Celle-ci n'y étant pas l'horizon vers lequel il importe de toujours se tourner (ce que j'orthographie volontiers vers-ité) quitte à être contestable à la base, ainsi que se définit la science dont l'islam revendique l'esprit, et dont le respect fut à l'origine de sa civilisation, un temps universelle, contribuant même aux Lumières de l'Occident au sortir de son Moyen-Âge. 
Ce temps est révolu du fait de la crise actuelle de l'islam entretenue tant par ses laudateurs que contempteurs. Ainsi, s'agissant de la question qui nous occupe, celle de la vêture, il n'est pas étonnant que l'on soit, du côté non-musulman, quoique libéral, moins attentif à ce que suppose la liberté que prompt à opposer à ce qui n'est, au final, qu'idéologie guère libérale. Effectivement, on est plus motivé par la stricte négation de la foi d'islam, recourant à ce qui est estimé être le plus apte à contrer les excès idéologiques de certains de ses adeptes : le recours à la laïcité érigée en principe éminent du vivre-ensemble.
Or, cela ne va pas sans chahuter un autre fondement social en France, celui du libéralisme, outre le fait de contrarier l'esprit de l'Éducation républicaine et sa mission pédagogique en violant les valeurs que devrait transmettre l'école ; ce qui est le cas ici puisqu'on ne fait que simuler le dialogue, non le cultiver. La bonne pédagogie n'est-elle pas de ne rien imposer et d'agir à unir en éclairant les jeunes consciences dont on a la charge plutôt que donner des leçons, quitte à risquer à les désunir, cliver encore plus ? Surtout qu'il est évident que l'on se trouve aux prises avec un obscurantisme étranger à la masse des élèves, d'autant plus efficace dans ses menées qu'il s'entoure des atours mêmes qui sont encensés dans le pays. L'une des causes du malaise dont souffre le système scolaire en France n'est-il pas justement ce fait que de plus en plus de jeunes se retrouvent pleins de ressentiments envers leur école au lieu d'avoir de la reconnaissance pour son action à promouvoir leur condition propre tout autant que les valeurs citoyennes qu'elle est censée non seulement représenter, mais incarner et faire incarner aussi ? 

Laïcité, laïcisme, dogmatisme 
Historiquement, la laïcité a été au service du vivre-ensemble dans les anciennes sociétés occidentales encore dominées soit par l'emprise de l'Église chrétienne toute puissante soit par les traditions judéo-chrétiennes diffuses et prégnantes en leur sein. En France, toutefois, tout en ayant libéré les consciences de la férule religieuse, elle a eu tendance à muer en laïcisme alors que son socle social a pas mal changé. Sociologiquement et culturellement, la société française est désormais bigarrée, multiple, ne baignant plus exclusivement, officiellement pour le moins, dans le moule des traditions des deux premières religions monothéistes, chrétienne plus particulièrement. Et c'est la troisième religion monothéiste qui pose problème aujourd'hui, une foi différente de celles qui l'ont précédée mais qu'on se refuse à considérer différemment par principe égalitaire, notamment quant à celui de la séparation de l'Église et de l'État. Or, il n'est nulle église en pur islam, en théorie pour le moins ; c'est une religion qui se veut culte et culture dans le même temps, intégrant dans ses préceptes la politique au sens étymologique de gouvernance de la cité des humains tout autant qu'elle l'est, comme la foi judéo-chrétienne, une guidance pour la Cité de Dieu. 
Assurément, pareille lecture radicale de l'islam, s'oppose à sa pratique chez la quasi-majorité de ses adeptes en France comme ailleurs dans le monde, lecture qui s'est imposée au reste en islam officiel. En cela, l'islam a connu une mutation similaire au sens de la laïcité à la française, cette sorte de laïcisme qui s'y est imposé, d'où un islamisme d'autant plus véhément qu'il se réclame de son droit à se défendre contre son rejet laïciste. Or, les deux phénomènes se démarquent de la signification d'origine : celle de la primauté sur le culte du spirituel et du culturel, pour l'islam, et celle de l'étymologie du vocable, pour la laïcité. C'est d'autant plus paradoxal que l'islam premier, seul authentique à nos yeux, relève plutôt de la conception laïque originale dont relève, contrairement à la France, nombre d'autres sociétés occidentales, européennes y compris, telle la Grande-Bretagne. 
