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samedi 17 décembre 2022

De fin à faim d’histoire 7

 Ce qui fait briller le Maroc 

en coupe du monde





Assurément, la performance de l'équipe marocaine de football à la Coupe du Monde, au Qatar, déjà un événement historique, emporte une portée encore extensible, grosse de significations. Ce qui est tributaire du maintien de l'aptitude, démontrée à ne point douter, d'une équipe du Sud à remporter une coupe que l'esprit du moment s'est accordé à supposer réservée aux pays du Nord. Car, dans l'immédiat, rien n'exclut d'envisager voir cette vaillante équipe aller en finale et même y créer l'énorme surprise. N'y aurait-il pas quelque logique transcendantale qu'une équipe arabe gagne cette première coupe se déroulant sur terre arabe ? Faut-il, pour y croire, avoir cette foi du charbonnier et qui ne caractérise pas moins justement la religion des adeptes et de cette équipe et du pays organisateur de la compétition mondiale. 

L'arme du doute   
En l'occurrence, l'arme du doute est le facteur à ne pas négliger en sport comme en toute œuvre humaine. Arme tant psychologique que culturelle, idéologique et notamment mentale, le doute fait et défait le sort. Elle est d'autant plus efficace qu'elle est inconsciente, relevant de cet inconscient collectif auquel l'on fait si peu attention en notre monde matérialiste à l'extrême.
N'est-il pas banal, pourtant, de relever que l'on ne peut gagner un match si l'on doute de la capacité d'y arriver, se faisant battre à l'avance par soi-même ? Certes, l'on n'ignore ici ni la capacité technique intrinsèque des uns les autres, surtout quand elle est objectivement inférieure à celle de l'adversaire, ni l'évaluation qui en est faite des deux côtés. Ce qu'on relève, c'est qu'elle est souvent surfaite, tant du côté des vainqueurs d'avance que du côté des vaincus qui ne font que la surfaire davantage par une acceptation aveugle de sa supposée fatalité.   
Or, on a bien vu des équipes de moindre capacité en tous points créer la surprise et battre un opposant qui leur est nettement supérieur, ne considérant toutefois cela que de l'ordre de la surprise, une performance éphémère. Pourtant, elle ne l'est pas nécessairement si on la fait relever de ce domaine échappant justement aux critères objectifs qui est le mental. Car il est possible d'en faire l'arme fatale pour une performance qui est d'autant moins impossible qu'elle n'est plus exclue par qui y croit du moment que les raisons objectives s'imposant en la matière sont satisfaites, particulièrement la préparation et l'engagement professionnellement sans reproche.  
De fait, cela est en mesure de faire du mental une arme rendant son utilisateur imbattable, le doute ne venant pas l'enrayer du moment qu'elle est en état de parfaite marche. Ce à quoi veillerait un mental libéré des contingences qui en stérilisent l'action, un mental opérationnel.

Le mental opérationnel      
Si le Maroc n'a pas douté dans ses capacités à être non seulement la première équipe arabe et africaine à aller en demi-finale de cette coupe du monde, c'est qu'il avait les moyens tant techniques que matériels d'entretenir le mental opérationnel nourrissant une telle ambition. Elle légitime même son rêve de briller encore plus, atteindre la finale et s'y imposer en cette coupe du monde se jouant pour la première fois en terre arabe, en terrain acquis, à domicile quasiment.
C'est que, sans nul doute, l'inconscient collectif, ce moteur magique des événements a été de la partie avec, en arrière-plan, des relents historiques et psychologiques qu'on aurait tort de négliger. En effet, les confrontations avec les équipes d'Espagne puis du Portugal emportaient leur lot de symboles, étant des pays avec lesquels le Maroc partage un passé commun riche en crises, contradictions, paradoxes et conflits, où est grande la pulsion en motivations pour prendre une revanche sur l'histoire, ne serait-ce que sur le terrain du jeu, souvent meilleure thérapie de pas mal de névroses. 
Ce sera bien le cas encore avec la demi-finale, un duel quasi fratricide opposant les enfants du Maroc indépendant à ceux de l'ancien colonisateur, parfois des compatriotes aussi. On a vu le délire de la victoire étriquée de la Tunisie sur l'équipe B de France en qualifications, qu'en serait-il donc si cela advenait sur l'équipe titulaire ? 
Un tel inconscient super motivant a d'ailleurs inspiré les derniers propos explicites de l'entraîneur du Maroc qui a pu critiquer à juste titre, à bon droit aussi, l'attitude de l'Occident concernant le football arabe et son mépris quasiment affiché à l'égard de ses entraîneurs. Certes, les causes objectives d'une telle défiance ne manquent pas, mais elles s'aggravent de causes subjectives contestables. Il est vrai aussi - ce qu'il ne faut point oublier - qu'une telle attitude s'alimente pour une part non négligeable du propre mépris des Arabes et Africains pour les leurs. 
Il n'empêche qu'il importe de rappeler aussi que les uns et les autres, contempteurs étrangers et complices nationaux dans une propre sous-estimation, font de l'amalgame abusif, étendant le manque flagrant des moyens aux capacités qui ne manquent pourtant pas et ne demandent qu'à briller pour peu que les moyens soient disponibles. Ce qui n'est souvent pas le cas, d'autant mieux qu'on s'évertue à agir pour que cela ne change pas ; et ce tant dans les pays que chez leurs voisins riches, occidentaux. La situation du football dans notre pays en est un éloquent témoignage.

