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dimanche 26 février 2023

Un ménologe tunisien 9

L'illusion au pouvoir



Alors qu'on a tant besoin en notre pays d'imagination au pouvoir et d'un imaginaire pétri de ce qui anime le peuple en termes de rêves et d'aspirations à une dignité méritée, on n'arrête d'y avoir un succédané bas de gamme de cette faculté éminente pour l'action, qui n'est même pas l'imagination folle du logis dénoncée par Descartes, n'étant que sa dégénérescence qu'est l'illusion.

Or, si l'imagination, du latin classique imaginatio, est la représentation, le portrait (imago) et l'imaginaire (imaginarius) ce qui est imaginé et donc rêvé en vue d'agir, l'illusion (illusio) n'est qu'une raillerie, agacerie et provocation dans le cadre d'un jeu (ludus) malicieux ou vicieux.

N'est-ce pas ce que confondent les récentes déclarations officielles sur la présence sur le sol tunisien d'immigrés subsahariens ? Est-il possible, croyable même, d'y voir un discours xénophobe, sinon haineux et raciste de la part de la présidence de la République ? Elle aurait alors cédé à la moins sérieuse des théories complotistes, celle qui fait le fonds de commerce des mouvements d'extrême droit en Europe, en France particulièrement, avec cette vilenie de l'absurdité du grand remplacement ? 

Assurément non ! Au mieux, les mots ou leur portée ont dû écorner une pensée moins illusoire, tout au plus illusionniste, du président de la République qui aurait stigmatisé moins des masses désespérées, méritant secours  et accueil, que les filières maffieuses qui profitent de leurs drames et désespoir, le monnayant au prix le plus fort. Au demeurant, il a bien apporté, après coup, les précisions éthiques qu'il fallait. Mais le mal était déjà fait, hélas ! et on n'a pas manqué, bonne et mauvaise foi confondues, de stigmatiser en discours structuré une réflexion évasive se laissant aller à conspuer leur locuteur érigé en parangon de la xénophobie.  


L'énergie en actes

Certes, la pensée exprimée avec spontanéité peut être prise à défaut par des mots mal choisis dont l'émotion détourne le sens, sinon le viole ; et on sait Kaïs Saïed émotif comme on le rappellera infra. Disons, de suite, l'importance de l'énergie pour les actes sûrs, ce qui est susceptible de les prémunir du moindre dérapage malheureux et involontaire, tel celui dont il s'agit ici.

Il est, en effet,  une énergie dont on se soucie bien peu alors qu'elle est parfaitement équivalente à celle produite par l'air, l'eau ou le soleil. Or, de ces dernières, il est devenu banal de profiter avec éoliennes, turbines hydrauliques, générateurs solaires et autres piles photovoltaïques. C'est l'énergie de la pensée et des sentiments ! Encore insoupçonnée, sinon rejetée dans le terreau des mythes ou de l'illusion, elle est pourtant à l'origine des mouvements humains de masse, tels les rassemblements publics, les manifestations, les insurrections, les révolutions. Et pour être mise en branle en notre univers qui n'est qu'énergie en mouvement infini, elles n'ont point besoin d'appareillage technologique particulier, un rotor, l'aérogénérateur pour l'énergie éolienne par exemple ! Le moteur ici est juste le fait d'atteindre le degré le plus élevé de concentration du mental humain afin de donner à l'idée motivante, au sentiment porteur, l'effet physique et matériel que représente le mouvement de masse. 

C'est ce qu'on ne fait pas et dont on ne profite point en se laissant aller aux sentiments négatifs, aux idées saugrenues et donc stériles, néfastes à sa communauté, à soi également. Ainsi préfère-t-on la facilité au lieu de faire l'effort de cultiver ce qui crée, innove et permet au final au meilleur d'éclore, agissant utilement sur les mentalités, les faisant avancer dans le bon sens du progrès et non reculer et péricliter. 