La Laïcité française est voulue être une stricte séparation du religieux et du politique quand il n'est, comme en islam, ni séparation ni amalgame de deux domaines intimement liés formellement, mais séparés matériellement. En islam pur, en effet, la sphère de la vie privée est gérée par une foi où le fidèle est théoriquement en relation directe avec son Seigneur, n'ayant de compte à rendre qu'à Lui, nulle entrée extérieure à lui n'est permise en cette sphère de relation exclusive avec le divin. Ce qui inclut notamment les autorités publiques dont le domaine d'action, la sphère du public, demeure également fondamentalement étrangère à celle de la foi intime.
D'après cette lecture à laquelle nous appelons**3**, la réforme inéluctable de l'islam, rappelle que si « la séparation du religieux et du profane n'a pas cours en islam où l'imbrication du spirituel et du temporel est totale... cela ne veut pas dire confusion, s'agissant d'une unité multiple, l'Unitas multiplex des anciens qui relève d'une pensée complexe. Si l'islam est un tout, le divin y étant humain, donc social, et le divin social, comme disait Durkheim, c'est qu'il a de l'homme une conception bien perçue par les soufis de l'homme uni, expression imparfaitement traduite par homme parfait, en qui le spirituel et le matériel se marient harmonieusement, réservant la foi à l'intimité soustraite à la vie dans la cité. » Cela porte sur l'un des aspects de l'islam actuel nécessitant déconstruction pour une saine reconstruction plus conforme à son génie que reflète ce que je qualifie de Révélation Première, le Coran mecquois. Ce qui pourrait mieux se faire, comme nous l'avons dit pour l'islam en France, auprès et avec la communauté musulmane française bien mieux et plus facilement que dans les pays musulmans où manque la condition nécessaire à la réussite de la moindre réforme, la liberté de penser, surtout les sujets sensibles, comme le sont les questions relevant de la religion, pour de vrai ou faussement, directement ou indirectement. 
Et la conception française de la laïcité ne peut servir en terre d'islam d'outil à sa nécessaire réforme, celle de l'étymologie du vocable : « laicus » (ou encore « laos ») signifiant « du peuple » s'y opposant. En effet, dans les pays arabes, mais aussi auprès de la diaspora en terre non-musulmane, ce qui est du peuple, c'est bel et bien sa forte imprégnation spirituelle, du moins religieuse. Ce qui manque en un Occident devenu par trop matérialiste au point de voir son monde désenchanté, et la laïcité y est en crise, la caractéristique du peuple y devenant faussement laïque, plutôt « laïciste », produisant un « esprit prêtre » aussi intolérant et fanatique que les fanatiques de la religion qu'il combat. De fait, il le fait au nom d'une autre religion, civile et laïcarde, où l'esprit religieux intégriste se mue en « fanatisme athée » tout aussi dangereux que l'était le despotisme clérical de mauvais souvenir en France. Nombre d'historiens, philosophes et sociologues n'ont pas manqué d'y attirer l'attention. L'un d'eux**4** n'hésite pas à affirmer que « La laïcité est devenue un hygiénisme identitaire », fustigeant une arme de combat qui entretient une telle idéologie manifestant sa crise identitaire et celle, plus généralement, de l'Europe en déclin**5**. 
Une telle laïcité dénaturée et discriminatoire ne l'est pas seulement pour les fidèles d'une religion perçue, ne serait-ce qu'inconsciemment, en cette concurrente qu'elle a été historiquement. Elle l'est surtout et en premier pour les fondements libéraux de la société française, car le strict respect des réquisits du libéralisme pur impose déjà l'admission des initiatives personnelles sans distinction relevant du domaine privatif, dont celui de l'accoutrement public, du moins tant qu'il est décent. Peu importe ce qu'il serait supposé indiquer dans le for intérieur des gens. Aussi, stigmatiser un port vestimentaire juste sur la base de la supposition - fort contestable, et contestée d'ailleurs - d'être à caractère religieux est preuve d'un comportement foncièrement en violation des règles du vivre-ensemble libéral et serein dont on se réclame. De plus, ce n'est que « mal nommer les choses », une hérésie dans un Département veillant à bien éduquer les futurs adultes ; car cela non seulement « contribue au malheur du monde » selon Camus, mais aussi ajoute à la perversion de la cité qui, comme on le sait depuis Platon, « commence par la fraude des mots ». 
