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lundi 19 septembre 2022

Un visa pour la circulation 8

 Ne plus périr en Méditerranée ? 

Le visa de circulation !

 



 

Il ne se passe plus un jour sans qu'un nouveau sinistre en Méditerranée n'endeuille nos familles. La litanie des drames de ce qu'on continue d'appeler improprement migration clandestine est de plus en plus scabreuse dans le silence et l'inertie de nos autorités. Elles n'en parlent qu'en se concentrant sur l'aspect sécuritaire, plus promptes à annoncer la réussite des opérations de police maritime que de se pencher sur les causes véritables de la répétition des tentatives de nos boat people se soldant bien rarement sans morts et pertes en mer.

Pourtant, il ne s'agit plus de l'entreprise de jeunes supposés marginaux et désaxés pour tenter l'aventure. De plus en plus de candidats à l'expatriation sont diplômés, femmes rangées, mères et même des familles entières. Invariable revient en leitmotive pour tous la raison les amenant à une telle extrémité : tenter un geste désespéré de survie, quittant un pays sinistré où ils n'ont ni droits, ni libertés, ni perspectives de vie digne.

On a tort de continuer à se limiter de qualifier de migration illégale un tel grave phénomène en expansion exponentielle et de ne le gérer que sécuritaire ment. C'est bien faire une grave erreur sur sa nature réelle. Au vrai, il ne s'agit que d'expatriation contrariée, ces aventuriers de nos tristes temps n'ayant pas la possibilité autrement de voyager, le visa actuel les empêchant d'exercer ce droit imprescriptible des humains. Or, on ne peut plus en justifier la méconnaissance tant juridiquement que moralement. Surtout en un monde plus que jamais globalisé où il n'est quasiment plus de restriction à la libre circulation des marchandises et des services.

En rappelant que l'instauration du visa actuel devait être provisoire au moment de sa généralisation dans les années soixante-dix, disons solennellement que son maintien bafoue la souveraineté nationale qu'on ne cesse de proclamer, outre la dignité citoyenne tunisienne dont on se gargarise. Et elle consacre une irresponsabilité éthique face à ce qui est devenu en Méditerranée une industrie de la mort.

Comme il y a entreprise industrie, il y a forcément des entrepreneurs ; et ce sont les organisateurs des opérations en mer, les passeurs de nos désespérés ; c'est l'aspect sur lequel nos autorités préfèrent se focaliser. Or, il n'est que l'effet du phénomène, n'en étant point la cause.  Il tombe sous le sens que s’il y a des tentatives d'expatriation, ou migration, clandestine, ce n’est qu’à cause de la possibilité extrêmement limitée de circuler autrement en empruntant les voies légales. Et elle est quasiment absente constituant la cause réelle de la situation dramatique que nous vivons, allant en s'aggravant. D'autant qu'on ne fait rien dans le pays pour retenir nos nationaux en perdition, tellement  privés de leurs moindres droits et libertés en Tunisie au point d'estimer meilleur sort l'hypothèse de périr en mer.

Pareil constat d'échec, tant légal que moral, est d'autant plus impardonnable qu'il emporte une démission en termes de logique politique et juridique de nos autorités. Elle tient l'acceptation sans nulle contestation des fausses raisons invoquées par les tenants de la thèse du visa incontournable sans même exiger ce que la pratique actuelle visa suppose en prolongements logiques,  juridiquement et moralement.

En effet, prélever les empreintes digitales de ses nationaux sur son propre territoire par des autorités étrangères est une énorme concession à la souveraineté nationale  supposant une compensation en retour, comme la garantie du visa aux ressortissants. Ce ne sont pas des facilités d'octroi du visa, comme en s'en contente, qui y suffiront, mais sa délivrance sans nulle formalité supplémentaire que le relevé de ces empreintes digitales les fichant à l'étranger pour fait de simple exercice de leur droit à circuler librement.

De plus une telle compensation serait pour l'active participation des autorités nationales à lutter contre les tentatives de circulation sans visa. Surtout qu'avec la multiplication de drames atroces et leur récurrence, elle se transforme en une complicité avec la politique européenne désormais criminogène, à l'origine de ce qu'une voix juste de responsable européen a qualifié de Shoah moderne en notre supposée mer commune.

Comment faire donc de cette Méditerranée, désormais charnier, le lac de paix toujours espéré, jamais réalisé ? En agissant sur la vraie cause, non les effets. C'est en ayant le courage de demander enfin la transformation du visa actuel en visa de circulation quitte à devoir suspendre pour cela la participation à la sécurisation de nos frontières et de renoncer aux subsides versés par l'Union européenne pour ce faire. Or, il est aussi  un argument massue à avancer pour obtenir gain de cause, à savoir qu'il s'agit d'une arme fatale contre la clandestinité qui éradiquera les passeurs et la moindre tentation de traverser la Méditerranée clandestinement.

L'impératif catégorique moral et légal de notre diplomatie est désormais d'oser sans plus tarder faire de l'appel au visa biométrique de circulation la norme des rapports tuniso-européens. Il ne s'agit ni d'utopie ni de lubie, ce type de visa existant dans les relations internationales tout en étant réservé à des minorités privilégiées. Il ne s'agit que de le généraliser en contrepartie du prélèvement illégal des empreintes digitales qui sera maintenu. Aussi, en compensation, le visa est délivré automatiquement et gratuitement à tout ressortissant tunisien le demandant pour une année, trois ou cinq ans, visa renouvelable par tacite reconduction. Il donne le droit à des entrées multiples avec la restriction majeure que chaque entrée est limitée à un séjour ne dépassant pas trois mois. Pour ne pas perdre le bénéfice dudit visa, le titulaire doit donc quitter le territoire de séjour avant trois mois, quitte à y revenir aussitôt durant la validité annuelle ou pluriannuelle du visa.

Cette garantie sécurisée et rationalisée de la libre circulation humaine, outre de satisfaire les exigences légales et morales, n'est que tout bénéfice : plus de drames de la clandestinité, et même plus de clandestins, outre une recrudescence des voyages réguliers. Le bénéfice majeur sera de même d'administrer la preuve que les clandestins d'aujourd'hui n'ont pas forcément le désir de s'installer hors de leur pays, mais juste de pouvoir circuler librement. Il est temps d'en finir avec ce mythe au service de l'industrie de la mort en cours qu'il importe d'arrêter incontinent en notre Méditerranée. Alors et alors seulement, avec une telle libre circulation humaine rationalisée, on en rêvera pour de bon en lac de paix.        

 

Tribune publiée sur Réalités et sur

Réalités Magazine n° 1914 du 16 au 22/9/22, pp. 24-25