C'est ainsi que l'humanité a évolué, réalisant les progrès la faisant passer d'un stade inférieur à un état supérieur. Ce n'est pas que la technologie qui le lui a permis comme le croient les positivistes dogmatiques, mais plutôt la science. Or, elle n'est qu'une technique sophistiquée de pensée, une méthode où idées et sentiments, intuition même et imagination, sont à l'oeuvre. Et ce n'est rien d'autre que l'énergie en actes, meilleur antidote à l'illusion, parfait prolongement de l'imagination agissante.       


De l'illusion... 

Pourtant, il est une fâcheuse tendance chez les détenteurs du pouvoir sur les multitudes, manifestée par l'illusion de se croire détenteur de la seule manière de voir les choses en vue de servir leur salut, leur souveraineté. Tout comme celle-ci est la chose de tous quand ils vivent dans une république (res publica) qui n'appartient à personne, son service regardant donc tout un chacun, servir son pays est le droit et le devoir de tous, nul ne pouvant se croire seul apte à le réaliser, sauf à vouloir en faire une dictature, et donc changer sa nature républicaine. 

Or, une Tunisie nouvelle République, c'est e que le peuple, sa majorité pour le moins, ses dirigeants aussi, les sincères du moins, ont voulu et n'acceptent plus désormais sa négation, le régime d'un seul. Partant, ce serait s'illusionner que de croire servir l'intérêt général contre la majorité populaire ; même si l'on invoque des élections législatives formelles, censées mettre en place un parlement représentant le peuple, alors qu'elles ont été boycottées ou ignorées par une majorité écrasante. De même, c'est s'illusionner être dans la légalité lorsqu'on invoque des lois en vigueur, qu'on dit veiller à leur respect sourcilleux et à leur juste application pour tous, alors qu'elles sont déjà injustes et même scélérates pas nature, étant les lois de la dictature maintenues en vigueur.           

Et ce qu'on ne doit point oublier avec la présence des subsahariens en Tunisie, c'est que leur drame - puisqu'il s'agit bien d'une désespérance - est le même que celui de nos jeunes et moins jeunes périssant en Méditerranée en voulant mettre pied en Europe. Serait-on donc complices des milieux xénophobes de ce continent, moralement sinistré, en reprenant leur logomachie à l'égard de nos frères d'Afrique ? 

Disons-le avec toute la fermeté que nous imposent nos valeurs : à stigmatiser les immigrés subsahariens, on ne fait que violer nos propres valeurs ancestrales, tant tunisiennes qu'islamiques. De plus, rejeter ces frères d'Afrique, qui sont majoritairement ivoiriens, c'est desservir la cause des nôtres, immigrés irréguliers en Europe. C'est également courir le risque d'entretenir chez nous la même atmosphère délétère de haine exécrable ayant cours en Europe. On se retrouve ainsi en pleine illusion tout en pensant s'adonner à la politique autrement en ayant de l'imagination novatrice, liant la question immigrée en Tunisie à celle des flux migratoires du Sud au Nord. 

On l'a dit supra, on sait le président Saïed émotif, étant natif du signe astrologique des Poissons, gouverné par la planète Neptune. En effet, il ne peut que reproduire, ne serait-ce que superficiellement, la marque éminente de ce signe propice aux excès de sentimentalité au service de ses idéaux, et surtout aux confusions et aux amalgames. On le remarque bien dans nombre de ses discours qui, s'ils ressortent de sa fibre idéaliste et son sens inné du sacrifice pour le bien du plus grand nombre, ne manquent pas de verser dans l'illusion neptunienne, desservant l'intention de départ. Car l'influence de la planète Neptune est actuellement par trop forte, étant en domicile.      

Certes, les menées en coulisses ne manquent pas, ciblant la paix et la prospérité de notre pays ; ce serait toutefois en être le complice objectif si on se laissait aller à des approximations, des jugements hâtifs même, ne serait-ce que par provocation, argument paroxystique par excellence. Car pensant introduire l'imagination au pouvoir, on ne fait alors que s'adonner à la confusion, à l'illusion.


... à l'imagination au pouvoir ! 