En l'occurrence, c'est tant le cas avec l'habit à tort étiqueté confessionnel que nombre de slogans en vogue servant moins la cause leur donnant naissance que les lubies idéologiques faisant florès en cette époque mythomane, comme bien d'autres ne manquant pas dans l'histoire humaine**6**. Il en est ainsi de l'islamophobie qui, au-delà de ce qui est justifié et pertinent en la matière, cache mal l'instrumentalisation sous-jacente faisant que l’on vire à la démagogie encensant un islam caricatural et caricaturé, un pur culte rétrograde. Car pour être parfaitement juste, sans nulle exploitation dogmatique, un tel combat se doit d'être couplée avec un autre - pour l'islamophilie, par exemple - qui se consacrerait à faire connaître l'exégèse humaniste de l'islam en culture humaniste et universaliste, non l'actuelle conception cultuelle défendue en l'état. 

Symbolique de la résistance au changement 
Notre conception pure de l'islam, à laquelle nous reviendrons en seconde partie de cette réflexion, est certes contraire, dans les faits, aux exégèses, déjà multiples, qui se sont imposées en islam officiel, sunnite majoritaire notamment, mais aussi chiite minoritaire. Il n'en demeure pas moins qu'elle est la seule conforme tant à l'esprit qu'à la lettre du Coran et de la révélation première, le Coran de la Mecque. D'ailleurs, de plus en plus de voix osent évoquer l'état de maladie actuelle de la religion d'islam**7**, d'autant plus à déplorer qu'au temps de sa splendeur elle présentait, avant d'être un culte, l'esprit d'une philosophie, une culture, étant perçue par ses fidèles en foi de droits et de libertés. Si une telle religion n'est pas restée fidèle à ses origines, c'est qu'elle a fait l'objet, au cours de son histoire, de vol et de viol, par les siens en tout premier lieu ; le phénomène monstrueux de Daech n'en est, aujourd'hui, que l'illustration paroxystique, mais guère unique. 
Pourtant, c'est à un tel esprit originel et original que se réfère, consciemment et inconsciemment, la plupart des musulmans, les plus jeunes notamment soucieux d'enracinement axiologique et qui ne connaissent de la religion de leurs parents que bien peu de choses, ce qu'on leur transmet, pas forcément fiable. Aussi, comme la problématique de la véracité se pose, est-ce au contenu d'une telle transmission qu'il importe de s'arrêter dans les écoles de la République plutôt qu'à certaines de ses manifestations voulues, à dessein, machiavéliques par d'aucuns, provocatrices même. S'il est urgent dans l'Éducation nationale française de faire face à ce qui y pose problème, c'est moins l'épiphénomène de la vêture que de cogiter sérieusement sur ce qui est problématique dans toute la société, étant au cœur du mal-être d'une religion musulmane qui est loin d'être minoritaire dans le pays. C'est bien là le modus operandi pour réussir à déconstruire afin de reconstruire sur des bases saines, avec des visées éthiques et objectives, ce qui est perçu à tort en négation du vivre-ensemble, mais qui pourrait bien le devenir à force de s'entêter à faire de l'erreur vérité. Et qui mieux que l'école républicaine y réussirait, du moment qu'on se situe dans le cadre approprié de l'Instruction publique traditionnelle où la règle sacrée de la pédagogie suppose le juste savoir justifié ? 
Que nous dit, au juste, la question de l'habit supposé islamique dans l'enceinte scolaire ? D'abord que cela relève d'un droit de liberté citoyenne qu'on ne saurait nier sans renier un fondement de la citoyenneté. Certes, celle-ci prohibe le port de signes confessionnels, mais l'abaya ou la djellaba l'est-elle vraiment, honnêtement ? En l'objet, sauf à faillir à l'esprit même de la pédagogie, il ne suffit pas de prendre pour argent comptant les dires farfelus ou faussement sincères de certains sachants idéologues, relayés par des activistes dogmatiques forts remuants. D'autant mieux qu'au final une telle attitude se résout en complicité objective avec une supercherie relativement à ce qu'il serait plus logique et sain de contester la qualification erronée, s'attaquent en bon esprit scientifique à son contenu véritable, moins à l'effet qu'à la cause. Le plus grave est donc de s'aligner de fait, contrairement à l'intention affichée, sur la doxa qui manipule les esprits au nom de l'islam, tant pour le servir en apparence que le desservir, à la vérité. Surtout que la population ciblée ici est composée de jeunes en âge d'apprendre encore à devoir distinguer le vrai du faux et qui ont fort besoin d'y être aidés. C'est bien plus efficace et pédagogique que de justifier a contrario, par un diktat civique aussi pernicieux, ce qu'on leur impose fallacieusement au nom de leur religion et qu'ils sont en droit d'estimer ne relever que d'une liberté individuelle basique. 