L'inconscient en arme fatale
On ne le nie plus scientifiquement, l'inconscient et l'imaginaire sont derrière toutes les actions humaines, quand ils n'en sont pas la cause du moment que rien ne vient en contrarier l'occurrence, en termes matériels particulièrement ; et les symboles en sont le moteur. Ce qui ne manque pas à l'occasion de cette coupe du monde. 
On l'a dit, le parcours de l'équipe marocaine à partir de la seconde phase des éliminatoires a été un creuset symbolique bien riche que les moyens techniques et humains de l'équipe, disposant des fonds matériels nécessaires, a magnifié. Il lui reste à résister mentalement pour ne pas lâcher prise dans l'immédiat en se laissant aller à une euphorie malvenue pour l'instant, ce péché mignon des cultures du Sud. Car il y est de tradition de céder assez souvent, faute de conviction et/ou de moyens pour l'entretenir, à la tentation de se suffire de ce qui a été réalisé comme performance. Il ne s'agit, au vrai, que du fatal retour de ce refoulé de se considérer toujours inférieur à cet autre d'Occident dont la prééminence actuelle arrive à occulter ce que l'on de qualités propres, nullement ou moins matérielles certes, une richesse morale et culturelle ignorée ou défigurée.
En demi-finale, c'est bien plus qu'un match de football qui a lieu, bel et bien un match où l'histoire tant politique que culturelle et idéologique sera de la partie. Et le Maroc aura bien à son actif pour l'emporter des raisons de prendre sa revanche contre l'histoire passée et, éventuellement, contre lui-même, soit tout ce qui l'a empêché depuis son indépendance à faire partie du cortège de ce qu'on appelle pays développés. S'il réussit l'exploit, en veillant notamment à ne pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué, il ne lui resterait qu'à tenter de profiter de ce qu'on appelle l'avantage du terrain. 
Alors il aiderait utilement à briser enfin cette lubie de l'Arabe, musulman de plus, incapable de briller, faire aussi bien sinon mieux que ce qu'on a tort de considérer développé, quand ce concept n'est valide que pour qualifier les faits économiques. Car les aspects culturels et humains ne doivent pas relever d'une telle qualification quantitative, mais bel et bien d'une estimation qualitative qui est plus culturelle et éthique. Ce qui est en constante mutation, tant vers l'évolution que la régression eu égard aux vertus humanistes en l'absence de veille axiologique permanente. 
En cela, avec un monde en pleine mutation, une victoire marocaine serait fort utile pour consolider les initiatives esseulées en cours pour une radicale transformation des mentalités en terre arabe musulmane. Ce qui implique le dépassement tant de la sous-estimation de soi par singerie d'autrui que la surestimation par flagornerie contreproductive d'un passé évanoui pour une nouvelle renaissance culturelle tous azimuts ; et elle a pour siège le mental enfin libéré de ses blocages actuels. 

Tribune publiée sur Réalités magazine n° 1925 du 16 au 22 décembre 2022, pp. 54-55.