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I-SLAM : ISLAM POSTMODERNE








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dimanche 30 octobre 2022

De fin à faim d’histoire 6

Une femme mufti de la République ?


  

La vacance actuelle de la charge de mufti de Tunisie après le décès de feu Othman Battikh, que Dieu ait son âme, est une chance à saisir pour rénover la conception de l’islam en notre pays, de plus en plus gagné par une dérive irrépressible vers l’intégrisme. Or, il n'est que la négation même des principes fondateurs de l'islam, car les supposés fondamentalistes ne font que se référer à l’esprit judéo-chrétien. De la sorte, ils réintroduisent en foi d’islam ce qu’elle est venue rectifier dans le message abrahamique en tant que sceau de la révélation monothéiste.

Il en va ainsi de l’élévation de ce statut de la femme guère plus correctement interprété, étant réduit au rang féminin inférieur à celui de l’homme consacré par la Bible. Aussi, la désignation du nouveau titulaire de cette charge voulue éminente en islam serait-elle l’occasion, en y plaçant une femme, de confirmer le statut de femme parfaitement égale de l'homme en islam, y compris en matière religieuse.

Rappelons déjà que la fonction de mufti, aujourd’hui consacrée par les musulmans, ne cadre ni avec l’esprit ni la lettre de notre foi qui réfute toute prétention à y ériger un porte-parole de Dieu, n’étant que du ressort du fidèle en relation directe avec son créateur, et ce sans nul intermédiaire.

Un tel esprit anarchiste au sens noble du terme ne s’y retrouve plus depuis l’érection de tant d’autorités supposées spécialisée dans le savoir religieux, alors que seul Dieu sait, et tout un chacun est en mesure d'approcher la sagesse divine, mais jamais l'atteindre !

En islam pur, en effet, tout croyant sincère, connaissant sa foi, y a droit à l’effort libre d’interprétation, effort pour lequel il est rétribué même en cas d’erreur, tant que son intention pure est avérée. Aussi, même s'ils se sont imposés en islam, les sachants actuels violent le principe – cardinal qui plus est – d'absence de clergé, cette sorte de cohorte d'idoles morales en une religion s'étant illustrée par l'abolition de toutes les idoles.   

Cela étant dit, pourquoi donc ne pas nommer enfin à cette charge une femme pieuse et érudite – et l'on n’en manque pas en Tunisie ? Outre le fait que la femme, en Tunisie et en islam, est officiellement l'égale de l'homme, la nouvelle constitution prévoit bien de veiller au respect des visées de cette religion. N’est-ce pas une occasion à saisir afin de satisfaire l'un des principes éminents de cette foi, souvent méconnu et contesté ? N'est-il pas temps de reconnaître à la femme les mêmes droits qu'à l’homme en tous domaines, dont celui des fonctions religieuses ? Pourquoi ne voit-on toujours pas de femmes imams dans nos mosquées ? À quand une femme mufti et/ou ministre des Affaires religieuses ? 

Si l’on hésite à une telle réforme des mentalités, pourtant salutaire, quand on ne s’y refuse pas, c’est au prétexte que la société s’y opposerait par traditionalisme. Ce qui est faux, l'égalité en Tunisie étant, dans les têtes et d'une manière informelle, assumée et admise. Dans le pays, il y a juste une minorité d’obscurantistes et de machistes qui s’y refuse, profitant d'un milieu de contraintes légales, religieuses et morales, pour imposer une sorte de conformisme logique néfaste.

Ce n'est que cela qui donne l'impression fallacieuse que la société tunisienne est conservatrice, alors qu'elle n’est que labile, s'adaptant excessivement au milieu dans lequel elle se doit de vivre, survivre même, avec ses tares et ses obligations, en tenant compte de la violence qui s’exerce de la part des intégristes toutes tendances confondues.

Depuis le temps qu'on espère libérer l’islam et notre société de ce type de sous-développement mental, il et bien temps de s'y atteler. Ce qui impose, entre autres, de rompre avec une tradition contraire à l'esprit égalitaire de l'islam dans nos mosquées et qui  consiste à séparer les femmes des hommes, les cantonnant même à l'arrière. Il s'agira aussi de répudier cette autre violation des visées correctement interprétées de l'islam consistant dans le refus que la femme soit imam dans nos mosquées.

Il serait hautement symbolique de commencer par la charge de mufti qui engagerait une véritable révolution mentale au pays s'y faisant attendre. Quelle preuve cela serait d’application judicieuse de la nouvelle constitution dénoncée comme obscurantiste par des esprits se voulant modernistes, qui sont aussi intégristes que les religieux, et que je qualifie de salafistes profanes.

Car c'est la femme, déjà le futur de la Tunisie, qui assurera l'avenir  de l'islam tolérant et humaniste. Effectivement, elle est généralement et plus facilement mieux attachée que les hommes à la spiritualité de notre religion et moins dogmatiques qu'eux. Tant qu’elle n’est pas manipulée par les intégrismes ou soumise au dogmatisme légal ambiant, le conformisme logique que Durkheim.

Voici donc une initiative qui tient compte de l'importance du facteur religieux ayant mué en religiosité par dogmatisme au lieu d'être moins une religion réduite aux rites qu'une culture trait identitaire, une philosophie de vie.  

Nommer une femme mufti permettra aussi de renouer avec une tradition bien vivace aux temps fondateurs de l’islam et ces moments de gloire de sa culture et de sa civilisation où tant de femmes étaient honorées – et l'ayant amplement méritée – de la charge religieuse la plus élevée de juge des juges, de référence même en matière de dogme. La veuve du prophète Aïcha ne fut-elle pas imam des musulmans, assumant jusqu'à sa mort, quoiqu'informellement, la charge de mufti ? En ce temps-là, l’islam était encore ce qu’il devrait rester : une foi et une culture où la liberté de pensée est aussi importante que l’égalité des sexes en toute chose de la vie, notamment son aspect le plus éminent, la spiritualité.  

Tribune publiée sur Réalités 

et sur Réalités magazine n° 1922 du 11 au 17 novembre 2022, p. 57