Soyons clairs : la loi du 15 mars 2004, à laquelle l'Éducation nationale se réfère pour s'opposer à la liberté des élèves pétitionnaires, proscrit le port de signes religieux ostentatoires en milieu scolaire. Sur quel texte de l'islam se base-elle pour qualifier de signe religieux une banale vêture relevant, au mieux, d'habitudes culturelles, même si l'on s'acharne - en vain pourtant - à les ériger en manifestation cultuelle ? Peut-on aussi préciser ce que serait cette hérésie de la tenue laïque ? N'est-ce pas un tel flou, nullement artistique alimentant une confusion axiologique déjà grave dans les esprits, qui serait une source des drames secouant la société ? Tel le martyre de Samuel Paty originaire, au reste, du même département et qui, en bon pédagogue, aura payé de sa vie son souci salutaire d'éclairer les esprits sur les tromperies idéologiques et la nécessité de ne pas faire vérité de la fausseté. Ne serait-ce pas honorer sa mémoire que de poursuivre son exemple au niveau le plus officiel, osant assumer le premier devoir civique de discuter, sinon refuser, les faux dogmes, trompeurs qui plus est ? 
Citons, à titre d'illustration ici, la question voisine du voile, même si elle ne concerne qu'une partie des jeunes. Il est à tort qualifié d'islamique**8**, mais ce n'est que l'interdit officiel ou sa stigmatisation qui a transformé cette véritable fausseté en fausse vérité qui, si elle était cultuelle, serait plutôt biblique qu'islamique. N'est-il pas surprenant, à ce propos, que la France soit le seul État des 27 de l’Union européenne à interdire le port du foulard sur les photos d’identité ; ce qui décrédibilise la raison sécuritaire invoquée. 
Il est patent que l'on ne se rend pas compte, ainsi qu'on le fait, d'agir plutôt dans le sens de l'idéologie combattue et contre le libéralisme dont on se réclame, rendant même service à l'idéologie intolérante en singeant sa propre négation du droit à la différence. En l'occurrence, en transformant un banal vêtement en symbole de résistance au changement. Car même si l'on n'y pense guère, les vêtements ont une symbolique qui n'est pas négligeable dans l'indication de la capacité de tout un chacun au changement, à l'accepter ou à y résister. Plus particulièrement, ils indiquent, inconsciemment même, un refus de tout changement paraissant fatal, étant dans l'ordre des choses ou injuste du fait qu'il est imposé sans raison valide, comme avec la question qui nous occupe. Dans La Psychanalyse des rêves, Angel Garma**9** démontre comment le vêtement représente une sorte de membrane fœtale. Il note aussi que changer de vêtements, c'est changer de peau, changer de parents. 
D'ailleurs, dans la plupart des œuvres - sinon toute la littérature - traitant d'utopies, comme l'Icarie de Cabet ou La Cité du Soleil de Campanella, l'habit a une place importante en ce qu'il symbolise et concrétise une volonté de régénération, le début d'une vie nouvelle. On y constate, à ce propos, une prédilection pour les vêtements amples et flottants, « à la manière de la Rome antique ou des Highlands » dit Mercier dans son Voyage au centre de la Terre où les hommes et les femmes sont habillés pareillement de ces habits flottants. Dans La Nouvelle Atlantide de Bacon, on porte des vêtements aux couleurs éclatantes et des turbans à la turque. Une pareille volonté de régénération n'expliquerait-elle pas l'attachement des habitants des sociétés d'Afrique ou encore d'Arabie à leurs robes, au-delà de l'explication consciente des conditions climatiques et autres raisons liées aux habitudes incrustées ? En Arabie, les vêtements flottants à l'antique perpétuent certainement des usages arabes ancestraux, mais aussi une tradition qui n'est pas propre aux Arabes. Ils symbolisent surtout la continuité de la protection maternelle ; ce qui n'est pas pour étonner dans la psychologie arabe où la sentimentalité est une idiosyncrasie culturelle. 