En invitant à réfléchir sur la situation des clandestins subsahariens en Tunisie, M. Saïed pense-t-il proposer d'instaurer un visa pour ces immigrants ? Rappelons qu'ils entrent le plus légalement en Tunisie, mais s'y maintiennent au-delà des 90 jours autorisés pour tenter de finir par réussir la traversée de la Méditerranée vers l'Europe. Car la Tunisie, dans leur odyssée, n'est qu'un pont vers le continent européen. 

Est-ce bien la meilleure solution alors que la question véritable en la matière n'est pas l'irrégularité du séjour en Tunisie, mais l'impossibilité de circuler vers l'Europe ; ce qui est déjà le problème majeur de nos compatriotes ? Pourquoi alors ignorer la vraie cause et ne pas se saisir de l'occasion afin d'oser s'attaquer au vrai problème qu'est le visa, cette survivance du passé en un monde qui a changé, passant du village en un immeuble planétaire ? N'est-il pas temps de réclamer la transformation du cacochyme visa actuel en visa de circulation, réalisant une libre circulation rationalisée ?   

Réclament le visa de circulation en norme des rapports entre le Nord et le Sud, c'est indiquer l'arme fatale contre la clandestinité, un tel outil étant parfaitement connu dans les chancelleries, même s'il n'est en usage que parcimonieusement, pour les catégories privilégiées des voyageurs. Il est bien temps de le généraliser, car il éradiquera aussi les drames actuels des migrations irrégulières. Ayons donc le courage de le demander, l'exiger même en compensation de la coopération  de nos autorités avec leurs partenaires européens notre Méditerranée, devenue un charnier ! 

Par ailleurs, ce dont notre pays a le plus besoin, aujourd'hui, c'est de confiance. D'abord, la retrouver déjà dans les rapports entre dirigeants et dirigés, ce  qui a toujours fait défaut sauf en des périodes exceptionnelles bien éphémères. Ensuite, la reconquérir auprès de ses partenaires, notamment par le remboursement à temps des échéances des dettes extérieures. Or, cela fut le cas lors des années de dictature, et il ne saurait ne pas advenir de nouveau en temps de liberté. Faut-il y agir en pensant au préalable pouvoir y réussir. Il est même possible et légitime, au vu de la situation catastrophique du pays, d'oser penser que le remboursement n'est pas une fatalité. 

Si l'on sait être en odeur de sainteté auprès de ses débiteurs, certaines dettes, et mêmes toutes, peuvent être transformées en investissements, sinon annulées purement et simplement. Ce qui impose, bien logiquement, une forte dose de talent diplomatique et politique, manifesté particulièrement par un engagement courageux et audacieux, mais surtout sincère, des autorités nationales dans le domaine qui prime tout pour les décideurs d'Occident, bien plus que les sacrosaintes finances, à savoir : l'État de droit. 

C'est lui qui garantit la sécurité des transactions et de l'accumulation des richesses, aujourd'hui tributaire des libertés, dont celle de l'initiative pour innover, sortir des sentiers battus, seul vrai moteur de la croissance. À l'évidence, pour la Tunisie, cela implique pour ses responsables politiques d'avoir pour premier souci l'instauration d'une société de droits et de libertés. 

Bien plus que les mesures draconiennes teintées d'austérité, cela saura, pour un pays pauvre comme la Tunisie, rassurer ses débiteurs, planifier et exécuter sereinement les réformes juridiques et judiciaires inévitables avec le soutien populaire. 

Car elle est impérative l'obligation de transformer les mentalités actuelles, chez le peuple certes, mais surtout aussi chez ses élites relevant encore d'une pratique politicienne moins marquée par l'imagination créatrice que par l'illusion idéologique, sinon fantaisiste, celle faisant fonds de commerce de slogans vides de sens et de ressorts psychologiques usés, tels le complotisme, la souveraineté nationaliste et la rengaine théorique du salut du pays en un monde globalisé. 


Tribune publiée sur Réalités
et sur Réalités magazine n° 1936 
du 3 au 9 mars 2023, pp. 16-17