Comme on peut difficilement concevoir qu'un adulte continue à porter les fanfreluches de son enfance et même d'adolescence, il doit en aller de même - sauf raison majeure qu'il importe de débusquer et d'ausculter - lorsqu'on se décide du jour au lendemain à répudier la vêture de son temps afin d'en adopter une autre originale, sinon saugrenue. C'est qu'elle est jugée être plus convenable à refléter une identité qu'on ne veut pas perdre, qu'on cherche à retrouver ou à afficher. C'est bien le cas chez certains musulmans et musulmanes du fameux qamis et autre voile, érigés en vêture islamique et qui ne rappellent pas moins le voile des nonnes, la robe des moines chrétiens. Une telle invagination du sentiment, remontant le temps, revenant à l'état de l'enfance, traduit surtout une résistance au changement inéluctable, tel un enfant refusant de grandir. Si l'attachement à sa vêture habituelle ou l'adoption d'une ancienne supposée de tradition représentent une résistance au changement, c'est que la prise d'un nouveau vêtement est chargée fortement d'un thème initiatique non négligeable. Quand ce vêtement symbolise la tradition, la geste des anciens, il souligne aussi une volonté inconsciente d'accession à une vie nouvelle purifiée, une nouvelle naissance. 
C'est bien le cas chez les jeunes collégiens et lycéens qui, au nom de leur liberté du paraître, ne sont qu'en quête d'une liberté d'être à défaut d'une accession sociale qui leur semble impossible autrement. Parallèlement, c'est un signe qui ne trompe pas non plus chez eux d'une vacuité spirituelle abyssale qu'un simple masque suffit à remplir, d'autant qu'elle est le terreau des menées diverses d'endoctrinement. Que cela se passe en milieu scolaire devrait donc être moins un problème pour les autorités qui y incarnent le juste exemple que l'occasion à saisir pour faire en sorte que les dérives faisant suite à ces premiers signes de trouble identitaire ne reposent pas sur du vide que d'aucuns viendraient remplir aisément de préjugés. C'est bien contre quoi il est de leur mission de relever le défi en y répondant le plus adéquatement sans se laisser tenter par les solutions de facilité à ne pas traiter les causes, se cantonnant dans la fausse zone de confort en se limitant à gérer les effets. De la sorte, au lieu de se contenter de les renforcer par l'outil inefficace et contreproductif de l'interdiction, elles seront plus efficientes et tout à fait dans le rôle premier de l'Éducation nationale en vérifiant s'ils ont bien affaire à des radicalisés, aux convictions arrêtées résistant à une contestation rationnelle, des valeurs bien définies correspondant à ce qu'ils affichent de faux ou veulent refléter. 
Assurément, cela permettra de concevoir une meilleure stratégie à adopter en mesure de contrer ce qui ne mue en combat que du fait de l'interdiction, n'étant toujours qu'une réaction, montage par défaut, une réplique au discours aussi manichéen que celui qu'on prétend combattre tout en le nourrissant. Et ce plus particulièrement du fait qu'il use de nombre de leviers psychologiques puissants, ayant résonance assurée auprès d'une jeunesse en rupture avec l'épistémè encore en cours chez les adultes, qui n'est que celle d'un monde en passe de s'éteindre. Or, il est une nouvelle épistémè, celle de la postmodernité, qui gagne du terrain dans les esprits. Rejetant le devoir être, moral, politique et culturel d'un moule conventionnel érigé en logique suprême, elle s'incarne en un vouloir être irrépressible en vue d'un pouvoir être hors des sentiers battus des conventions éculées ; et c'est l'originalité d'être soi-même qui prime.

Vouloir être, épistémè juvénile postmoderne 
Ayant assez travaillé avec les jeunes d'origine maghrébine en France, concevant même avec et pour eux un roman historique outre une série de romans jeunesse dont l'un des tomes traite du phénomène proche de la radicalisation religieuse afin d'en faire des terroristes**10**, je puis témoigner de leur vécu. Partout, des deux côtés de la Méditerranée, dans les banlieues des villes de France notamment, ces jeunes relèvent bien plus que les générations précédentes de leur temps postmoderne, un âge de foules, l'ère des sens débridés. Aussi, c'est moins l'attitude autoritaire, d'un rapport tout en verticalité qui peut leur parler que celle du cœur, une relation horizontale et qui n'est pas moins celle de la raison, mais une raison sensible. 
Tout comme leurs congénères de ces banlieues du Nord que sont les pays du Sud et selon l'esprit du temps, les jeunes de France sont en quête, d'un libéralisme éthique, moral et mental qui serait le passage du Devoir être au Pouvoir être. Or, la réticence des adultes relevant d'un zeitgeist dépassé, réagissant selon l'épistémè d'un monde pourtant évanoui, fait qu'ils n'en sont encore qu'au Vouloir être. Certains d'entre eux se retrouvent ainsi en ce no mans' land fertile en monstres dont parlait Gramsci. Pourtant, ce dont rêvent ces jeunes, y compris ceux versant dans les excès, ne serait rien d'autre que l'épiphanie de l'humain uni, cet homme parfait des spiritualistes, en harmonie avec son être et les êtres l'entourant en un vivre-ensemble serein et paisible. 
Aussi, de par la gestion actuelle des problèmes en banlieues, avec les demandes de liberté de vêture, par exemple, l'Éducation nationale se retrouve-t-elle sur un chemin qui ne mène nulle part. J'emploie ici l'expression au sens heideggérien du Holzwege indiquant que si le chemin parait une impasse, il n'en est rien, étant bien volontiers passant pour qui sait y cheminer. C'est même un tel chemin qui mène loin, au-delà du réel où se trouve toujours le possible, mensongèrement qualifié d'utopie. Car, plus que jamais, c'est l'utopie, le rêve du commun des mortels - nos jeunes scolaires en l'occurrence - qui est l'intuition géniale du scientifique, source et aboutissement de tout acte utile. Ce qui accentue l'aspect incongru de la coupure encore plus évidente entre le réel vécu et l'idée approximative, sinon erronée, que l'on se fait dans les bureaux des responsables. D'autant que, ne serait-ce qu'indirectement, cela alimente chez les jeunes concernés par la question de la vêture une possible dérive terroriste. Elle opérerait en eux, en quelque sorte, en ersatz de leur volonté à vivre libre et digne, muant donc en liberté de mourir librement et dignement. 
Le vrai problème en la matière est dans les têtes. Le terrorisme n'a ni foi ni loi ; c'est une erreur de le qualifier d'une épithète forcément réductrice, stigmatisant une obédience, le propre du terrorisme étant de n'avoir pas d’idéologie ; il est même le concentré du zéroïsme de sens, marque de l'époque postmoderne. Le seul lien commun entre des terroristes venant d'horizons divers c'est leur dogmatisme, qui peut être religieux comme profane ; il n'est pas moins inhumain dans les deux cas. Ce qui l'est davantage, c'est de faire de la jeunesse des établissements scolaires, voilée ou en qamis, bien plus une espèce radicalisée que plutôt figure de cirque ; car si elle est traitée en faune ou satyre, fatalement elle finit en démon ; Satan n'est-il pas archange déchu ? 
Certes, on n'en est pas à ce stade en matière de vêture, mais l'on ne doit pas moins le craindre. Le zeitgeist, l'air du temps irrépressible, étant à la reconnaissance de la part du diable dans l'humain, il importe de l'homéopathiser en quelque sorte. Pour lutter utilement contre la moindre tentation de dérive terroriste, la première règle à avoir à l'esprit c'est ne pas finir par l'alimenter, soit c'est d'user de ce qui lui manque : l'humanité et l'éminente valeur de la règle de droit, mais appropriée à la situation, non pas celle qui se serait sclérosée. Le terrorisme, mental pour le moins, qu'emporterait la vêture stigmatisée, est tel l'Hydre de Lerne, ses têtes repoussent à force qu'on les lui coupe ; il faut donc agir comme Hercule finissant par en triompher. Aussi, comme la légende qui nous apprend que le héros réussit à rendre mortelles les blessures infligées au monstre en trempant ses flèches dans son propre venin, il importe de contrer le terrorisme en usant de son propre venin contre lui-même. Quel est-il ? 
On en parlera en seconde partie où l'on dira aussi ce qu'il peut y avoir de commun entre la supposée religiosité de la vêture et le mythe bien occidental du surhomme, la solution proposée au malaise banlieusard étant la raison islamique pure perdue, y travaillant à des retrouvailles salutaires pour tous. Car c'est de normopathie, maladie de la norme, que souffre la société française ; ce qui amène à assurer qu'il urge de prendre acte de la crise actuelle de la démocratie (devenue daimoncratie selon mon néologisme), agir enfin à la postdémocratie du monde d'après en gestation. On le vérifie d'ailleurs avec les événements secouant le pays où la prévalence de la politique sur le droit ne fait plus de doute, n'épargnant même pas la plus haute instance juridique nationale, celle du droit en dernier ressort, le Conseil constitutionnel. Sa dernière décision censée clore le débat juridique sur les retraites est venue plutôt l'alimenter par une position que d'autres éminents spécialistes**11** contestent, la jugeant « mal fondée et mal motivée en droit » ne pouvant pas « clore le contentieux ». 
À quel saint se vouer alors et comment ne pas comprendre les jeunes collégiens et lycéens à la recherche de la parole juste qu’ils ne trouvent plus auprès de l'encadrement pédagogique laissant la place libre aux gourous de la désinformation ? Comment donc s'étonner que ce qui représente l'avenir de la société se rebiffe, sa jeunesse ou une partie d'entre elle ? Ne s'agit-il pas plutôt d'un signe de santé, dont il faudrait se réjouir ? Certes, d'aucuns diraient qu'il s'agit de jeunes issus d'ailleurs, oubliant l'apport de l'étranger dans l'histoire de la France pour son salut. Bien pis ! ils font en plus une gravissime entorse tant à l'idéologie économique dont ils relèvent qu'à la foi religieuse à laquelle ils se réfèrent en termes identitaires. 
À suivre ...

NOTES : 
https://actu.fr/ile-de-france/limay_78335/limay-des-lyceens-reclament-le-droit-de-porter-l-abaya-et-la-djellaba-a-l-ecole_58751182.html
**2** Cf. Quel islam de France ? 1/2 https://www.contrepoints.org/2018/10/13/327531-quel-islam-de-france 
Quel islam de France ? 2/2https://www.contrepoints.org/2018/10/14/327631-quel-islam-de-france-2 
**3** Cf., par exemple : Quelle réforme pour l'islam? http://tunisienouvellerepublique.blogspot.com/2015/01/i-slam-pol-ethique-8.html#more 
**4** Il s'agit du sociologue Raphaël Liogier auteur, entre autres, de: Une laïcité « légitime ». La France et ses religions d'État, Paris, Médicis – Entrelacs, 2006, et : Le Mythe de l’islamisation, Paris, éd. du Seuil, 2012. 
**5** Raphaël Liogier, Le Complexe de Suez. Le vrai déclin français et du continent européen, Paris, éditions Le Bord de l’eau, 2015. 
**6** Dans son Apologie pour l’Histoire, Marc Bloch note ceci : « aussi bien que des individus, il a existé des époques mythomanes […] C’est, d’un bout à l’autre de l’Europe, comme une vaste symphonie de fraudes. Le Moyen Âge, surtout du VIIIe au XIIe siècle, présente un autre exemple de cette épidémie collective… Comme si, à force de vénérer le passé, on était naturellement conduit à l’inventer. » 
**7** Cf. mon essai bilingue arabe français : Maladie d'islam. Chroniques du ramadan au temps du Covid-19, L'Harmattan 2020.
**8**J'ai rappelé la véritable conception de l'islam concernant le voile, et aussi la nudité, le sexe dans mon essai : Ces tabous qui défigurent l'islam. Tome 3 : La nudité, le sexe et le voile, Paris, L'Harmattan, 2015. 
**9** Angel Garma, La Psychanalyse des rêves, Paris, Presses Universitaires de France, 1954. 
**10** Cf. Aux Origines de l'islam. Succession du prophète, ombres et lumières, Afrique Orient, Casablanca, 2014, et tome 5 de la série bilingue français arabe Club des Amis titrée : Danger Céleste imminent, Tunis, L'Or du Temps, 2020 : https://www.webmanagercenter.com/2020/11/01/458237/danger-celeste-imminent-de-farhat-othman-un-plaidoyer-pour-lamitie-humaine-et-contre-le-terrorisme-qui-tombe-a-pic/ 
**11**Par exemple, le constitutionnaliste Dominique Rousseau, professeur de droit public, ici cité dans une tribune au Monde en date du 16 avril 2023.

Tribune publiée, raccourcie sans les notes, sur Contrepoints